Préparer un diplôme tout en acquérant une première expérience professionnelle : c’est la promesse des formations en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Une formule qui s’applique à de plus en plus de masters, à l’université et dans les grandes écoles.
“Le premier atout d’un master en alternance, c’est de permettre de financer ses études autrement qu’en travaillant dans un fast-food !” La formule a le mérite de la franchise. On la doit à Gilbert Deunf, responsable du master de contrôle de gestion de l’ITESCIA, une école de la chambre de commerce de Paris-Île-de-France qui propose plusieurs masters en alternance. Étudier tout en gagnant un petit salaire : c’est effectivement l’un des tout premiers avantages des formations en alternance.
“Suivre des études supérieures coûte cher, résume Romain, 26 ans, qui a décroché en alternance un master développement et management des universités à l’IAE (institut d’administration des entreprises) de l’UPEC (université Paris-Est-Créteil). De nombreux étudiants sont obligés de travailler à côté de leurs études pour se loger, se nourrir, acheter leurs livres… Dans mon cas, préparer mon master en alternance m’a permis d’être complètement autonome financièrement.” Un atout certain quand on sait que la multiplication des petits boulots sans rapport avec les études influe négativement sur le taux de réussite aux examens.
1. Un salaire… et des études gratuites
Le choix de l’alternance se révèle encore plus payant pour les étudiants qui souhaitent préparer leur master dans une école privée. C’est le cas de Sarah, 22 ans, en deuxième année à l’EDHEC : “J’ai choisi cette école parce qu’elle est bien cotée auprès des entreprises, mais, à 8.000 € la première année et 12.000 € la deuxième, c’est un fardeau que mes parents ne pouvaient pas assurer. Du coup, cela a été un grand soulagement d’apprendre que j’étais prise en alternance.” Juste avant Noël, Sarah a signé un contrat en alternance avec une start-up parisienne.
Au cours des deux prochaines années, l’étudiante va donc partager son temps entre l’entreprise qui l’a embauchée en apprentissage et l’école, où elle préparera son master. Non seulement l’apprentie va toucher chaque mois un salaire équivalent au SMIC, mais, en plus, elle n’aura pas à payer les frais de scolarité, qui seront intégralement pris en charge par son entreprise et la Région, via la taxe d’apprentissage.
En alternance, le salaire minimal varie en fonction du type de contrat (apprentissage ou professionnalisation), de l’âge de l’alternant et de son année d’études – soit, net, en moyenne, pour les plus de 18 ans, de 600 à 1.200 € par mois, pendant toute la durée du contrat.
2. Une “vraie” expérience professionnelle
“Entreprise cherche jeune diplômé avec expérience professionnelle.” Avec l’alternance, cette équation insoluble trouve enfin sa solution. La qualité de l’insertion professionnelle, c’est ce qui fait la différence entre les étudiants qui se sont formés sous statut scolaire et ceux qui ont choisi l’alternance, d’après Gilbert Deunf : “Une fois diplômés, 40 % de nos jeunes n’ont même pas à chercher du travail et restent dans l’entreprise qui les a accueillis en alternance.”
Même retour de la part de Frédéric Chazal, directeur et fondateur du master 2 ingénierie patrimoniale de l’IUP (Institut universitaire professionnalisé) de Caen : “Il existe beaucoup de masters en gestion du patrimoine en France : le fait que le nôtre soit en alternance fait la différence en termes d’insertion professionnelle. La preuve : 99 % des entreprises qui prennent nos étudiants en alternance les prérecrutent, pour les embaucher en CDI une fois diplômés.”
Le contrat en alternance devient alors une sorte de période d’essai longue, qui permet à l’entreprise de former le jeune à ses méthodes de travail, et au jeune d’engranger une première vraie expérience professionnelle – tout en développant son réseau, un atout précieux dans la recherche d’un emploi.
3. Des études moins théoriques
Préparer son master en alternance peut également être un bon moyen de se motiver pour continuer des études supérieures. Comme le précise Gilbert Deunf, “les cours sont plus concrets, moins théoriques, avec des professeurs qui sont aussi des professionnels, et qui s’adressent à d’autres jeunes professionnels”.
Pour Frédéric Chazal, le fait que les étudiants passent la moitié de leur année de formation en entreprise oblige les intervenants du diplôme à aller plus loin dans leurs cours. Les professeurs doivent se montrer plus “pointus” dans les connaissances abordées et, surtout, ils profitent d’une interactivité beaucoup plus forte qu’avec des étudiants “classiques”.
“Mes étudiants alternants sont bien plus au courant de l’actualité de leur secteur que mes étudiants sous statut scolaire, relève le responsable du master d’ingénierie patrimoniale. Exemple avec un cours sur le démembrement de propriété, dont la loi de finances rectificative a contribué à modifier les règles d’imputation du passif : à mes étudiants de la Sorbonne sous statut scolaire, j’ai transmis l’information, alors que mes étudiants de Caen, tous alternants, étaient déjà au courant de cette modification avant même que le cours ne commence. Ils en avaient pris connaissance au sein de leur entreprise.”
4. Un encadrement plus présent
Choisir l’alternance, c’est aussi bénéficier d’un accompagnement plus présent tout au long de son parcours de formation, une garantie supplémentaire de réussite aux examens. En contrat d’apprentissage, tous les jeunes ont un maître d’apprentissage, qui les accompagne et les guide dans l’entreprise. La plupart des écoles et des universités qui proposent des masters en alternance multiplient également les rencontres entre tuteurs et responsables de diplôme.
C’est le cas à l’ITESCIA, où les premiers pas de l’étudiant en entreprise sont balisés par des points réguliers entre l’apprenti et son tuteur dans l’entreprise, mais aussi à l’école. Même chose au sein du master management des ressources humaines de l’université Lille 1, dont François Geuze est le coresponsable : “Quatre rendez-vous sont programmés dans l’année avec les tuteurs des étudiants en entreprise pour parler des projets sur lesquels ils vont travailler, mais aussi pour suivre leur évolution et leur professionnalisation.”
Être rémunéré pendant ses études, acquérir une expérience professionnelle qui fera la différence sur le CV, bénéficier d’un encadrement personnalisé et d’un enseignement plus concret… Le master en alternance a tout de la formule idéale, mais attention à ne pas s’y engager trop vite, car elle est aussi extrêmement exigeante.
“L’année de master en alternance est une année très dense, prévient Frédéric Chazal. Les jeunes peuvent être amenés à faire beaucoup de kilomètres pour relier leur entreprise et leur lieu d’enseignement. Il faut parfois payer deux logements, alterner les semaines de quarante heures de cours avec les semaines de trente-cinq heures en entreprise…”
“C’est vrai, la charge est parfois lourde entre le travail étudiant et le travail dans l’entreprise, reconnaît Romain Pierronnet. Mais c’est tout à fait gérable si on sait bien s’organiser.” Or le sens de l’organisation n’est-il pas l’une des toutes premières compétences attendues par les recruteurs de jeunes diplômés ?