40 ans après l’abolition de la peine de mort, pourquoi en débat-on encore souvent en France?

40 ans après l’abolition de la peine de mort, pourquoi en débat-on encore souvent en France?

“L’abolition de la peine de mort est un événement historique majeur en France”, déclare l’article 1 de la loi du 9 octobre 1981. Cette loi, promulguée il y a quarante ans jour pour jour, a été portée par le ministre de la Justice de l’époque, Robert Badinter.

Cependant, malgré ces quarante années écoulées, la France semble avoir du mal à tirer un trait définitif sur ce chapitre. Récemment, c’est le polémiste Éric Zemmour qui a suscité la controverse en évoquant la possibilité du retour de la peine de mort. Il s’est dit “philosophiquement” favorable à son rétablissement, affirmant même qu’une “majorité de Français” partageait cette opinion.

Le retour de la peine de mort faisait également partie du programme du Front National (aujourd’hui Rassemblement National) jusqu’en 2012. Même si le terme “peine de mort” ne figurait plus dans les propositions de Marine Le Pen en 2017, elle avait laissé entendre qu’un référendum d’initiative populaire pourrait être envisagé sur ce sujet.

Une opinion divisée

Les derniers sondages révèlent qu’une forte majorité des partisans de la peine de mort se situe à droite de l’échiquier politique, notamment dans les rangs de l’extrême droite. Selon une enquête récente d’Ispos datée d’août 2021, 80% des sympathisants du Rassemblement National sont favorables à son rétablissement, contre seulement 29% chez les sympathisants de La France Insoumise.

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Globalement, ces dernières années, les Français semblent très divisés sur cette question, avec des enquêtes d’opinion qui montrent à chaque fois une répartition équitable, autour de 50% de partisans et 50% d’opposants à la peine capitale, avec quelques variations d’une année à l’autre.

Rétablir “l’ordre du monde et la sécurité”

Les sondages révèlent également une augmentation significative du soutien à la peine de mort en 2015, après les attentats qui ont frappé la France. Selon Anne Denis, responsable de la commission sur l’abolition de la peine de mort pour Amnesty International France, cela s’explique par le fait que “l’opinion publique réagit aux crimes violents avec de la violence”. Toutefois, Amnesty International explique qu’il n’existe aucune preuve crédible démontrant que la peine de mort soit plus dissuasive qu’une peine d’emprisonnement.

“La volonté que les coupables souffrent”

Nicolas Picard soutient que cette demande de plus de fermeté provient en partie du fait que notre société actuelle “supporte de moins en moins les atteintes aux personnes”. Il prend l’exemple des “atteintes sexuelles, considérées aujourd’hui comme gravissimes”, alors qu’elles étaient moins sévèrement condamnées au cours du XXe siècle. La peine de mort serait donc perçue comme une manière de faire en sorte que les coupables souffrent en proportion de ce qu’ils ont infligé aux victimes.

Les Français “ne savent plus ce que c’est de vivre dans un pays” avec la peine de mort

Il convient également de souligner que certaines générations de Français n’ont jamais connu la peine de mort, ce qui explique en partie leur manque de référence en la matière. Comme le note Anne Denis, “les enquêtes d’opinion permettent de voir l’évolution des réponses à une même question des années 1970 à aujourd’hui, mais le contexte n’est plus du tout le même”. Ce constat est partagé par Nicolas Picard, qui estime que les enquêtes d’opinion ont peu de valeur lorsqu’il s’agit de la peine de mort.

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“Pas de retour en arrière” possible

Malgré les débats occasionnels, la peine de mort reste un sujet secondaire dans notre société, selon Nicolas Picard. De plus, sa remise en place est en réalité impossible en France, car elle est interdite par la Constitution depuis 2007. Par ailleurs, la France a signé plusieurs traités internationaux qui interdisent la peine de mort, comme les protocoles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Amnesty International souligne que ces traités ne prévoient aucune clause permettant un retrait de la Convention. Décider de ne plus les respecter entraînerait très probablement le retrait de la France de la CEDH, ce qui aurait des conséquences diplomatiques très importantes.

En conclusion, selon Robert Badinter, “la peine de mort en France, c’est fini”, et cette conviction est partagée dans toutes les démocraties européennes. Malgré les débats récurrents, il est peu probable que la peine de mort fasse son retour en France.