Le salut, c’est quoi au juste ? En français, le terme “salut” renvoie à l’expérience d’être délivré, d’échapper à un danger, d’éviter le pire. Dans l’Ancien Testament, le salut est l’un des mots utilisés pour parler de délivrance, de guérison, de libération. C’est une histoire de relation, nous dit Christophe Pichon, maître de conférences en exégèse biblique et docteur en théologie catholique. C’est se savoir accompagné de Dieu, ne pas se sentir perdu ou seul.
De quoi sommes-nous libérés ?
Dans la croyance chrétienne, grâce au sacrifice du Christ, nous sommes sauvés du péché, de la mort et de tout ce qui nous empêche d’être fidèles à la Parole de Dieu. “Le péché est une rupture avec Dieu, et être sauvé du péché, c’est rétablir cette relation”, rappelle Christophe Pichon. Michel Fédou, jésuite et docteur en théologie, souligne également l’aspect libérateur du salut. Dans les Évangiles, Jésus lui-même parle de la délivrance de notre âme lorsqu’il guérit l’aveugle Bartimée en lui disant : “Va, ta foi t’a sauvé”. Le salut est donc une victoire sur toutes les formes de mort, une annonce de la vie éternelle qui a déjà commencé avec la résurrection du Christ.
Comment les Écritures parlent-elles du salut ?
Annoncé par les prophètes de l’Ancien Testament, le salut se réalise avec la mort et la résurrection du Christ, qui s’est offert pour racheter l’humanité de son péché. “Le nom même de Jésus signifie ‘Dieu sauve’ “, explique le père Fédou. Tout le Nouveau Testament met en avant ce lien intime entre la présence de Jésus et le salut. Les Évangiles annoncent le salut du monde par Jésus, à commencer par l’annonce faite à Joseph : “Marie enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus ; c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés” (Mt 1, 21). Au cours de sa vie publique, Jésus ne cesse de proclamer ce salut et de poser des actes qui montrent que la libération est déjà à l’œuvre : guérisons, délivrance des possédés, pardon des péchés. Christophe Pichon souligne que souvent, le salut s’appréhende rétrospectivement, lorsque l’on se rend compte qu’en situation difficile, nous n’étions pas seuls. L’Évangile selon Luc met particulièrement en avant la présence du Christ dans des situations spécifiques.
Le sens du salut a-t-il évolué au cours des siècles ?
Si le sens de la rédemption est resté le même au fil des siècles, la question “Comment être sauvé ?” a animé les débats théologiques depuis les premiers temps. “Les controverses ont commencé dès le Ve siècle, avec Pélage, un moine britannique qui pensait que l’on pouvait se sauver par ses propres forces”, explique le père Michel Fédou. Saint Augustin, quant à lui, rappelait que le salut est un don, une grâce accordée par Dieu à l’être humain, et que cette grâce a sa source dans la volonté de Dieu. La question s’est à nouveau posée lors de la Réforme protestante au XVIe siècle, où Luther rappelle que seule l’intervention de la grâce divine (“sola gratia”) sauve l’âme humaine. Les catholiques, tout en étant d’accord sur le principe de l’initiative divine dans le salut, mettent l’accent sur la liberté de l’être humain et sur sa collaboration active à ce salut.
Quelle part avons-nous dans notre salut ?
Grâce au dialogue œcuménique, les différentes confessions chrétiennes ont réussi à se mettre d’accord sur le fait que le salut vient de Dieu. Cependant, l’homme n’est pas passif devant ce don. Il est libre d’accepter cette offre de salut. Comme le dit saint Augustin, “Dieu nous a créés sans nous mais ne nous sauvera pas sans nous”. Le Père désire notre consentement pour nous accorder le salut. Christophe Pichon insiste sur le fait que le salut demande notre réponse libre. Dans l’Évangile, lorsque Jésus dit au paralytique “Lève-toi et marche”, celui-ci est libre de répondre à l’appel du Christ et de se lever, ou non. On ne peut pas être sauvé malgré soi.
Si nous sommes déjà sauvés, pourquoi continuons-nous à faire l’expérience du mal et du péché ?
Même si Jésus a offert le salut à tous les hommes, cela ne signifie pas que le mal cesse d’exister. La foi chrétienne repose sur l’espérance que le salut a été offert mais qu’il doit se déployer tout au long de l’histoire humaine. Michel Fédou nous donne l’exemple de la relation entre maître et esclave dans les lettres de Paul. “Paul exhorte le maître à avoir une attitude de charité envers son esclave, mais il a fallu des siècles pour que l’esclavage soit enfin aboli. Il faut du temps pour que le salut puisse transformer toutes les dimensions de l’expérience humaine”. La lutte contre le mal continue donc jusqu’à la fin des temps. Cependant, les chrétiens ont l’assurance de la victoire sur le mal, car Jésus a vaincu la mort.
Le salut, est-ce une assurance pour le Ciel ?
Dans l’histoire de l’Église, différentes conceptions ont été confrontées concernant le paradis et l’enfer. Certains, comme Jansénius, ont soutenu l’idée d’une prédestination excluant certains êtres humains. Cette position a été rejetée par l’Église. D’autres ont affirmé que tous, sans exception et quelle que soit leur conduite, seraient sauvés. Cette conception a également été rejetée. Le théologien suisse Hans Urs von Balthasar résume la pensée de l’Église sur ce sujet : le salut est l’objet d’une espérance pour tous. Il incombe aux chrétiens d’espérer que tous seront sauvés, plutôt que de dire qui sera exclu du paradis ou qui y parviendra. “Car nous sommes tous appelés au salut”, rappelle Christophe Pichon. Le salut est moins une “chose” que nous possédons, c’est une relation qui se tisse. Comme le dit Christophe Pichon, “dans toute relation, il y a des hauts et des bas. J’aime l’image du fil rompu que l’on répare en faisant un nœud. À chaque nœud, le fil devient plus court, et la relation plus proche”.