À l’Espace des possibles, l’amour de soi est le point de départ du polyamour

À l’Espace des possibles, l’amour de soi est le point de départ du polyamour

De notre envoyé spécial en déplacement astral à Meschers,

Sur le tableau de liège, des demandes et des offres sont punaisées. Certains proposent des massages tantriques, d’autres cherchent de l’aide pour créer leur site web en WordPress. Il y a ceux qui offrent une balade sur la plage et de l’écoute positive, et d’autres espèrent trouver quelqu’un pour leur tirer les cartes. Depuis 1977, l’Espace des possibles, camping de Meschers (Charente-Maritime), sur l’estuaire de la Gironde, continue de cultiver l’esprit du new age pour des vacances “apprenantes, participatives et durables”.

Un héritage de 1929 et 1968

“Ici, on croit en l’éducation. Les “proposants” arrivent avec leurs connaissances et viennent les transmettre”, explique Yves Donnars, psychologue de formation et maître des lieux depuis la création de l’Espace. Après un voyage aux États-Unis en 1968, où il découvre le mouvement New Age dans un camp où “on développe des techniques qui dépassent la psychanalyse”, Yves Donnars cherche à créer l’équivalent à Paris. La bande, pleine de bonne volonté mais aux poches vides, se replie sur le terrain que la mère d’Yves possède. “Mon grand-père l’avait acheté en 1929 pour en faire une station balnéaire. Ma mère en a hérité jeune et en a fait un champ d’arbres…”

Des arbres et des pseudosciences

Aujourd’hui, l’Espace des possibles mêle encore ces deux héritages. Très différent des campings voisins, le lieu est verdoyant et aéré, accueillant 400 personnes là où un espace similaire en accueillerait le triple habituellement. Les ateliers proposés travaillent principalement sur le “développement personnel”. “Ce qui marche, c’est la socialisation. On est moins focalisés sur nos problèmes et davantage sur nos ressources”, explique Yves.

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“Tu veux un câlin ?”

Cependant, l’Espace des possibles n’est pas un paradis perdu. “Ici, on est dans le développement personnel, on apprend à écouter notre moi profond et intime, nos envies et nos désirs. C’est bien beau, mais cela ne va pas toujours de pair avec le vivre-ensemble et la bienveillance”, plaisante Bernard, en charge de la planification de l’entretien du potager en biodynamie. On retrouve ici les mêmes problèmes que dans n’importe quelle communauté, même si parfois, on croise un jeune homme pieds nus qui nous propose de la câlinothérapie avec un sourire bienveillant.

“J’ai vu ma première vulve à un cours de poterie”

Star malgré lui du roman de Michel Houellebecq, Les particules élémentaires, sorti en 1998, L’Espace des possibles y est décrit comme un lieu de débauche où la liberté sexuelle aurait conduit à des dérives comme la pédocriminalité. L’auteur était un habitué du lieu qui, encore aujourd’hui, fascine et fait fantasmer. “Quand j’en parle avec des amis qui ne connaissent pas l’endroit, ils s’imaginent que nous sommes tous nus en train de danser les soirs de pleine lune”, se lamente René, qui fréquente l’Espace depuis quarante ans. Mais aujourd’hui, l’Espace compte surtout des couples plus âgés… bourgeois. “Je participe à des ateliers sur le polyamour, mais c’est plutôt théorique, vous savez”, ajoute-t-il.

Comment est-ce possible ?

Fin juillet, une jeune campeuse a été victime d’une grave agression sexuelle alors qu’elle montait sa tente. L’affaire est en cours d’investigation et a bouleversé Yves Donnars, qui a choisi d’en informer les campeurs dans un souci de transparence. Une controverse s’en est suivie, divisant les membres de l’Espace des possibles. Certains refusent d’endosser la responsabilité de l’événement, estimant que des viols peuvent se produire partout. D’autres estiment qu’il est de la responsabilité collective de faire mieux en matière de sécurité et d’attention pour que leur lieu de vacances reste une bulle “hors des statistiques”.

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