Acheter de la dette française : une fausse bonne idée pour votre épargne ?

Acheter de la dette française : une fausse bonne idée pour votre épargne ?

Les conséquences de la hausse des taux directeurs

La Banque centrale européenne a augmenté ses taux directeurs pour la première fois en 10 ans. Cette décision a un impact sur différents types de placements, y compris les obligations souveraines françaises. Ces titres, réputés presque sans risque, pourraient voir leurs taux augmenter dans les mois à venir. Est-il intéressant de les inclure dans votre stratégie d’investissement ? Voyons cela de plus près.

Gérer la dette publique

Chaque année, la France emprunte de l’argent sur les marchés pour financer son déficit budgétaire et rembourser les dettes passées. La dette publique française s’élevait à 2 901,8 milliards d’euros au premier trimestre 2022, selon l’Insee. L’Agence France Trésor (AFT), placée sous la responsabilité de Bercy, est en charge de la gestion de cette dette.

Pour collecter les fonds nécessaires, l’AFT émet de nouveaux titres de dette chaque semaine, selon un calendrier préétabli. Il existe deux grandes catégories de titres de dette. Tout d’abord, les Bons du Trésor Français (BFT), dont la maturité est inférieure à 1 an et qui sont réservés aux investisseurs institutionnels. Ensuite, les Obligations Assimilables du Trésor (OAT), qui couvrent des périodes allant de 2 à 50 ans. Ces dernières sont accessibles aux investisseurs particuliers sur le marché secondaire. En d’autres termes, vous pouvez acheter de la dette française et bénéficier d’une rémunération en retour. Mais comment procéder ? Et est-ce un investissement rentable ?

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Le marché primaire

L’achat de dette française sans passer par des fonds obligataires est devenu rare. Pourtant, dans le passé, l’État sollicitait souvent le public pour se financer et de nombreux ménages détenaient des obligations d’État au format papier, se souvient Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne.

Cependant, l’émission des titres du Trésor est désormais industrialisée. Il n’est plus possible pour un particulier d’acheter de la dette directement auprès de l’État. Au lieu de cela, l’Agence France Trésor collabore avec 15 grossistes, appelés les Spécialistes en Valeurs du Trésor (SVT), explique l’AFT interrogée par MoneyVox. Ces SVT comprennent des banques françaises telles que le Crédit Agricole, la Société Générale et BNP Paribas, ainsi que des banques internationales spécialisées dans le marché des obligations souveraines.

Lorsque l’AFT annonce qu’elle souhaite émettre de nouveaux titres de dette, les SVT font chacun une offre pour un certain nombre d’obligations. L’AFT donne ensuite la priorité aux offres les plus avantageuses jusqu’à ce que tous les titres soient vendus. Cette méthode garantit un coût de la dette optimal pour les contribuables français, précise l’Agence France Trésor. De plus, l’AFT reçoit souvent plus de demandes qu’elle ne peut satisfaire.

Acheter des OAT

Les SVT revendent ensuite les titres acquis à leurs clients institutionnels, tels que les assureurs, les fonds communs de placement (FCP) et les investisseurs étrangers. Cependant, en tant que particulier, vous pouvez également acheter et vendre des OAT sur le marché secondaire.

Pour ce faire, il vous suffit de passer un ordre de bourse auprès de votre intermédiaire financier. Veuillez noter que ce type d’opération, tout comme l’achat d’actions, implique des frais de courtage à l’achat et à la vente, ainsi que des frais de conservation sur le compte-titres une fois par an.

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En juin 2022, environ 2 189 milliards sur les 2 901,8 milliards d’euros de dette publique française étaient négociables et pouvaient donc être achetés ou vendus sur les marchés financiers. Par conséquent, près de 10 milliards d’euros de titres de dette française sont échangés quotidiennement, selon les chiffres de l’AFT.

Le risque de défaut

Il est donc possible de détenir des titres de dette française sans passer par des fonds obligataires. Est-ce une bonne idée pour autant ? “Pas nécessairement”, répond Philippe Crevel. “Les taux des OAT augmentent, mais ils restent actuellement assez faibles par rapport à l’inflation, qui atteint 6,1% sur un an selon les dernières données de l’Insee”, explique l’économiste.

De plus, les obligations ne sont pas totalement exemptes de risques. Tout d’abord, il existe un risque, bien que minime, que l’État fasse défaut. “Nous pensons que les États sont toujours en mesure de rembourser, mais la Grèce a montré par le passé que ce n’est pas toujours le cas”, souligne Philippe Crevel. En revanche, la France n’a pas fait défaut depuis 1797. Néanmoins, les dettes publiques des États européens atteignent actuellement des niveaux records (112,5% du PIB en France). De plus, la hausse des taux se traduit par un coût de la dette plus élevé pour les États.

La faible liquidité

Outre le risque de défaut, bien que minime aujourd’hui, il existe un risque de perte en capital si vous décidez de vendre vos titres de dette publique avant leur échéance. “La valeur liquidative d’une obligation, c’est-à-dire la valeur à laquelle vous pouvez revendre cette obligation, dépend de l’évolution des taux”, explique Philippe Crevel.

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Par exemple, si vous achetez une obligation à 100 euros avec un taux de 1,7%, mais que demain les taux augmentent à 3%, votre obligation ne vaudra plus 100 euros sur le marché secondaire, car elle sera considérée comme moins attrayante que les nouvelles obligations à 3%. “Avec la hausse des taux, comme c’est le cas actuellement, la liquidité de ce placement est limitée”, avertit Philippe Crevel.

Pour réduire les risques, les épargnants souhaitant investir dans des obligations souveraines choisissent souvent de le faire par le biais de fonds obligataires, plutôt que de manière directe. “Nos clients de la banque de détail préfèrent généralement investir dans le fonds en euros (qui comprend des OAT) de leur assurance vie pour accéder au marché obligataire”, confirme Fabien Labasse, directeur de l’épargne chez BNP Paribas Banque Commerciale en France. D’une part, il est plus facile de sortir de ces fonds à tout moment, et d’autre part, ils contiennent également des titres de dette d’autres pays européens ainsi que des obligations d’entreprises privées, parfois plus risquées mais également plus rémunératrices.

Conclusion

Acheter de la dette publique française peut sembler attrayant, mais il est important de prendre en compte les différents risques et d’être conscient de la faible liquidité de ce placement. Avant de prendre une décision, il est recommandé de consulter un professionnel de la finance et de diversifier vos investissements en fonction de vos objectifs et de votre tolérance au risque.