Affaire Paul Pogba : Découvrez le monde mystérieux des marabouts

Affaire Paul Pogba : qu’est-ce qu’un marabout ?

Marabout

Question de Foi

Le milieu de terrain international aurait été plusieurs fois menacé…

Une enquête judiciaire a été ouverte début août pour « tentatives d’extorsion en bande organisée », alors que le milieu international de la Juventus Turin Paul Pogba a affirmé avoir été plusieurs fois menacé par des amis d’enfance et son propre frère aîné, Mathias, modeste footballeur.

Auprès de la police, Paul Pogba, né à Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne) de parents guinéens, a reconnu avoir déjà payé un marabout pour éviter les blessures. L’international a aussi indiqué que les personnes qu’il accuse le menaceraient d’user d’une clé USB contenant des messages lui étant attribués, et réclamant dudit marabout qu’il jette un « sort » sur des adversaires et des coéquipiers, dont l’attaquant vedette du Paris SG Kylian Mbappé.

L’ « affaire Pogba » a mis les marabouts et le « maraboutage » en lumière comme jamais dans la presse française. En Afrique, en revanche, le surnaturel et les personnes qui le manient ont toujours été au cœur des préoccupations.

► Qu’est-ce qu’un marabout ?

Le sociologue sénégalais Abdou Khadre Sanogo opère une distinction conceptuelle entre le marabout, guide spirituel musulman soufi, issu des grandes lignées confrériques (mouride, tidiane) et ceux qu’il qualifie de « charlatans » et qui, en échange d’argent, promettent de résoudre les problèmes de leurs « clients ».

Dans son volumineux ouvrage de 934 pages (1), intitulé Divination marabout destin, un autre Sénégalais, le philosophe Ibrahima Sow, est moins catégorique dans sa définition. Pour lui, ce terme « fait référence à un type de personnage qui n’est pas clairement défini ». Ce mot est en effet parfois utilisé sans l’associer à une quelconque connaissance du Coran et de l’arabe, mais en retenant certains facteurs, « dont le pouvoir thérapeutique et l’usage ou le savoir-faire relevant de pratiques plus ou moins magiques ».

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Ailleurs sur le continent africain, le terme générique de marabout inclut « tout personnage possédant quelques connaissances et pouvoirs jugés “extraordinaires” ». Ce faisant, les devins, les guérisseurs et les détenteurs du savoir du monde traditionnel « capables ou susceptibles de modifier ou d’influer sur le cours des événements » sont appelés marabouts.

► Quelles techniques emploie le marabout ?

Le travail du marabout, considéré comme un être revendiquant un pouvoir surnaturel qu’il utilise pour répondre aux préoccupations de ceux qui le consultent, commence par un diagnostic grâce à des techniques de divination. Celles-ci sont multiples et font appel à divers éléments : des cauris, du sable, de l’eau, des marionnettes…

Cette phase de diagnostic est suivie d’une prescription. Le marabout délivre alors une « ordonnance » à son client. Cette prescription comporte des offrandes et sacrifices, dont le but est de conjurer le mauvais sort, d’obtenir une protection et parfois d’agir sur la vie de ses ennemis ou adversaires. « Ces pratiques peuvent être dangereuses pour l’équilibre de la société, car certains charlatans exigent même des sacrifices humains », souligne Abdou Khadre Sanogo. Ces dernières années, de nombreux scandales ont impliqué, en Afrique, des marabouts qui, en exigeant des sacrifices humains, ont poussé leurs clients au meurtre.

► Pourquoi les marabouts ont-ils du succès ?

Le recours aux marabouts est indissociable de la croyance en la sorcellerie. Comme le fait remarquer l’écrivain Abel Kouvouama, « on aurait cru que les personnes dites évoluées, les intellectuels, les citadins, du fait qu’ils sont en contact avec la vie moderne dominée par la rationalité scientifique et la technique, ne seraient plus sous l’emprise de la sorcellerie, qualifiée de monde d’irrationalité ». Mais il n’en est rien. Cette croyance, très présente en Afrique, connaît aussi une recrudescence en France. Une enquête Ifop de 2020 révèle en effet qu’en France, 40 % des moins de 35 ans et 25 % des plus de 35 ans croient en la sorcellerie.

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Certains sociologues relient cette recrudescence de la croyance en la sorcellerie à la multiplication, depuis une vingtaine d’années, de livres et de films l’évoquant, dans la mouvance de la saga Harry Potter. De même, les réseaux sociaux ont pu favoriser et décomplexer les gourous revendiquant des pouvoirs surnaturels.

Lucie Sarr

(1) Ibrahima Sow, Divination marabout destin, Nouvelles éditions numériques africaines (Nena), 2012, 934 pages.