Agriculture durable : des pratiques pour une sortie du modèle intensif

Agriculture durable : des pratiques pour une sortie du modèle intensif

La situation actuelle est ubuesque : l’écrasante majorité des produits que nous mangeons provient d’une agriculture intensive. Elle détériore, voire détruit les sols, pollue l’atmosphère (1/4 des émissions de gaz à effet de serre mondial), gaspille des ressources naturelles comme l’eau et participe à la disparition du vivant. Comment expliquer que ce modèle de production, qui a éclos dans les années 1960 dans le monde et en France particulièrement, puisse être toujours ultra-dominant ? A quoi ressemble l’agriculture durable ? Est-ce une réponse crédible ? Et quelles sont ses pratiques en faveur de l’environnement ? Développement durable et agriculture riment-ils ensemble ?

Qu’est-ce qu’une exploitation durable et quels sont les objectifs de l’agriculture durable ?

L’agriculture durable invite à promouvoir et à pratiquer une agriculture économiquement viable et pérenne, saine pour l’environnement et socialement équitable. Les objectifs de l’agriculture durable doivent répondre aux besoins d’aujourd’hui sans remettre en cause les ressources naturelles pour les générations futures. L’agriculture durable se fonde donc sur le concept de développement durable et s’appuie sur un système circulaire dans lequel les ressources prélevées ont le temps de se régénérer. Développement durable et agriculture font donc la paire pour former une exploitation durable. Ainsi, une exploitation durable est une exploitation viable, vivable, responsable et transmissible qui s’oppose à une agriculture productiviste fragilisant l’environnement avec l’usage d’engrais chimiques, de traitements herbicides, de fongicides, d’insecticides, de pesticides…

Agriculture durable : des pratiques bien connues depuis des millénaires

Développement durable & agriculture : des principes simples

L’agriculture durable est en fait un retour en arrière. On grossit le trait, d’accord. Pourtant en regardant de plus près les principes de développement durable qu’elle doit respecter, le trait s’amincit tout de même ! Nous en avons sélectionné 5, qui répondent directement aux enjeux de durabilité, de pollution de l’air et du sol :

  1. Réduire la part d’engrais azotés minéraux et stopper l’épandage des pesticides
  2. Adopter une meilleure gestion des ressources en eau en réutilisant l’eau de pluie et en évitant de pomper dans les nappes phréatiques
  3. Conserver des ressources génétiques (semences)
  4. Préserver la biodiversité en aménageant des pâturages naturels
  5. Lutter contre la désertification

En respectant ces objectifs, les agriculteurs de chaque pays pourraient parvenir à une agriculture plus durable. Mais si ces principes sont si connus, pourquoi ne sont-ils pas systématiquement appliqués ? Représentent-ils une réelle solution en termes de développement durable ?

Développement durable & agriculture : mais des principes bafoués

Ces fondements ont été remis en cause par le développement de l’agriculture intensive et ses pratiques :

  • La monoculture ;
  • L’épandage de pesticides et d’engrais azotés minéraux sur les sols et cultures ;
  • L’utilisation de machines agricoles alimentées par de l’énergie fossile.
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Son développement s’accompagne aussi d’un changement de vocabulaire dans le secteur de l’agriculture : les paysan.nes ne sont plus, dites bonjour aux exploitant.es agricoles. Les fermes disparaissent pour laisser place aux exploitations.

Exemple fictif d’une exploitation en agriculture intensive

Prenons l’exemple, en reprenant les 5 objectifs que nous avons sélectionnés, d’une exploitation de céréales (la France est le deuxième producteur au monde) dont les énormes champs bordent les voies de TGV et les autoroutes :

  1. L’exploitant utilise des engrais azotés minéraux pour accélérer la croissance des récoltes et des pesticides pour protéger ses récoltes des insectes et des maladies.
  2. Il doit utiliser une énorme quantité d’eau et d’énergie pour subvenir aux besoins de ses céréales. Ces produits ne sont pour la plupart pas adaptés à notre climat, mais choisis pour leur rendement.
  3. Il achète ses semences à des multinationales protégées par des brevets. Elles sont non reproductibles et vendues avec leurs pesticides, qui participent à l’érosion de la biodiversité.
  4. Aucune bête d’élevage n’est nécessaire pour paître, puisque rien d’autre que la céréale ne pousse.
  5. Ces champs doivent être d’une superficie conséquente pour être rentables. Dans un pays comme la France, en moyenne, une exploitation céréalière fait 124 hectares, soit 174 terrains de foot.

Cet exemple n’est pas là pour accuser qui que ce soit et, en réalité, toutes les exploitations réalisent des efforts sur certains points. Mais il reflète, malheureusement, les dérives d’une agriculture où la spécialisation entraîne certes des gains de productivité conséquents, mais participent au réchauffement climatique et sont bien loin d’une agriculture durable.

Derrière toute cette production, le développement incontrôlé de l’élevage

Aussi, et c’est peu dit, « 71 % des terres agricoles dans les pays d’Europe servent à élever du bétail, c’est-à-dire à nourrir des bêtes qui serviront, ensuite, à nous nourrir », selon une étude de l’unité européenne de Greenpeace publiée début 2019. Toujours selon l’ONG, sur l’intégralité des terres arables européennes, 63 % sont ainsi destinées à l’alimentation du bétail. Des terres qui pourraient servir à faire pousser des produits comme des fruits et des légumes. En France, la proportion est sensiblement la même.

🖐 Bon à savoir : La très réussie BD « Les Algues Vertes » montre cruellement comment les pratiques industrielles de l’élevage porcin a, en partie détruit, les côtes bretonnes. On peut également découvrir comment les agriculteurs se sont retrouvés piégés par des systèmes du « toujours plus ».

Une explication historique

Au sortir de la seconde guerre mondiale, de nouvelles pratiques agricoles, présentées comme modernes, vont durant les années 1960 prendre le pas sur la manière dont les agriculteurs français travaillaient leur production jusqu’alors :

  • La séparation de l’élevage et des cultures ;
  • Le recours à des machines bourrées aux énergies fossiles ;
  • Et surtout, l’utilisation des engrais azotés minéraux et des pesticides.
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L’agriculture intensive est née et va petit à petit devenir la norme. Elle va entraîner une hausse phénoménale de la production grâce à des rendements tout aussi extraordinaires.

« Les fondements de l’agriculture durable ont été remis en cause par le développement des pratiques intensives »

Cette histoire, très schématiquement racontée, ne court que depuis 70 ans, une brindille à l’échelle de l’Histoire. Et pourtant, elle a profondément remodelé notre environnement et notre rapport à l’alimentation.

Quand certains plébiscitent encore aujourd’hui ces pratiques dites « modernes », pour leur capacité à garantir une alimentation pour des millions de citoyens à des prix très bas, d’autres, à raison, pointent qu’un maintien du bio et de la durabilité des systèmes auraient permis d’éviter la mise en péril de l’environnement et le développement d’une alimentation industrielle et qu’elle est tout autant capable de nourrir la France. Penchons-nous sur les pratiques pour sortir de l’agriculture intensive.

Peut-on vraiment passer d’une agriculture intensive à une agriculture durable ?

Au vu du réchauffement climatique, de la raréfaction des ressources naturelles comme l’eau, de l’appauvrissement des territoires, la réponse ne peut être que oui. Partons de ce constat pour dessiner une agriculture durable, à partir de pratiques existantes. Il ne s’agit en rien d’une solution totale, plutôt de quelques axes prioritaires. Ces axes visent à améliorer sa gestion des ressources et de l’énergie et d’inscrire l’agriculture dans la durabilité. Et vous allez le voir, en décortiquant les chiffres, cela paraît toujours un peu plus simple.

Comment assurer une agriculture durable ?

Rappelons-le, l’agriculture représente un quart des émissions mondiales, avec deux principaux gaz à effet de serre : le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O). Le méthane, qui provient des pets et rots des bovins (encore l’élevage) est 28 fois plus « réchauffant » que le dioxyde de carbone. Le protoxyde d’azote est 310 fois plus réchauffant que le CO2. Il se dégage de l’épandage des engrais azotés minéraux et organiques et nuit à l’environnement. Il faut bien sûr ajouter à cela le CO2, émis par les échappements des machines agricoles, remplies d’énergies fossiles. Deux actions sont à prendre alors :

1ère action : diminuer la part de l’élevage intensif

Diminuer la part de l’élevage intensif dans un premier temps. Rappelons qu’environ 80% des porcs, bovins et poulets étaient élevés en intensif en France en 2018. Mais c’est la manière dont la viande est produite et consommée en général qu’il faut questionner. En effet, sur le plan alimentaire, notre rapport à la consommation de viande est à améliorer pour se diriger progressivement vers une consommation plus responsable.

🖐 En 2018, la consommation de viande par habitant, sous toutes ses formes, s’élève à 89 kilogrammes équivalent-carcasse (kgec) en France.

2ème action : continuer le développement de l’agriculture bio

Continuer le développement de l’agriculture bio. Ce type d’agriculture permet notamment d’avoir des exigences définies au niveau européen, d’être basée sur un cahier des charges robuste qui fait l’objet de contrôles annuels. Cela permet également de favoriser le « lien au sol » et d’interdire l’utilisation d’intrants de synthèse.

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🖐 Bon à savoir : L’agriculture biologique interdit les intrants de synthèse mais autorise les pesticides d’origine naturelle ainsi que les engrais azotés organiques ou minéraux naturels permettant aux plantes de pousser.

Agriculture durable : comment régénérer et non plus détruire le sol ?

Labours trop profonds, sols nus entre les récoltes et engrais : voici le cocktail qui appauvrit le sol. La situation est, en France, assez préoccupante. Les époux Bourguignon, anciens chercheurs à l’INRA, alertent depuis 30 ans sur les risques pour l’environnement portés par l’agriculture intensive sur les sols. Leur interview donnée à Passerelle Eco démontre à quel point l’utilisation des pratiques de certains agriculteurs ont, depuis les années 1960, détruit une bonne partie des terres arables en France et dans plein d’autres pays.

Avec des conséquences déjà bien visibles :

  • Inondations : « Les vingt dernières années ont été les plus sèches depuis trois mille ans, et pourtant jamais il n’y a eu autant d’inondations du fait de la mort de nos sols ».
  • Perte de qualité des cultures : « 40 % de la production de blés en Europe est de si mauvaise qualité qu’elle est donnée directement aux cochons ».
  • Erosion de la biodiversité (oiseaux, amphibiens, insectes) qui se nourrissent des organismes présents dans le sol.

Les sols ne sont pourtant pas « morts », à condition que les agriculteurs basculent vers une agriculture durable. Voici des exemples de pratiques pour une agriculture plus durable :

  • Sortir de la monoculture et diversifier les plantations pour éviter des sols nus
  • Arrêter la sur-utilisation des pesticides, herbicides et autres engrais
  • Ne plus retourner la terre avec des machines qui tuent toutes formes de vies à la surface

Comment l’agriculture peut-elle consommer moins d’eau ?

Deux constats à poser pour répondre à cette question. L’agriculture consomme près de 50 % de l’eau potable en France (70% au niveau mondial). Les périodes de sécheresse viendront bouleverser sa gestion. En effet elles tendent à s’intensifier dans les années à venir et qui vont cohabiter avec des périodes de fortes pluies. Des solutions rapides s’offrent aux agriculteurs pour y répondre : stockage de l’eau et utilisation des eaux usées en tête.

Mais là encore, c’est le choix des cultures qu’il faudrait revoir et en premier lieu, la plus gourmande en eau : la culture du maïs. En effet, il faut arroser le maïs pendant sa période de floraison, en plein été. Près de la moitié de l’eau utilisée en France pour l’agriculture l’est pour l’irrigation du maïs. Et cette production est principalement utilisée pour… nourrir le bétail.

🖐 Bon à savoir : 13 000 litres d’eau sont nécessaires pour produire 1 kg de bœuf.

Se renseigner sur l’agriculture durable, c’est s’intéresser à notre alimentation autant qu’à l’environnement. Heureusement, des initiatives se mettent en place un peu partout sur le territoire pour sortir de l’agriculture intensive, qui, nous l’espérons, ne sera qu’une parenthèse de l’Histoire et pour faire du développement durable & de l’agriculture un tout.

Pour aller plus loin sur le développement durable & l’agriculture:

  • Le mouvement Colibris, association qui anime et recense des éco-lieux, où d’autres solutions de production environnementale voient le jour pour notre environnement
  • Les écrits de Claude et Lydia Bourguignon
  • L’association Fermes d’avenir qui accompagne les nouvelles installations en agroécologie
  • Terre de liens, une entreprise d’investissement solidaire ouverte à tout le monde, qui permet de « placer son épargne dans un projet à haute valeur sociale et écologique. Le capital accumulé finance des fermes pour y implanter des activités agri-rurales diversifiées. » Économie, sociale, environnementale, toutes les branches du développement durable sont respectées dans ce projet!