Des volontaires motivés mais conscients des risques
Certains individus sont animés par le désir d’aider les civils en plein cœur de l’Ukraine envahie ou de se défendre “si le conflit arrivait en France”. Loin des zones de bombardement, des Français préoccupés par ce conflit s’entraînent auprès d’un ancien soldat des forces spéciales près de Bordeaux. Leur objectif est de “s’impliquer” sans pour autant se joindre à l’armée de Zelensky. Luc, 46 ans, et Fox, 28 ans, ont envisagé de prendre les armes après avoir été bouleversés par les images de dévastation en Ukraine. Cependant, ils ont rapidement pris conscience des dangers et de leur manque d’expérience. “Cela ne servirait à rien, je risquerais de mourir dès les premiers instants”, souligne le jeune livreur.
Une formation militaire improvisée
Malgré leurs doutes, Luc et Fox ont décidé de revêtir des uniformes militaires pour acquérir les bases de l’entraînement, dans un manoir en ruines envahi par la végétation, non loin de Bordeaux. Soucieux de préserver leur anonymat, leur visage est dissimulé sous des cagoules. Sur place, ils ont été accueillis par Mickaël*, un ancien militaire des forces spéciales qui a servi dans les Balkans, en Centrafrique et en Afghanistan. Face à l’afflux de personnes inexpérimentées souhaitant partir en Ukraine sur un coup de tête, ce patriote girondin a proposé un stage de 48 heures pour quelques dizaines d’euros. Lui-même avait envisagé de s’engager, mais les nombreuses incertitudes l’ont dissuadé.
Les limites des volontaires sans expérience militaire
Le gouvernement ukrainien estime que près de 20 000 combattants étrangers se sont portés volontaires pour aider l’Ukraine face à la Russie. Cependant, “il n’était pas forcément judicieux pour des personnes sans expérience militaire de s’engager”, admet Luc, ingénieur de formation, inquiet pour ses connaissances ukrainiennes sur place. Quant à Fox, son désir était avant tout d’aider les populations civiles. Il avait déjà envisagé de partir combattre auprès des Kurdes contre l’État islamique. Désormais, ils souhaitent “s’impliquer” d’une autre manière, en apportant une aide aux civils à l’intérieur de l’Ukraine. Selon Luc, “une petite formation est toujours utile”.
Des motivations diverses
Outre ces deux volontaires aux aspirations humanitaires, David, un responsable d’agence d’intérim de 44 ans, a d’autres motivations. Il ne cherche pas à devenir un héros, mais souhaite simplement acquérir des automatismes qui lui permettraient de réagir rapidement et de se défendre en cas de conflit en France. Ce père de famille, qui a déjà suivi des stages de survivalisme, explique : “Je ne veux pas devenir un Rambo, mais simplement me préparer au cas où.”
Une formation de courte durée
“L’objectif est de leur enseigner les bases du combat en milieu urbain et péri-urbain, ainsi que les premiers secours en combat avant une éventuelle projection en Ukraine. Cependant, je n’ai pas la prétention de faire d’eux des soldats en seulement deux jours, cela prend des mois, voire des années”, souligne l’instructeur, aujourd’hui fonctionnaire après avoir souffert de stress post-traumatique. Dans son sac, il transporte une panoplie d’armes factices en caoutchouc, utilisées à des fins de démonstration.
Un entraînement intensif dans un décor de ruines
Dans cet environnement en ruines, les stagiaires s’exercent à manier une arme, à se déplacer en formation et à entrer en sécurité dans un bâtiment, de jour comme de nuit. Allongés dans l’herbe, ils sont sensibilisés aux techniques de pansement compressif et à l’utilisation d’un garrot improvisé. “J’espère que cela les fera réfléchir. Il n’y a aucune honte à faire marche arrière”, glisse l’ancien militaire.
Les défis et les risques qui se posent aux volontaires étrangers
Suite à l’appel du gouvernement ukrainien aux volontaires étrangers pour rejoindre l’armée ukrainienne, des milliers de personnes, comme Luc et Fox, se sont abonnées à des groupes Facebook créés pour mettre en relation les candidats au départ. Cependant, peu d’entre elles sont réellement prêtes à franchir le pas. Jean-Yves Camus, politologue, chercheur associé à l’IRIS et spécialiste des nationalismes et des extrémismes, explique que “les conditions mêmes du conflit, une véritable guerre et non une guérilla, exigent une grande motivation, une idéologie bien définie et une maîtrise des armes”. Dans ce contexte, les déclarations d’intention de ces volontaires attirent l’attention des services de renseignement, qui craignent le départ de profils radicalisés. Selon une source proche du dossier, environ 60 à 70 personnes, principalement issues de l’ultradroite, seraient tentées de partir combattre aux côtés des Ukrainiens. M. Camus ajoute qu’il est probable que certains d’entre eux se rendent effectivement en Ukraine, mais pour des tâches plus liées à la sécurité civile qu’aux combats.
Un stage qui suscite des doutes
Initialement, douze stagiaires s’étaient inscrits au stage de Mickaël. Où sont les autres participants ? “Certains ont renoncé”, affirme l’instructeur, tandis que “d’autres sont partis la fleur au fusil”, dont l’un ne donne plus de nouvelles.
Prénom d’emprunt
Source : 19/03/2022 09:48:32 – Bordeaux (AFP) – © 2022 AFP