L’Apartheid – un système politique injuste qui a sévi en Afrique du Sud à partir de 1948 – peut se résumer en deux mots : “Whites only” (Réservé aux Blancs) et “Blancs seulement”. Dans cette rubrique, nous découvrirons l’origine et le fonctionnement de cette utopie raciste totalitaire, ainsi que les conséquences qu’elle a eues sur l’ensemble de la population. En empêchant le mélange des individus et en classifiant les identités ethniques selon une hiérarchie raciale, l’Apartheid a engendré des difficultés considérables pour se défaire de cette pensée raciste systémique. Comment ces identités collectives raciales se sont-elles construites ? Comment peut-on éliminer les préjugés et la peur entre les communautés lorsque ceux-ci ont été enseignés depuis l’enfance et sont ancrés dans la mémoire collective et la géographie du pays ?
Une brève définition
Le mot “Apartheid” est d’origine afrikaans et signifie “séparation”. Il aurait été utilisé pour la première fois en 1917 et désigne l’organisation d’une politique de “développements séparés”. Ce système légal a divisé la population sud-africaine en fonction de critères ethniques, appelés à l’époque “raciaux” ou linguistiques. Pendant cinquante ans, il a permis à une minorité de colons blancs (principalement d’origine hollandaise et anglaise) d’exploiter économiquement les populations noires (Kosean, Zulus, Tswanas, Ndébélés, Xhosas, Basotho, Pédis, Tsonga, Eswati) ainsi que les travailleurs indiens.
En 1948, sous la direction du pasteur Calviniste Daniel Malan, chef du Parti National, l’Apartheid est officiellement inscrit dans la loi. La population sud-africaine est ainsi divisée en quatre catégories : Blancs, Métis, Noirs et Indiens.
Les mesures de ce “développement séparé” sont d’une précision et d’une radicalité sans précédent. Les discriminations touchent tous les aspects de la vie quotidienne : droit de circulation, droit de propriété, système éducatif, système de santé, protection sociale et gestion des relations privées telles que le mariage. Toute contestation de ces mesures est interdite et les partis d’opposition sont bannis.
Le système de gestion de l’Apartheid se divise en deux parties : le “Petit Apartheid” et le “Grand Apartheid”.
Le “Petit Apartheid” vise à empêcher les contacts entre les Sud-Africains blancs et les Sud-Africains non blancs. Il concerne notamment la gestion des transports et des espaces publics tels que les parcs, les jardins, les plages, les bancs, les toilettes, etc.
Le “Grand Apartheid” concerne la création de “Bantoustans” et d’autres zones de regroupement obligatoire pour les Sud-Africains noirs en fonction de leur groupe ethnique et linguistique. La plupart des villes sont réservées aux populations blanches, tandis que les autres communautés sont entassées dans des territoires exiguës et dépourvus de richesses naturelles. Les déplacements de ces populations sont contrôlés par les Blancs.
Cette ségrégation raciale systématique a duré jusqu’au 30 juin 1991, date à laquelle les lois de l’Apartheid ont été abrogées par étapes. Cependant, vingt-cinq ans plus tard, l’Afrique du Sud est encore en proie à des inégalités extrêmes, à une prévalence du Sida élevée et à une violence criminelle paroxystique.
Une violence qui persiste
Malgré la disparition de l’Apartheid, l’Afrique du Sud lutte toujours contre les préjugés raciaux profondément enracinés. Le pays est confronté à des inégalités extrêmes, avec un taux de prévalence du Sida parmi les plus élevés au monde. La violence criminelle y est également très répandue, et il est possible que l’Afrique du Sud soit le pays où le viol est le plus courant. Entre 30% et 60% des femmes sud-africaines auraient été victimes de violences domestiques. Le pays connaît également un nombre élevé d’homicides, de vols, de cambriolages et d’attaques armées, ainsi que des problèmes de corruption et d’inefficacité policière.
Cette violence extrême dans la société post-Apartheid peut s’expliquer par les bouleversements liés à la transition démocratique du pays. Cependant, elle peut également être considérée à travers l’histoire du pays, marquée par la colonisation et le régime ségrégationniste brutal de l’Apartheid. Ces événements ont façonné une “culture de la violence” où la violence physique est perçue comme une identité légitime et une performance. Cette culture s’est construite sur plusieurs siècles et a contribué à la déshumanisation tant des bourreaux que des victimes.
L’Afrique du Sud doit encore faire face à ces défis pour construire une société pacifique et équitable pour tous.
Sources:
- [1] François Xavier Fauvelle-Aymar, “Et l’Afrique du Sud inventa l’apartheid”, L’Histoire, vol. 306, no. 2, 2006, pp. 34-34.
- [2] Myriam Houssay-Holzschuch, “La violence sud-africaine: Essai d’interprétation”, Études, tome 397 (7), 2002, pp. 43-52.
- [3] Libération, 7 décembre 2001, cité par Myriam-Houssay-Holzschuch, “La violence sud-africaine…”
- [4] Véronique Nahoum-Grappe, “Culture de la violence et différence des sexes: violence du stéréotype. Quelques réflexions issues de l’anthropologie”, Les Cahiers Dynamiques, vol. 58, no. 1, 2013, pp. 40-47.
Image:
Couverture du journal The New Yorker, suite à la mort de Nelson Mandela, le 5 décembre 2016.