Le dessin est bien plus qu’une simple étape du processus créatif. Il est un laboratoire de création, étroitement lié à tous les supports artistiques. En effet, le dessin est à la fois l’origine et l’aboutissement de nombreuses pratiques artistiques. Il possède cette incroyable liberté qui lui permet d’être la colonne vertébrale d’une œuvre, un outil de travail et de réflexion, même loin du papier et du crayon.
L’importance du dessin dans les pratiques artistiques contemporaines
Le dessin accompagne l’artiste depuis l’apprentissage jusqu’à la réalisation de l’œuvre finale. Au cours des siècles, les artistes ont dû acquérir une technique de représentation, travaillant sans relâche sur la maîtrise du modèle vivant, des perspectives, des modelés, et bien d’autres aspects. Ces dessins, initialement destinés à l’apprentissage, sont aujourd’hui exposés dans les musées, offrant un regard différent sur leur nature première.
De plus, les artistes utilisent le dessin comme un outil de préparation pour leurs futures œuvres. Les croquis accumulés matérialisent la réflexion de l’artiste, témoignant de l’évolution de sa pensée tant au niveau de la composition finale que des détails. Les centaines de croquis réalisés par Pablo Picasso pour les Demoiselles d’Avignon illustrent parfaitement cette idée. Chaque détail du personnage assis a fait l’objet de multiples recherches et essais, révélant les préoccupations du peintre.
Mais le dessin peut également devenir la structure même de l’œuvre. Il devient la colonne vertébrale, la base sur laquelle tout repose. Prenez l’exemple du carton de la Sainte Anne de Léonard de Vinci, même s’il n’a finalement pas été utilisé dans l’œuvre finale. Ou encore, pensez à la technique des fresques, où le dessin est préalablement transféré sur le mur à l’aide de trous réguliers, permettant aux artistes d’appliquer ensuite la pierre noire. Le papier est ensuite retiré, laissant apparaître les points reliés qui formeront la figure finale. Dans ces cas, le dessin devient un transfert essentiel à la réalisation de l’œuvre, partageant la même échelle.
Le dessin en tant qu’œuvre autonome
À partir du XIXe siècle, le dessin gagne en autonomie et devient un genre artistique à part entière. Gravures, lithographies, mines de graphite, il sort des ateliers pour être exposé. Bien que toujours considéré comme mineur, les artistes contemporains ont su élever le dessin au même rang que les autres pratiques artistiques. Tous les supports et matériaux sont prétextes à libérer la ligne. Le dessin s’affirme sur des surfaces bidimensionnelles, mais envahit également l’espace réel.
Les Wall drawings de Sol Le Witt en sont un exemple flagrant. Ces dessins doivent être réalisés directement sur les murs des expositions. L’exposition du Musée Pompidou de Metz en 2012-2013 a montré jusqu’où les lignes pouvaient s’étendre. L’artiste impose un protocole précis (couleur, longueur des traits, angles, etc.) que les artistes ou les étudiants en école d’art doivent reproduire sur les murs. Le crayon reste présent, mais la page cède sa place au mur.
Olga Boldyreff, quant à elle, réalise Les Indéfinissables. Son fil de tricotin dessine des objets en creux sur le mur. La laine matérialise le dessin, créant un lien indissociable entre le mur et le dessin. Un patron est fourni, indiquant les clous à placer et la hauteur souhaitée. Mais la hauteur peut varier selon le lieu d’exposition. Ainsi, une personne lambda peut donner vie à l’œuvre de l’artiste en suivant simplement les indications du patron.
Ces dessins de Sol Le Witt et d’Olga Boldyreff sont à la fois autonomes et révèlent un processus de création singulier.
Le dessin : processus créatif et aboutissement
Parfois, l’étape du processus créatif se confond avec l’œuvre aboutie. Le dessin devient un laboratoire de création, où différents moments de la réflexion prennent forme. Les spectateurs peuvent alors voir naître et évoluer les recherches de l’artiste. Les codex de Léonard de Vinci en sont un parfait exemple. À travers ses écritures et ses dessins, les lignes se mêlent sur la page, se commentant mutuellement sans pour autant constituer une œuvre achevée. Inspiré par le maître de la Renaissance, Fabrice Hyber dévoile dans Taba (2012) “le dynamisme de la pensée sur l’immobilisme du support”. Cette “chose mentale”, ce “laboratoire de création”, représente une œuvre aboutie et une mise en scène des différents rôles que peut jouer le dessin.
En explorant l’importance des procédés de représentation et de présentation dans l’autonomie récente du dessin, il devient clair que la relation entre le dessin et son support offre une réflexion pédagogique féconde, des carnets de croquis des artistes aux installations artistiques les plus contemporaines.
Questions enseignables :
- Quels effets les différents procédés de représentation peuvent-ils avoir sur la création artistique ?
- Comment la nature du support, les matériaux, les formats, etc., influencent-ils le dessin ?
- Quelles opérations plastiques permettent de passer de la forme à l’idée ?
- Comment matérialiser une idée dans une œuvre d’art ?
Pour aller plus loin…
- Fiche Chaarp : Dessins nomades, Frac es Pays de la Loire
- Fiche Chaarp : Le dessin et la lumière, Musée des Beaux-Arts d’Angers