La défaite de Barcelone le 26 janvier 1939 face à l’armée de Franco signifiait la défaite finale de l’armée républicaine dans la guerre civile espagnole. Cela entraîna également l’exil massif vers la frontière française, connu sous le nom de “la Retirada” (la Retraite). En hiver, presque déserte, plus de 450 000 républicains s’enfuirent vers les différents postes frontières français mis en place par le gouvernement français à partir du 28 janvier. Cette immense vague migratoire était totalement sans précédent en France et provoqua une profonde crise économique et sociale. Certains mouvements politiques profitèrent de cette situation pour attiser l’alarme sociale et la xénophobie envers ces réfugiés, étiquetés comme subversifs et dangereux.
Le gouvernement d’Édouard Daladier prit des décrets permettant à l’administration de confiner les “étrangers indésirables” dans des centres de surveillance permanents à partir de la fin de 1938. Ces actes fournissaient la couverture légale nécessaire pour emprisonner environ 350 000 réfugiés républicains et espagnols dans les différents camps de concentration construits en urgence par le gouvernement français.
La bande côtière du Roussillon, à seulement quelques kilomètres de la frontière, abritait certains des principaux camps d’internement, tels que Argelès-sur-Mer, Saint-Cyprien et Le Barcarès. Au départ, il ne s’agissait que d’immenses plages désertes, limitées et contrôlées par l’armée française, où des milliers de réfugiés étaient emprisonnés sans aucun abri pour les protéger du mauvais temps. Le taux de mortalité dans les camps explosa en raison du manque d’infrastructures, de l’eau insalubre, du manque de nourriture, ainsi que des conditions de surpeuplement et de la mauvaise santé des républicains.
Le camp de Saint-Cyprien a ouvert ses portes le 8 février 1939, quelques jours après l’ouverture du camp voisin d’Argelès-sur-Mer, dans le but d’enfermer et de contrôler l’avalanche d’exilés républicains traversant la frontière française. Au départ, il n’y avait que des tentes, mais cela s’est terminé par la construction de 13 blocs mesurant 300 x 500 mètres chacun, contenant 28 baraques en bois. Chaque baraque mesurait entre 75 et 125 mètres carrés et pouvait accueillir en moyenne 75 hommes. Le camp de Saint-Cyprien a abrité jusqu’à 90 000 personnes à son pic de congestion en mars 1939.
Lorsque la France entra dans la Seconde Guerre mondiale, plusieurs réfugiés politiques, la plupart d’entre eux juifs fuyant le Troisième Reich, arrivèrent en France. Ils rejoignirent le contingent espagnol déjà présent dans les camps, notamment à partir de mai 1940, lorsque le front ouest fut défait. Le camp de Saint-Cyprien resta ouvert jusqu’en novembre 1942, date à laquelle il fut fermé pour des “raisons de santé” et les internés furent transférés dans différents camps, tels que Rivesaltes où les réfugiés espagnols furent envoyés, ou le camp de Gurs où les exilés juifs furent déplacés.
De nos jours, il existe quelques monuments rendant hommage à ces épisodes historiques dramatiques à Saint-Cyprien. Par exemple, il est possible de visiter le monument dédié à Lluís Companys (président du gouvernement catalan assassiné par le régime de Franco) ainsi qu’à tous les Catalans morts en combattant comme volontaires dans l’armée française. On peut également trouver le Mémorial de l’ancien camp d’internement ainsi que la plaque de l’ossuaire au cimetière de Saint-Cyprien, où sont inscrits les noms de certains républicains morts au combat.
Une collection de photos du camp de Saint-Cyprien est disponible au United States Holocaust Memorial Museum.