Les vacances, c’est le rêve de tout le monde. On les prépare pendant des mois, impatients de partir. L’objectif ? Prendre du plaisir. Pourtant, certaines personnes en ont peur. C’est le cas de Marine, une étudiante de 20 ans, qui est agoraphobe. “Depuis trois ans, je n’arrive pas à quitter ma maison. Quand je suis loin de mes repères, je suis pris de crises d’angoisse, j’ai mal au ventre, je tremble. À mon âge, j’aimerais pouvoir être heureuse de partir!” D’autres ont peur de l’avion ou de rester inactifs, et cela empoisonne leur vie. Pensées négatives, crises de panique, troubles du sommeil : loin du bonheur idéalement apporté par les périodes de congés prolongés.
Pas le droit à l’erreur
Depuis l’après-guerre, les vacances ont structuré notre société. “Avant, ce n’était qu’une petite fenêtre dans la vie ordinaire”, explique Jean Viard, sociologue spécialiste des vacances et des loisirs. Dans les années 50, nous sommes passés de deux à trois semaines de congés payés par an, le réseau autoroutier s’est développé et le bikini a fait son apparition en juillet 1946. Les départs se sont multipliés et le “tourisme de masse” a pris de l’ampleur. “Les vacances marquent l’année et sont devenues essentielles dans la vie des gens”, poursuit Jean Viard. Et la pression augmente quand près d’un tiers des Français savent qu’ils ne partent qu’une seule fois par an. Pas le droit à l’erreur. Les vacances doivent être réussies, sinon il faudra attendre l’été suivant.
En manque de travail
Pour certains, de véritables phobies peuvent être à l’origine de blocages plus contraignants, qui les empêchent de profiter sereinement des vacances, voire même de partir. “Je n’ai jamais pris l’avion de ma vie”, confie Sylvie, une femme au foyer de 52 ans. “Impossible de franchir le pas, je me suis toujours arrangée pour l’éviter”. Sa seule solution : la voiture ou le train. Et pour ne pas pénaliser son fils de 23 ans, la quinquagénaire avoue qu’elle le confiait – lorsqu’il était plus jeune – aux bons soins de sa tante, afin qu’il puisse s’envoler vers le Portugal ou la Belgique.
Il y a aussi ceux qui n’arrivent pas à décrocher. “L’addiction au travail pose souvent problème”, raconte le Pr Lejoyeux, psychiatre à l’hôpital Bichat-Beaujon à Paris. “Certaines personnes n’existent que par le travail. Et lorsque elles arrêtent temporairement leur activité, elles ressentent un manque”. Un phénomène qui se développe. La peur du vide et de l’ennui nous empêche parfois de cesser de consulter nos courriels et de lâcher notre téléphone portable. Le repos passe au second plan. “Je n’arrive pas à ne rien faire”, raconte Michel, quadragénaire qui travaille dans le bâtiment. “Au contraire, ça m’angoisse, je tourne en rond”, poursuit-il.
“Une école de vie”
Certains font l’impasse sur leurs vacances, comme Sylvie, qui a renoncé à partir aux États-Unis il y a deux ans, effrayée par l’avion. Si nous sommes environ 10% en France à détester voyager, la conscience de passer à côté de quelque chose peut déranger. “Pendant les vacances, on se déplace, on découvre et on apprend des choses. En outre, cela permet de revitaliser nos relations amoureuses”, explique Jean Viard, sociologue spécialiste des vacances. “C’est une école de vie!” affirme-t-il.
Emilie, une étudiante de 21 ans, a peur de voyager. Mais elle a trouvé une technique pour s’éloigner. “J’ai commencé par partir deux jours et une nuit, puis la fois suivante trois jours et deux nuits”. Par étapes, elle a réussi l’année dernière à rendre visite à ses grands-parents pendant une semaine complète, à 300 km de chez elle. “Une petite victoire, mais je suis toujours en proie au stress plusieurs jours avant le départ”, nuance-t-elle.
D’autres parviennent à surmonter leurs peurs. Après une longue période d’angoisse et de stress, notamment lors de vacances en Australie, Sébastien Mulliez a décidé de prendre le problème à bras-le-corps. “J’ai passé les deux pires semaines de ma vie à Melbourne”, écrit-il sur son blog dédié au partage de son expérience. “Je voulais tout le temps aller chez le médecin, j’imaginais les pires scénarios […]. J’ai même passé une IRM cérébrale, juste pour vérifier”. Après cela, Sébastien a rencontré une dizaine de thérapeutes, lu une centaine de livres, fréquenté des salons de bien-être et s’est même lancé dans la méditation. Aujourd’hui, il affirme être serein et contrôler ses émotions : les vacances ne sont plus un problème.
“Les émotions ne sont pas des maladies!” lance le Pr Lejoyeux. Nos modes de vie actuels – avec pour maîtres mots la vitesse, la rentabilité et la performance – n’arrangent rien. À cela s’ajoute le poids des réseaux sociaux. Pouvez-vous imaginer passer l’été sans partager de photos de vos vacances? Cette image où vous souriez et êtes détendu, sous le soleil, avec une mer bleue en toile de fond.
“Les vacances ont créé une partie des codes sociaux d’après-guerre”, explique Jean Viard. “Aujourd’hui, nous sommes stressés parce que nous voulons perdre du poids avant de partir, parce que nous voulons arriver déjà bronzés à la plage ou parce qu’il est absolument nécessaire d’avoir le short et le maillot de bain adéquats”, poursuit le sociologue. Être prêt avant même d’avoir commencé, voilà aussi les vacances en 2016.