Combien de centrales faut-il construire pour électrifier toutes les voitures de France ?

Combien de centrales faut-il construire pour électrifier toutes les voitures de France ?

La fin des moteurs thermiques est imminente. Demain, nous devrons tous conduire des voitures électriques. Mais aurons-nous suffisamment d’électricité pour alimenter tous les véhicules en France ?

L’électrification est l’une des solutions retenues pour décarboner nos économies. Certains la considèrent comme la solution à tous nos problèmes en la matière, notamment dans le domaine de la mobilité. C’est en tout cas l’alternative la plus avancée pour réduire notre dépendance aux carburants fossiles et les pollutions qui en découlent.

Il est important de rappeler que la mobilité en France est responsable de 30 % des émissions de gaz à effet de serre, et même de 40 % des émissions de CO2. Cela est dû au fait que plus de 80 % de la mobilité repose encore sur les énergies fossiles. En 2015, lors de la COP21, les experts ont estimé qu’il était nécessaire de réduire les émissions du secteur de la mobilité d’un facteur 4 d’ici 2050 pour limiter le réchauffement climatique. Malheureusement, depuis lors, aucune amélioration n’a été constatée. La mobilité est le seul secteur où les émissions sont restées inchangées. Par conséquent, l’objectif actuel est de diviser nos émissions dans ce secteur par six d’ici 2050 !

Des voitures électriques pour réduire les émissions du secteur de la mobilité

Pour atteindre cet objectif, l’idée est d’électrifier le parc automobile français en utilisant des sources d’énergie à faible teneur en carbone. En France, où le mix électrique est déjà largement décarboné, promouvoir la voiture électrique est essentiel. Cependant, cela ne résoudra pas complètement notre problème, selon Barbara Dalibard, membre de l’Académie des technologies et présidente du conseil de surveillance du Groupe Michelin. Selon elle, si nous voulons que tous les véhicules en France soient électriques à l’avenir, il faudra entre 10 et 15 réacteurs nucléaires de 1 GW chacun, uniquement dédiés à alimenter nos véhicules lors des départs en vacances estivales.

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En effectuant un rapide calcul, un réacteur nucléaire de 900 MW, avec un facteur de charge de 80 %, peut produire 6,3 TWh d’électricité par an. Cela permettrait de recharger environ 120 millions de batteries de 52 kWh, ce qui équivaut à environ 330 000 recharges par jour. Sachant qu’au 1er janvier 2022, il y avait environ 39 millions de voitures en circulation en France, tous types de moteurs confondus.

Des besoins en électricité déjà en augmentation

Dans son bilan prévisionnel publié en septembre 2023, RTE (Réseau de Transport d’Électricité) fournit des chiffres alarmants. En 2019, le secteur des transports (pas seulement les véhicules légers) a consommé 13 TWh d’électricité, ce qui représente environ 1 % des voitures électrifiées. Dans un “scénario réussi”, RTE prévoit une consommation d’électricité comprise entre 80 et 88 TWh pour l’ensemble du secteur d’ici 2035, avec environ 42 % de voitures légères électrifiées, soit moins de la moitié de toutes les voitures en France.

RTE affiche sa confiance, mais ne compte pas sur le renforcement de plusieurs réacteurs nucléaires pour atteindre ces objectifs. Le gestionnaire du réseau français prévoit une légère augmentation de la puissance nucléaire installée, passant de 61 GW en 2019 à environ 60 à 63 GW d’ici 2035. Selon Barbara Dalibard, les plans les plus optimistes tablent sur l’installation de nouveaux réacteurs nucléaires pour compenser les pertes liées à la fin de vie des réacteurs existants. Cependant, RTE mise principalement sur une augmentation significative des capacités éoliennes en mer pour répondre à nos besoins croissants en électricité. Les capacités installées passeraient ainsi de 0,5 GW en 2019 à au moins 15 GW en 2035.

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L’éolien en mer comme solution ?

Cependant, RTE reconnaît que maximiser la production d’énergie nucléaire et accélérer le développement des énergies renouvelables ne suffira pas. Selon Barbara Dalibard, pour électrifier tous les moyens de transport, il faudrait construire environ 40 réacteurs nucléaires de 1 GW, ou installer 40 000 hectares de panneaux solaires photovoltaïques (soit quatre fois la surface de Paris), ou encore installer 50 000 éoliennes. Bien que ces chiffres semblent insurmontables, il est important de rappeler que la France a construit et mis en service pas moins de 51 réacteurs nucléaires en une vingtaine d’années, entre 1970 et 1990.

Recharger pendant les heures creuses devient essentiel

Que pouvons-nous faire dans ce cas ? Il est possible d’encourager les propriétaires de voitures électriques à étaler la recharge de leurs batteries en jouant sur les prix. Cette méthode a déjà été utilisée avec succès par EDF en proposant des tarifs différenciés. Cependant, il est important de prendre en compte que les écarts de prix pourraient être importants, ce qui pourrait provoquer des réticences.

Nous pouvons également compter sur la technologie pour gagner en efficacité, notamment dans le secteur des transports. En utilisant les technologies numériques, il est possible d’optimiser les trajets et d’économiser jusqu’à 20 % d’énergie. En 60 ans, les émissions d’avions par kilomètre et par passager ont été réduites de quatre fois grâce à ces avancées technologiques. Cependant, le problème réside dans le fait que nous voyageons non seulement plus, mais aussi plus loin, ce qui fait que les émissions globales ne diminuent pas.

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La sobriété énergétique, une nécessité

Pour respecter nos engagements, il est donc essentiel de faire preuve de sobriété énergétique, comme le souligne l’Académie des technologies. Barbara Dalibard confirme cette nécessité. Augmenter le taux d’occupation des véhicules, passer de 1,4 à plus de 3 personnes par voiture en utilisant des outils numériques pour faciliter le covoiturage, opter pour le vélo électrique sur les trajets quotidiens de moins de 15 km (car il est 30 fois moins énergivore qu’une voiture électrique), et investir dans les infrastructures ferroviaires seraient autant de mesures permettant de réduire de 40 % les émissions de carbone dans le secteur de la mobilité.

Cependant, l’équation reste complexe. Le véritable défi sera de rendre la transition attractive pour le public en mettant en place une politique juste et inclusive. Après tout, le temps presse et il est impératif de faire avancer rapidement toutes ces solutions.