Comment concevoir une feuille de route efficace

Comment créer une feuille de route efficace

À chaque fois que vous essayez d’établir un plan pour un produit ou un service, rappelez-vous de cette histoire :

Un homme est perdu dans la campagne. Il arrive à un carrefour sans panneaux ni repères, avec aucun réseau sur son téléphone. Il voit un vieil homme s’approcher sur son tracteur et lui fait signe de s’arrêter. “Pouvez-vous me dire comment me rendre au village le plus proche ?” lui demande-t-il. Le vieil homme regarde autour de lui et répond tristement : “Malheureusement, si vous voulez vous y rendre, vous ne devriez pas partir d’ici.”

Nous ne pouvons jamais commencer notre feuille de route là où il faudrait. Nous n’avons jamais les bonnes technologies ni les bonnes compétences, et nous ne pouvons pas être certains de la destination.

De quelque manière que ce soit, les chefs de produit sont censés établir un plan qui permette d’amener le produit à la destination souhaitée, en partant de zéro. Ce plan est la feuille de route du produit. Dans cet article, nous examinerons les défis que représente la création d’une feuille de route et nous détaillerons les 6 étapes qui peuvent vous aider à créer des feuilles de route vraiment utiles pour la gestion du projet.

Comment créer une feuille de route produit

Mais où sont passées les bonnes feuilles de route ?

Le problème avec les feuilles de route produit, c’est qu’il y a tellement de mauvais exemples disponibles que personne ne pense qu’il est possible de faire mieux.

Faites une recherche d’images sur Google pour “feuille de route produit” et vous trouverez de nombreux diagrammes de Gantt présentant des fonctionnalités avec leurs dates de livraison, sous forme de barres horizontales sur un calendrier. Plus la barre est longue, plus le développement de la fonctionnalité prend du temps.

Il y a deux choses dérangeantes dans ce type de feuilles de route.

La première, c’est qu’une feuille de route produit devrait être bien plus qu’une simple liste de fonctionnalités en attente d’implémentation. Elle devrait inclure des propositions fortes pour l’utilisateur.

Deuxièmement, le temps nécessaire au développement d’une fonctionnalité donnée n’est toujours qu’une estimation. Ce qui signifie qu’il y a une marge d’erreur. Plus vous avancez dans le calendrier, et plus ces erreurs s’additionnent. La feuille de route semble être un plan solide et fiable, mais elle est vouée à l’échec.

C’est malheureusement souvent la norme : pas de vision stratégique et des promesses impossibles à tenir. Pour créer une meilleure feuille de route, il faut faire exactement le contraire. Voici six techniques qui peuvent vous aider à y parvenir.

1. Avoir une vision claire du produit

Chaque carte ou feuille de route doit avoir une destination, un point d’arrivée qui indique où vous voulez aller. Cette destination est la proposition, l’histoire que vous racontez à vos utilisateurs pour leur expliquer pourquoi ce produit ou ce service leur est utile.

La plupart des feuilles de route produit ne reposent pas sur une vision claire de l’objectif. Elles résultent d’une liste d’opportunités en attente classées selon leur “facilité d’implémentation”. La priorité est donnée aux objectifs les plus faciles à atteindre et les idées plus complexes sont continuellement repoussées.

Le résultat n’est donc pas un produit unique et innovant, avec une proposition de valeur forte, mais un mélange d’idées moyennement intéressantes et facilement reproductibles.

2. Définir des thèmes

Le secret est de trier toutes vos idées en attente et de les regrouper par thèmes. Ces thèmes commencent à raconter l’histoire de votre produit et son évolution prévue.

Vous pouvez définir des thèmes en vous basant sur des objectifs organisationnels (comme la mission de votre entreprise ou son modèle économique) ou sur des changements structurels (réglementaires, technologiques, sociaux). Mais la meilleure façon de faire est d’examiner les fonctionnalités en attente du point de vue de l’expérience utilisateur.

Imaginons par exemple que vous développez un nouvel appareil photo. Il y a des milliers de fonctionnalités possibles ou de nouveautés à incorporer pendant la conception.

Certaines de ces fonctionnalités peuvent être regroupées dans un thème “Offrir de nombreuses commandes manuelles à l’utilisateur” : molette pour régler l’ouverture, paramètre pour ajuster la sensibilité ISO du capteur, etc.

D’autres fonctionnalités peuvent être liées à la taille de l’appareil photo, afin de faciliter son transport dans une poche : faut-il inclure un objectif rétractable ou un viseur par exemple ?

Bien sûr, tous les thèmes ne conviennent pas à tous les types d’utilisateurs. Les professionnels souhaiteront de nombreuses commandes manuelles, tandis que les photographes amateurs préféreront un appareil photo compact.

Cela signifie que vous pouvez commencer à prioriser vos fonctionnalités en attente en fonction des thèmes qui correspondent à votre public cible. Les thèmes que vous choisissez vous permettront de différencier votre produit des autres, grâce à l’histoire unique qu’ils racontent.

Le signe distinctif d’une bonne stratégie, c’est qu’elle vous dit ce que vous ne devez pas faire. C’est précisément le rôle des thèmes.

Les fonctionnalités auxquelles vous donnez la priorité définissent la destination de votre feuille de route.

3. Prioriser davantage

Une fois les thèmes triés et nommés de manière descriptive, vous pouvez aller plus loin dans la priorisation en estimant la valeur et le coût de chaque thème.

Vos enquêtes auprès des utilisateurs ont dû vous aider à déterminer la valeur des fonctionnalités pour vos clients. Un thème peut représenter le “minimum vital” (votre appareil photo doit être capable de prendre des photos) ou résoudre un problème majeur des utilisateurs (comme le mode rafale, pour ne jamais manquer les exploits de leurs enfants).

Ensuite, il y a la valeur commerciale. Un thème peut permettre de gagner de l’argent directement (par exemple, si un abonnement à un service de stockage cloud est associé à l’appareil photo) ou de différencier le produit de ses concurrents, voire de réaliser des économies.

Enfin, il y a la faisabilité. Un thème peut être facile à développer d’un point de vue technique ou opérationnel, ou bien il peut y avoir des obstacles insurmontables.

Au début du développement du produit, vous n’aurez probablement pas de réponses détaillées aux questions de valeur et de faisabilité.

À ce stade, un système de feux tricolores fonctionne le mieux. Pas de feu rouge : le thème est viable et mérite d’être examiné. Plusieurs feux verts : ce thème est prioritaire.

4. Raconter une histoire

Les thèmes vous aident à raconter l’histoire de votre produit ou service, tant aux utilisateurs qu’à toute l’entreprise. Les organisations sont souvent ralenties par des objectifs divergents et des priorités floues. Lorsque votre vision raconte une histoire simple et claire, les efforts se concentrent sur l’essentiel.

5. Planifier ce qu’il faut

Phases de la feuille de route produit

Une bonne feuille de route produit regroupe les récits utilisateurs en thèmes, divise chaque thème en plusieurs étapes, et indique la valeur et la faisabilité de chaque thème.

Qu’en est-il de l’autre problème majeur des feuilles de route, les estimations imprudentes lors de la planification ? Ce problème est lié au fait que l’entreprise souhaite savoir quand une fonctionnalité spécifique sera disponible. La feuille de route devient ainsi une liste de fonctionnalités promises avec leurs dates de livraison.

Cette demande de l’entreprise est compréhensible, mais comme nous l’avons vu, elle conduit à des plans irréalisables. En demandant des certitudes, l’organisation n’obtient que des hypothèses irréalistes.

Il convient de reconnaître que vous ne pouvez pas prévoir tous les détails. Ce qui nous amène à notre point suivant.

6. Se concentrer sur les opportunités et non sur les fonctionnalités

Avant tout, évitez de promettre des fonctionnalités très précises. Vous ne pouvez pas savoir qu’une fonctionnalité spécifique est la bonne solution avant d’avoir étudié une opportunité en détail.

Prenons l’exemple de spécifications de design données par un supermarché en ligne. Elles regroupent les nombreuses fonctionnalités présentes sur les sites des concurrents.

En effectuant des recherches sur l’expérience utilisateur dans ce secteur, nous réalisons que la plupart des fonctionnalités (listes d’achats, listes des favoris, produits recommandés) sont en fait des tentatives de résoudre le problème suivant : comment aider les utilisateurs à trouver plus rapidement le produit qu’ils cherchent parmi les 30 000 articles disponibles sur le site ? Aucune des fonctionnalités demandées n’est en réalité la bonne solution. Au lieu de cela, il nous faut prouver comment des changements apportés aux fonctions existantes de recherche et de navigation seront plus efficaces. En réalisant ces changements, nous pouvons offrir une meilleure solution, qui permettra de gagner des parts de marché, pour un coût bien inférieur.

La morale de cette histoire est de se concentrer sur les opportunités à saisir, pas sur les fonctionnalités. Cela vous laisse plus de liberté pour explorer de nouvelles idées, qui offrent de meilleurs résultats.

Les avantages d’un plan flexible

Une feuille de route produit est comme un itinéraire d’escalade.

L’objectif est d’atteindre le sommet de la falaise. Depuis le sol, vous ne savez pas quel sera le meilleur itinéraire. C’est seulement en vous approchant que vous pouvez savoir quelles prises seront les plus sûres.

Une feuille de route produit doit vous donner trois choses :

  1. Où vous voulez aller
  2. Le chemin le plus probable
  3. La prochaine étape

Divisez votre feuille de route en trois phases. Dans la première partie, vous indiquez la direction. Dans la deuxième partie, vous développez les capacités et acquérez de l’expertise.

Dans la dernière partie, vous tirez parti de ce que vous avez appris pour livrer le meilleur produit.

La feuille de route doit définir quelles opportunités vous allez saisir à chaque étape. Vous pouvez même revenir à plusieurs reprises sur chaque opportunité, en la développant davantage à chaque fois : vous commencez par les corrections simples, puis vous passez à des solutions plus personnalisées, et enfin vous ajoutez un peu d’apprentissage automatique lorsque vous maîtrisez parfaitement le sujet.

L’important ici est que votre feuille de route ne doit pas être un planning détaillé. Le plan du projet pour livrer la phase suivante doit être un document séparé.

Concentration et discipline : les bases d’une bonne feuille de route

La combinaison d’une vision forte et d’un plan simple et flexible est l’essence d’une bonne feuille de route produit.

La clarté que vous obtenez d’une bonne feuille de route est essentielle pour aider les équipes à maintenir le niveau de concentration et de discipline nécessaire pour suivre ce plan pendant des mois voire des années et concrétiser la vision.

L’adaptabilité du plan vous aide à garder le cap lorsque les équipes rencontrent des obstacles imprévus. Et cette combinaison de clarté et de flexibilité facilite la synchronisation de votre feuille de route avec les autres plans et objectifs de votre organisation.

Tout cela favorise la concentration et la discipline. Ces éléments sont essentiels pour les entreprises qui partent de zéro et veulent aller là où tout le monde souhaite être.

Publié par Maud Leuenberger. Maud est la rédactrice en chef du blog français de Shopify.

Texte original par Giles Colborne. Traduction par Solenn Marchand.