Comment lutter contre la précarité alimentaire et donner accès à tous à une alimentation durable ?

Comment lutter contre la précarité alimentaire et donner accès à tous à une alimentation durable ?

Les inégalités socioéconomiques touchent tous les domaines de la consommation, y compris l’alimentation. Les disparités alimentaires ont un impact sur la qualité de la nourriture et sa capacité à répondre aux besoins nutritionnels des individus. L’accès inégal à une alimentation de qualité contribue aux inégalités sociales en matière de santé. Les personnes les plus pauvres sont davantage touchées par des problèmes de santé liés à l’alimentation et ont une espérance de vie en bonne santé plus courte.

Les dimensions des inégalités alimentaires

L’insécurité alimentaire est définie par la disponibilité limitée ou incertaine d’aliments sûrs et nutritifs, ou par la difficulté à se procurer des aliments appropriés de manière socialement acceptable. Selon une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), la population en situation d’insécurité alimentaire en France était estimée à huit millions de personnes en 2014-2015, en raison de difficultés financières liées à l’alimentation. Ce chiffre est probablement sous-estimé car les personnes en situation de précarité sont souvent difficiles à atteindre et sont donc largement sous-représentées dans les enquêtes représentatives de la population générale. De plus, la pandémie de Covid-19 a accentué la pauvreté et l’insécurité alimentaire en France, creusant les inégalités de santé.

La qualité nutritionnelle des achats alimentaires s’est améliorée pour l’ensemble de la population française au cours des dernières décennies. Cependant, cette tendance masque des disparités socioéconomiques : les personnes les plus pauvres ont une alimentation de moins bonne qualité que les plus riches, et cela reste vrai sur l’ensemble de la période. Ces inégalités alimentaires sont également liées au niveau d’éducation. Les personnes ayant un faible niveau d’études consomment moins d’aliments sains tels que les produits céréaliers complets ou semi-complets, les fruits et les fruits à coque, mais plus d’aliments moins sains comme les produits céréaliers raffinés, les viandes (sauf volaille), les pommes de terre et les boissons sucrées. Ces inégalités, combinées à des différences dans les modes de vie, notamment l’activité physique et la sédentarité, entraînent des risques pour la santé. En 2020, le taux d’obésité était deux fois plus élevé chez les employés et les ouvriers que chez les cadres.

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Les limites des dispositifs d’aide alimentaire

Les dispositifs d’aide alimentaire, qu’ils soient publics ou privés, ont leurs limites. Ils ne couvrent pas toutes les personnes en situation d’insécurité alimentaire : il y a beaucoup plus de personnes ayant des difficultés financières liées à l’alimentation que de personnes bénéficiant d’une aide alimentaire. Selon une estimation basée sur l’étude INCA3, il y aurait quatre fois moins d’utilisateurs de l’aide alimentaire que de personnes ayant besoin de cette aide (deux millions contre huit millions).

Ce “non-recours” est une limite majeure du dispositif d’aide alimentaire, qui souffre de faiblesses structurelles liées à son histoire et à sa politique. L’aide alimentaire a été créée dans une logique de gestion des excédents d’un système agroalimentaire productiviste. L’État utilise les stocks issus de la politique agricole commune européenne (PAC), ainsi que les invendus des secteurs de la production et de la distribution. La distribution des produits et la logistique sont confiées aux associations caritatives, principalement soutenues par des bénévoles. L’accès à l’alimentation est donc conditionnel, dépendant des règles d’accueil de chaque association, ce qui entraîne une couverture très inégale du territoire. Il convient également de noter que pour l’instant, la réflexion sur l’impact environnemental de ces procédures est absente.

De plus, la population ayant recours à l’aide alimentaire est souvent stigmatisée et marginalisée. Le non-recours à cette aide est important en raison de la complexité des procédures administratives, des contrôles éventuels et de la honte associée à l’idée de devoir demander de l’aide pour se nourrir.

La Sécurité sociale de l’alimentation, une proposition pour une sécurité alimentaire durable

Un dispositif favorisant une sécurité alimentaire durable garantit un accès équitable, économique, physique et social à une alimentation durable. Il favorise également l’autonomisation individuelle, collective et politique, ainsi que l’inclusion sociale de manière coordonnée et durable. Actuellement, aucun dispositif existant ne remplit ces critères. Une proposition pourrait répondre à cette définition : la Sécurité sociale de l’alimentation (SSA). Ce système universel, encore à l’état de projet, consiste à inscrire le droit à une alimentation durable. La SSA repose sur trois piliers : l’accès universel, la coopération avec les producteurs et les distributeurs de manière démocratique, et le financement par le biais des cotisations sociales. Elle pourrait être une branche de la Sécurité sociale de la santé, d’autant plus que l’alimentation est un déterminant majeur de la santé.

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En accord avec l’avis récent du Conseil national de l’alimentation, qui recommande à la fois l’amélioration des dispositifs d’aide alimentaire existants et la mise en place d’un socle alimentaire fondamental pour tous, la SSA pourrait se déployer selon deux axes : l’action curative et l’action préventive.

En termes d’action curative, il faudrait progressivement limiter l’aide alimentaire aux situations d’urgence. La réponse à l’urgence devrait garantir une intervention immédiate et sans condition. Cette aide d’urgence pourrait prendre la forme d’une aide monétaire plus fréquente.

Le volet préventif consisterait en une “allocation universelle pour une alimentation durable”, disponible sur une carte similaire à la carte Vitale actuelle pour la santé. Cette allocation pourrait être ciblée en partie sur des produits frais ou issus de systèmes alimentaires plus durables. La population actuellement bénéficiaire de l’aide alimentaire devrait progressivement ne plus dépendre de l’aide d’urgence pour bénéficier du volet préventif. Ce volet comprendrait également des actions d’accompagnement visant à renforcer l’autonomie des personnes et des groupes, en favorisant le lien social, l’accès à l’information, les ateliers thématiques et en permettant aux personnes d’échanger, de cuisiner, de jardiner, etc. Un lieu dédié par territoire, ouvert à tous, serait propice à ces actions. Des mesures visant à améliorer l’accessibilité pratique en fonction des territoires, en termes de mobilité (livraison, offre alimentaire de proximité) et d’équipements (cuisine collective, par exemple), en tenant compte des inégalités spatiales, viendraient compléter le dispositif.

De plus, l’État devrait soutenir davantage les collectivités locales pour qu’elles appliquent toutes un tarif social pour les cantines scolaires. L’accès aux lieux de restauration collective devrait être élargi à tous, pour les repas du midi et du soir.

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Transformer le système d’aide pour une population précarisée en un système alimentaire garantissant une sécurité alimentaire durable pour tous est à la portée d’un pays comme la France, qui dispose d’une abondance alimentaire. Il est essentiel que la France se donne les moyens de financer une politique visant à réduire les inégalités en matière d’alimentation pour garantir à tous un accès de qualité. Bien sûr, une telle politique ne peut pas tout résoudre à elle seule. L’éducation, l’emploi et le logement jouent également un rôle dans l’accès à l’alimentation. Nos propositions doivent s’inscrire dans un cadre plus global de réduction des inégalités dans la société française, afin d’assurer l’inclusion de tous.