En l’espace d’un peu plus d’un mois, la France a été frappée par trois vagues de chaleur. L’épisode caniculaire de juillet a battu de nombreux records de chaleur, avec des températures dépassant les 40 °C dans tout le pays. Cette chaleur étouffante a provoqué de nombreux incendies, dont les plus visibles ont ravagé des milliers d’hectares en Gironde. Depuis, les feux de forêt se sont multipliés.
Ces événements sont les dernières conséquences tangibles du réchauffement climatique. Les scientifiques nous avaient prévenus. Face à ces conditions météorologiques extrêmes qui se produisent simultanément dans le monde entier, il pourrait sembler trop tard pour agir. Mais en réalité, nous avons encore la possibilité, et même l’obligation, de faire une réelle différence dès aujourd’hui.
Réduire la pollution par le méthane
La clé de cette possibilité réside dans le méthane, un puissant gaz à effet de serre dont le potentiel de réchauffement sur 20 ans est plus de 80 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone. Le méthane provenant des opérations pétrolières et gazières, de l’agriculture et d’autres industries est responsable d’un quart du réchauffement actuel. Cela pose un problème, mais c’est aussi une opportunité qui ne demande qu’à être saisie.
En réduisant rapidement la pollution causée par le méthane d’origine humaine, les scientifiques estiment que nous pourrions ralentir le rythme du réchauffement de 30 %. Une différence cruciale alors que les gouvernements cherchent des solutions pour maintenir le réchauffement en dessous du seuil dangereux de 2 °C, voire du seuil de 1,5 °C visé par l’accord de Paris sur le climat.
La bonne nouvelle, c’est que les dirigeants mondiaux ont reconnu à la fois l’urgence de la situation et cette opportunité, et ils ont commencé à prendre des mesures. Les négociations sur le climat qui ont eu lieu à Glasgow l’automne dernier ont été décisives. Quelques jours auparavant, plus de 100 pays avaient signé un engagement mondial en faveur du méthane, sous l’égide de l’Union européenne et des États-Unis, en acceptant de réduire leurs émissions cumulées d’au moins 30 % d’ici 2030. Contrairement à ce que nous avons pu observer par le passé, les discours sur le climat se traduisent cette fois-ci par des actions concrètes, et des progrès réels sont réalisés en ce qui concerne le méthane.
Flambée des prix et troubles géopolitiques
Une action clé consiste en la présentation par la Commission européenne d’une nouvelle législation sur les émissions de méthane dans le secteur de l’énergie. Cette proposition est actuellement en cours de négociation entre les États membres de l’UE et le Parlement européen. Une fois adoptée, l’UE deviendra la première et la plus grande région à prendre des mesures concrètes pour réduire le méthane.
Certains craignent que l’augmentation des prix de l’énergie et les troubles géopolitiques ne freinent les progrès en matière de climat, car les efforts visant à assurer la sécurité énergétique pourraient prendre le pas sur la transition énergétique. Cependant, en ce qui concerne le méthane, la sécurité énergétique et l’action climatique vont de pair.
Le méthane, également connu sous le nom de gaz naturel, est utilisé pour produire la plupart de notre électricité et pour chauffer nos maisons. Pourtant, partout dans le monde, y compris dans l’Union européenne, les opérateurs pétroliers et gaziers gaspillent inutilement du méthane en raison de fuites, de rejets intentionnels ou, pire encore, en le brûlant inutilement dans une pratique appelée torchage. Tout cela pollue notre climat et notre air.
Lutter contre les émissions importées
Afin d’éviter de graves problèmes d’approvisionnement énergétique causés par la guerre en Ukraine, la Commission européenne a lancé l’initiative REPowerEU. Celle-ci vise à économiser l’énergie, à produire de l’énergie propre et à diversifier les sources d’approvisionnement de l’UE.
Le gaz naturel joue un rôle important dans le mix énergétique européen, puisque l’UE importe 90 % de son gaz. Les écologistes sont légitimement préoccupés par l’empreinte carbone des nouvelles sources d’approvisionnement en gaz si les gouvernements européens ne prennent pas en compte les émissions associées à sa production.
Telle qu’elle est actuellement proposée, la législation européenne sur le méthane dans le secteur de l’énergie propose des mesures techniques importantes pour réduire les émissions de méthane au sein de l’UE, mais elle ne fait pratiquement rien pour lutter contre les émissions importées. Il est nécessaire de changer cette situation afin que l’Europe continue à respecter ses engagements en matière de climat.
Une opportunité « gagnant-gagnant »
Et des possibilités existent : si les pays européens peuvent ajouter dès maintenant des conditions liées au méthane dans les nouveaux contrats d’approvisionnement en gaz, le Parlement européen et le Conseil de l’UE peuvent élaborer et adopter à long terme une législation solide concernant le méthane.
En conclusion, la réduction des émissions de méthane de l’industrie pétrolière et gazière est le moyen le plus rapide, le plus facile et le plus abordable de ralentir immédiatement le rythme du changement climatique. De plus, il s’avère que c’est également l’un des moyens les plus rapides et les plus rentables de stabiliser les marchés de l’énergie face aux turbulences géopolitiques. C’est une opportunité « gagnant-gagnant » que l’UE ne peut se permettre de manquer.
Dagmar Droogsma est Vice-présidente associée Stratégie & Engagement, Environmental Defense Fund Europe
Flavia Sollazzo est Directrice Senior, Transition énergétique UE, Environmental Defense Fund Europe