Comment recevoir des soins médicaux sans papiers en France

Comment recevoir des soins médicaux sans papiers en France

Les associations nous avaient prévenus : une nouvelle offensive contre l’aide médicale d’Etat accordée aux sans-papiers était à prévoir. Et cela n’a pas manqué. Les députés ont adopté mardi plusieurs amendements qui limitent sérieusement l’accès aux soins aux plus démunis. L’instauration d’un droit d’entrée de 30 euros pour bénéficier de l’aide médicale d’Etat en fait partie.

L’aide médicale d’Etat : qui est concerné ?

Les sans-papiers les plus démunis peuvent bénéficier de l’aide médicale d’Etat. Cette aide existe depuis 1893 et permettait à toute personne résidant en France (avec ou sans papiers) et sans ressources de se faire soigner gratuitement. En 1999, la couverture maladie universelle (CMU) a été créée, mais cela ne concerne que les Français et les étrangers en situation régulière et sans ressources. Les sans-papiers restent donc sous le régime de l’aide médicale d’Etat, qui est moins avantageux que la CMU et la CMU complémentaire (la prise en charge des lunettes et des prothèses dentaires est moins bonne).

Combien de personnes bénéficient de l’AME?

Environ 216 000 personnes bénéficient de l’aide médicale d’Etat. Cependant, les démarches pour en bénéficier sont longues et difficiles, comme l’affirment les associations de terrain, en particulier Médecins du Monde. La première difficulté est de prouver que l’on vit en France depuis au moins trois mois, mais lorsque l’on n’a pas de papiers, il est difficile d’avoir un domicile à son nom ou des factures. La deuxième condition est de gagner moins de 634 euros, le seuil maximal pour être couvert par l’aide médicale d’Etat. Pour les personnes sans emploi déclaré, il existe un système d’équivalence de revenu pour être éligible à l’AME. Par exemple : 100 euros si la personne est logée chez un ami. Ceux qui dépassent le seuil de 634 euros (et nombreux sont ceux qui travaillent, ont des fiches de paie et cotisent) n’ont droit à aucune couverture santé. De plus, les contrôles de police de plus en plus fréquents, notamment aux abords des locaux associatifs, incitent les sans-papiers à réfléchir à deux fois avant de se rendre dans ces lieux pour entamer les démarches et recevoir des soins. Résultat : le nombre de retards de soins a doublé en deux ans, passant de 10 à 21% des cas.

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Combien coûte cette aide ?

La droite dure aime argumenter sur le coût élevé de l’AME, qu’elle estime de plus en plus cher. En réalité, le coût total de l’AME pour 2010 était de 588 millions d’euros, soit une augmentation de 13% par rapport à l’année précédente. Cependant, il convient de retirer de ce montant 110 millions d’euros qui sont dus à une simple opération comptable. De plus, selon Médecins du Monde, cette somme ne représente que 0,3% du budget de la Sécurité sociale. L’augmentation de 13% en un an s’explique en grande partie par le nombre croissant de bénéficiaires de l’AME. En effet, un certain nombre de ressortissants européens, qui étaient jusque-là couverts par la CMU, se retrouvent désormais sous le régime de l’AME. Après trois mois passés sur le territoire français sans revenus, les citoyens européens sont considérés en situation irrégulière et sont donc éligibles à l’AME.

Un droit d’accès de trente euros, une vieille idée

Faire payer une partie des dépenses aux patients : cette proposition revient régulièrement sur le tapis. En 2002, le principe d’un ticket modérateur proportionnel à la consommation de soins avait été voté. Cependant, les décrets d’application n’ont jamais été adoptés, cette contribution étant trop complexe à mettre en place en pratique. Jusqu’à présent, les associations avaient réussi à éviter le pire. Mais en juin dernier, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a relancé cette idée en proposant une taxe forfaitaire à faire payer à tous les bénéficiaires de l’AME, par principe. Un amendement en ce sens a été déposé à la loi de financement de la sécurité sociale et adopté mardi. Selon la ministre Bachelot, cette mesure permettra de couvrir les frais d’ouverture de dossier.

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La colère des associations et des médecins

Les acteurs de terrain réfutent l’argument économique avancé. Faire payer 30 euros aux 210 000 bénéficiaires ne rapporterait que 6 millions d’euros, ce qui est dérisoire. Il est même peu probable que cela couvre les frais de mise en place de cette mesure. De plus, l’argument de lutte contre la fraude est absurde. On peut concevoir que certaines personnes fraudent pour obtenir de l’argent, mais pour se faire soigner, cela n’a aucun sens. Instaurer une nouvelle barrière d’accès aux soins pour les plus démunis entrave également le travail des associations, déplore le Secours Catholique. Cela représente un nouvel obstacle pour les militants de terrain qui devront consacrer leurs efforts à ces démarches de survie au lieu de développer des projets positifs.

Du côté des professionnels de santé, c’est une véritable catastrophe en termes de santé publique. Les sans-papiers malades attendront encore plus longtemps avant de se faire soigner, ce qui entraînera des traitements plus lourds et une prise en charge hospitalière plutôt qu’une visite en cabinet. Cela représentera également une facture beaucoup plus élevée pour la sécurité sociale que si le patient avait été pris en charge à temps. De plus, retarder l’accès aux soins signifie ralentir la prévention, en particulier la vaccination et le dépistage des maladies contagieuses. Une personne atteinte de tuberculose, par exemple, peut contaminer entre 10 et 20 personnes par an si elle vit dans des conditions de vie précaires.

Et comme si cela ne suffisait pas, les députés ont également restreint la prise en charge des actes médicaux à faible service rendu par l’AME. Cela concerne notamment le traitement de la stérilité et les cures thermales.

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En somme, restreindre l’accès aux soins des plus démunis a des conséquences graves sur la santé publique et entrave le travail des associations. Il est essentiel de reconnaître l’importance de l’aide médicale d’Etat et de garantir à tous l’accès aux soins, indépendamment de leur statut administratif.