Après une période électorale intense, Elise Naccarato, responsable de la campagne climat d’Oxfam France, et Audrey Morice, chargée de mobilisation citoyenne à Oxfam France, se montrent plus motivées que jamais. Elles expliquent comment les citoyens peuvent s’engager pour le climat et attendent avec impatience que l’État respecte l’Accord de Paris.
L’Affaire du Siècle : un tournant
En 2018, quatre ONG (Notre Affaire à tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France) lancent l’Affaire du Siècle. Pour la première fois, l’État est poursuivi en justice pour son inaction face au changement climatique. Avec plus de deux millions de signatures, la pétition de soutien devient la plus grande mobilisation en ligne de l’histoire de France. L’objectif de l’Affaire du Siècle est de faire reconnaître par la justice l’obligation pour l’État de prendre des mesures pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C, conformément à l’Accord de Paris. Trois ans plus tard, les juges reconnaissent la responsabilité et la carence de l’État en matière de protection du climat. Il s’agit là d’une décision historique, car c’est la première fois que l’État français est condamné pour son inaction climatique. Cette décision a inspiré et mobilisé d’autres pays à utiliser la justice pour faire valoir leurs droits dans la lutte contre le changement climatique. Cependant, la procédure est longue et complexe. La date limite pour respecter l’Accord de Paris était initialement fixée en 2021, mais elle a été reportée au 31 décembre 2022. Elise considère cette situation comme anachronique face à l’urgence climatique et estime que le gouvernement a montré dès le début son mépris envers ses propres lois et engagements.
Agir sans tarder
Le dernier rapport du GIEC est catégorique : nous devons agir rapidement pour atténuer et nous adapter aux changements climatiques. Il présente une liste de solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais certaines de ces solutions présentées par le gouvernement comme miraculeuses sont souvent mal adaptées et négligent les répercussions sociales qui touchent les plus vulnérables. Par exemple, le rapport met en évidence la nécessité de changer nos méthodes de production agricole, notamment pour les exploitations gourmandes en eau, comme celles qui élèvent du bétail. Cependant, certaines fausses solutions, telles que la création de mégabassins par des coopératives agricoles, reçoivent des financements de l’État, bien qu’ils privatisent l’eau et les espaces et profitent principalement aux agriculteurs pratiquant l’agriculture intensive, au détriment des petits exploitants.
Les scientifiques produisent de nombreux rapports pour sensibiliser les décideurs politiques. Chez Oxfam, le plaidoyer est un levier d’action fort pour “porter la voix de la société civile”. Il peut être institutionnel, en produisant des rapports avec des experts internationaux, ou citoyen, avec des bénévoles interpellant les parlementaires. Par exemple, en mars 2021, suite à une discussion avec les parlementaires, les députés ont voté une loi obligeant les banques à publier les montants de leurs profits et des impôts payés dans chaque pays où elles exercent des activités, afin de détecter d’éventuelles évasions fiscales.
Voter pour le climat
L’une des missions d’Oxfam est de placer les questions de justice climatique et sociale au centre du débat public. Cependant, après l’élection présidentielle, le bilan est mitigé. Les enjeux liés au climat ont été largement négligés pendant cette période électorale. Malgré la déception et la démobilisation, Oxfam appelle à ne pas baisser les bras et à utiliser le vote comme un moyen d’action citoyen lors des élections législatives. Ces élections ont un impact direct sur la vie des Français et ne sont en aucun cas quelque chose de lointain. En élisant une représentation parlementaire favorable à la protection du climat, les citoyens peuvent concrétiser leur rôle de contrepouvoir. Elise souligne qu’au cours du quinquennat précédent, 150 personnes ont travaillé pendant deux ans sur des propositions pour le climat dans le cadre de la Convention Citoyenne pour le Climat, mais ce travail a été ignoré par le gouvernement. Elle espère qu’une assemblée nationale future reprendra ce genre de travaux. Le message d’Oxfam est clair : “va voter et convaincs tes proches de le faire”. En effet, l’abstention a été le grand vainqueur des précédentes élections, en particulier chez les jeunes. Pourtant, lorsqu’ils sont sensibilisés et informés, les jeunes votent en faveur du climat. Les générations futures sont les premières à subir les conséquences des lois mises en place au cours des dix prochaines années. Le vote devient donc un moyen de faire entendre directement leurs préoccupations. Toutefois, de nombreux abstentionnistes restent engagés de différentes manières pour le climat et la justice sociale.
Porter une vision alternative
Depuis 2019, grâce à l’Affaire du Siècle et aux marches pour le climat, Oxfam constate l’émergence d’un mouvement international de jeunes qui défendent vigoureusement leur avenir. Selon Audrey, les jeunes, aux côtés de tous les citoyens, “sont les contrepouvoirs de demain”. Il est donc essentiel de ne pas se limiter aux échéances électorales et d’agir quotidiennement pour promouvoir une vision alternative basée sur des changements systémiques. En plus de pouvoir voter lors des élections, les jeunes ont d’autres moyens d’exercer leur pouvoir citoyen. Le Programme Jeune, créé en novembre 2020 par Oxfam, propose un programme annuel de bénévolat destiné aux jeunes de 16 à 26 ans. Grâce à cet outil démocratique, les jeunes peuvent rejoindre un groupe de bénévoles locaux en France pendant un an, afin de rencontrer d’autres personnes engagées, de s’inspirer mutuellement, de se motiver et d’agir ensemble. “Les bénévoles organisent des conférences, des ateliers de sensibilisation et des cours de cuisine autour de la théorie du Donut pour expliquer cette vision alternative du monde”, souligne Audrey. Pour Oxfam, l’essentiel est de fournir des outils et des moyens d’agir en faveur de la justice climatique et sociale pour cette jeunesse en quête de changement.
Parallèlement à ce programme, Oxfam cherche à mobiliser les citoyens par le biais d’actions concrètes. Elle encourage les citoyens à poser des gestes concrets pour le climat, tout en soulignant que reporter la responsabilité de l’atténuation climatique sur les individus n’est pas efficace et masque la responsabilité des entreprises et des collectivités. Par exemple, chacun peut calculer son empreinte carbone individuelle, ce qui permet de comprendre quelles actions peuvent être entreprises pour la réduire, comme réduire sa consommation de viande. Cependant, si les gestes individuels permettent d’être en accord avec ses valeurs et ses convictions, ils ne peuvent pas se substituer à la mise en place de politiques publiques.
Multiples voies d’engagement et de mobilisation
Oxfam est également présente lors de grands événements populaires tels que Solidays, le Delta Festival, We Love Green et le VYV Festival. L’organisation propose des ateliers de cuisine pour expliquer la théorie du Donut et expose une fresque participative lors de ces événements. Cette fresque, réalisée en collaboration avec deux activistes, met en lumière le lien entre le genre, l’aggravation des inégalités et le changement climatique. Dans une optique de sensibilisation, une exposition intitulée “Vies et visages du changement climatique” tourne dans toute la France. Cette exposition est présentée localement dans des parcs ou des mairies. Dans le but d’utiliser le pouvoir de l’image comme vecteur d’engagement, Oxfam collabore avec des films engagés sur le climat, tels que “I’m Greta”, “Bigger than us” ou “À demain mon amour”. Enfin, Elise souligne que la cuisine peut également être un moyen de s’engager. Oxfam partage des recettes de cuisine sur YouTube pour mettre en lumière les liens entre l’alimentation, l’agriculture et les inégalités sociales. Selon Audrey, les cours de cuisine peuvent être de véritables moments de partage et d’échange.
Ainsi, Oxfam offre divers outils et moyens d’engagement, tels que des ateliers, des expositions ou des actions concrètes, pour encourager les citoyens à s’engager et à se mobiliser en faveur de la justice climatique et sociale. Les possibilités d’engagement et de mobilisation sont multiples !