Coupe du monde du Qatar : pourquoi le boycott de la compétition n’a pas marché

Coupe du monde du Qatar : pourquoi le boycott de la compétition n’a pas marché

« Comme nous le prouve le mondial de foot, nous sommes déchaînés contre les violations des droits de l’Homme et le non-respect de la diversité mais quand la distraction commence, elle emporte tout ». Invité de l’émission le Grand oral de la chaîne d’information en continu i24news, Jacques Attali, essayiste et ancien conseiller spécial de François Mitterrand, a parfaitement résumé l’état d’esprit actuel qui prévaut concernant la Coupe du monde de football au Qatar.

La compétition a supplanté les appels au boycott

L’appel au boycott de la compétition en raison de la présumée corruption qui a entouré l’attribution du Mondial à l’émirat en 2010, puis les conditions de vie terribles des ouvriers immigrés appelés à construire les stades et les infrastructures – au moins 6 500 morts selon une enquête du Guardian – a été dépassé par l’engouement populaire qui s’est fait jour autour des matchs.

Car cette coupe du monde si controversée est d’ores et déjà une réussite du point de vue sportif. Qui aurait imaginé l’aventure de l’équipe du Maroc, ces Lions de l’Atlas qui se sont qualifiés pour les demi-finales en battant le pourtant très capé Portugal et affronteront ce soir l’équipe de France ? Qui aurait cru voir un jour l’équipe inconnue d’Arabie saoudite battre l’Argentine de Messi ou celle du Japon battre l’Espagne ? Qui aurait misé sur une élimination du Brésil battu par la Croatie ? Autant de surprises qui montrent que ce premier Mondial du monde arabe restera dans les annales.

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« Le monde entier suit les matches à la télé, avec des audiences records enregistrées chaque jour » a déclaré dimanche dernier un des porte-parole de la FIFA. Un succès toutefois à modérer en fonction des pays. Hors Europe, l’engouement est effectivement réel et même inattendu. Aux États-Unis, la chaîne Fox Sports indique avoir battu le record de téléspectateurs pour un match de football (USA-Angleterre), avec 15 millions de téléspectateurs. Au Mexique, 21 millions de téléspectateurs ont suivi le match de la sélection nationale contre l’Argentine, soit une audience plus élevée que n’importe quel match de 2018.

En France, de très belles audiences télé

Mais selon des calculs effectués par le magazine Challenges, un quart d’Européens en moins a regardé les matchs de leur équipe lors des poules de la Coupe du Monde 2022 par rapport à celle d’il y a quatre ans. Ils étaient en moyenne 85 millions à suivre les trois matchs de leur sélection nationale lors des phases de poule de 2018 contre 64 millions cette année, soit une baisse de 26 %. Une désaffection qui ne touche pas l’équipe de France, dont les matchs emportent 300 000 spectateurs de plus qu’il y a quatre ans.

Ainsi, la dernière victoire de l’équipe de France, samedi contre l’Angleterre (2-1) en quart de finale, a été suivie par 17,7 millions de téléspectateurs, selon les chiffres de Médiamétrie. Il s’agit là de la meilleure audience de l’année pour TF1, et même d’un record depuis 2018 avec une part d’audience de 62,8 %, et un pic à 20,1 millions de téléspectateurs à 22 heures, a précisé la chaîne. La précédente victoire des Bleus face à la Pologne (3-1), en huitièmes de finale avait déjà été suivie par 14,3 millions de téléspectateurs. De bon augure pour le match France-Maroc de ce soir.

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Cet engouement – et donc cette absence d’un boycott massif – ne signifie pas pour autant que les Français seraient totalement insensibles aux conditions de réalisation de la compétition.

Des critiques qui vont compter pour la suite

De nombreuses villes ont renoncé à diffuser les matchs sur écrans géants, les ONG – et notamment Amnesty International dont La Dépêche a publié l’interview de May Romanos, l’avocate qui a mené l’enquête sur les chantiers du Qatar – ont largement expliqué les coulisses indignes de ce Mondial 2022, la façon dont le Qatar ne respecte toujours pas les droits humains, ceux des femmes comme ceux des homosexuels qui, faut-il le rappeler, qui risquent la peine de mort, ou l’aberration écologique de stades climatisés en plein désert.

Mais la passion du foot, l’intérêt pour le jeu dans une période marquée par les crises (guerre en Ukraine, crise de l’énergie…) se sont, d’évidence, imposés face à un boycott qui semblait bien trop tardif.

Ce qui n’a pas empêché aux spectateurs sur place d’arborer des couleurs arc-en-ciel ni à certaines équipes de faire des gestes forts comme la Mannschaft allemande dont les joueurs ont pris la pose en se masquant la bouche avec la main…

En septembre, le sociologue du sport Eric Monnin estimait que le boycott n’avait « plus beaucoup de sens », prédisant qu’ « il n’y aura pas de boycott significatif parce qu’il y a tellement d’enjeux économiques que, globalement, c’est impossible ». Pour autant, si minimes auront été les actions de boycott, elles auront eu de l’écho et impacteront – peut-être – les prochaines coupes du monde.

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