Le monde de l’automobile frémit de plaisir : les Français redécouvrent leur patrimoine automobile. Depuis sa première édition en 1976, le salon Rétromobile a attiré 3 000 passionnés de voitures anciennes. Aujourd’hui, c’est la cohue à la porte de Versailles à Paris, où le record de 132 000 visiteurs établi en 2019 sera sans doute battu lors de l’édition 2020 qui se déroulera du 5 au 9 février.
Un intérêt grandissant pour les voitures anciennes
Alors que de nombreux constructeurs ont décidé de faire l’impasse sur le Mondial de l’automobile en octobre, de plus en plus d’entre eux exposent leurs anciennes gloires à Rétromobile.
Posséder une voiture ancienne, c’est renouer avec une relation plus intense avec la machine, redécouvrir des bruits et des odeurs. Et pourquoi pas ressentir l’adrénaline de la vitesse dès 50 km/h.
D’autres événements comme Automédon au Bourget en octobre, Epoqu’auto le mois suivant à Lyon ou encore Le Mans Classic, qui attire 195 000 spectateurs tous les deux ans, offrent également des occasions de s’émouvoir devant les voitures de notre enfance. Chaque année, environ 7 000 rassemblements divers se déroulent en France. On assiste même à l’émergence d’une nouvelle forme d’hommage : l’embouteillage rétro, où des voitures anciennes avec des occupants en tenue d’époque créent un bouchon et en profitent pour pique-niquer.
Un engouement croissant
La Fédération Française des Véhicules d’Époque (FFVE) a délivré 40 000 cartes grises de collection en 2019, contre 30 000 l’année précédente. Aujourd’hui, on compte près d’un million de voitures anciennes en France. Selon la FFVE, cette activité génère un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros et permet à de nombreux petits garages de campagne de prospérer. Dans l’urgence, l’industrie automobile a mis en place des programmes de formation pour les mécaniciens, carrossiers ou selliers afin qu’ils puissent assurer la restauration des modèles des années 1950 à 1980, avec à la clé une garantie d’emploi.
En France, contrairement au Royaume-Uni ou à l’Allemagne, l’attachement à l’histoire automobile était autrefois le fait d’une petite minorité d’amateurs. Mais la voiture ancienne a maintenant pris un nouvel essor. Elle a élargi son public et conquis ses lettres de noblesse. Les producteurs de séries et de films recréent l’ambiance des “Trente Glorieuses” en organisant des castings automobiles très sélectifs, et les émissions de télé-réalité sur les collectionneurs se multiplient.
Une façon de célébrer le passé et de redéfinir l’avenir
Aujourd’hui, il est possible de regarder de travers un gros SUV hybride au taux d’émission réduit à quelques grammes de CO2 et de s’attendrir en voyant passer une Ford Vedette dont le pot d’échappement crache une fumée bleutée. “La voiture ancienne est un objet politiquement correct”, plaisante un représentant d’une marque française.
La ferveur pour les voitures anciennes s’inscrit dans un contexte plus large de nostalgie. Cependant, en ce qui concerne l’automobile, l’explication semble un peu simpliste.
Les constructeurs sont conscients qu’avec la généralisation des voitures électriques, il sera de plus en plus difficile de se différencier techniquement. Pour valoriser l’identité d’une marque, il est devenu essentiel de nourrir l’imaginaire qui l’entoure.
Célébrer la voiture ancienne est également un moyen de réhabiliter l’automobile en général. Peugeot a annoncé que son concept car e-Legend, une réinterprétation du coupé 504 de 1969, inspirera en partie le design de ses futurs modèles. Renault, qui encourage enfin les événements pour les collectionneurs, chouchoute huit cents modèles historiques dans son usine de Flins, dans les Yvelines. En été 2019, Citroën a été quelque peu dépassé par la célébration de son centième anniversaire, qui a attiré 4 500 voitures et 60 000 visiteurs en deux jours à La Ferté-Vidame, dans son fief historique.
Les débats autour du “retrofit” et de la définition des voitures de collection
Le retour en force des voitures anciennes soulève quelques débats, notamment autour du “retrofit” qui consiste à greffer des batteries et un moteur électrique sur des voitures anciennes. Selon la FFVE, il ne faut pas les considérer comme des voitures d’époque.
L’inclusion de modèles diesel d’à peine trente ans dans la catégorie des véhicules de collection pose un autre dilemme. La FFVE et les collectivités locales pourraient parvenir à un compromis : seules les versions à moteur essence bénéficieraient de la dérogation permettant la circulation dans les zones à faibles émissions. Une réflexion plus globale se dessine également sur la pertinence d’allonger la période de trente ans au-delà de laquelle une voiture peut être considérée comme un véhicule de collection. L’âge pivot est également un sujet de réflexion dans le domaine automobile.