Dans les méandres de l’histoire des voitures électriques

Dans les méandres de l’histoire des voitures électriques

Le 13 décembre 1993, un événement marquant se déroule à La Rochelle. Des personnalités politiques et industrielles de haut rang se rassemblent pour assister à un moment qui va changer le cours du siècle. Michel Crépeau, le maire de la ville et ancien ministre de la Justice, Jacques Calvet, le président du groupe PSA, et Gille Ménage, le PDG d’EDF, sont entourés d’une équipe d’ingénieurs et de hauts fonctionnaires. Ils sont tous réunis pour célébrer l’introduction de quinze Peugeot 106 électriques et autant de Citroën AX électriques. C’est la première fois que le constructeur français, en partenariat avec la ville de La Rochelle et EDF, met à disposition du public – via un système en libre-service – une flotte d’environ 50 voitures électriques. Cet événement marque le début d’une vaste opération qui incite PSA à lancer dès 1994 la production de voitures électriques à une échelle estimée à 10 000 unités par an. Un véritable tournant !

Remontons aux sources. Peugeot s’intéresse à l’électricité depuis longtemps. En 1890, la marque, véritable pionnière, hésitait entre le pétrole et la vapeur. Elle imaginait que ces trois énergies concurrentes correspondaient à des marchés distincts : l’essence pour les voitures particulières, la vapeur pour les utilitaires et l’électricité pour les voitures de course, en raison de ses capacités d’accélération. Après la Première Guerre mondiale et une transition vers une économie de paix et une production en série, Peugeot se tourne à nouveau vers les voitures électriques.

De avril à mai 1926, Peugeot prépare quatre véhicules électriques : deux berlines, un taxi et une camionnette. Tous sont destinés à participer à une épreuve organisée par l’Union des syndicats de l’électricité (USE). Les essais ont lieu fin mai, dans les locaux du bureau d’études de La Garenne, qui dispose d’une station de recharge. Les résultats de la compétition sont encourageants : la camionnette parcourt 211,6 km à une vitesse moyenne de 17,5 km/h sans avoir besoin d’être rechargée, le taxi parcourt 192 km à 23 km/h et les berlines parcourent 201 km à une vitesse de 25 km/h. La consommation d’énergie se situe entre 14 et 15 kWh pour 100 km. C’est un bon départ, mais la crise des années 1930 freine les progrès. Paradoxalement, l’Occupation offre une véritable opportunité aux voitures électriques, alors que le pays manque de carburant. Plusieurs entreprises se lancent dans ce domaine, notamment CGE-Tudor, spécialisée dans l’électricité, Grégoire, spécialisée dans l’ingénierie, et Peugeot, le seul grand constructeur automobile. Peugeot présente ainsi le 28 mars 1941 la VLV, alias la “Voiture Légère de Ville”. Avec une longueur de 2,67 m et une largeur de 1,21 m, la VLV ne pèse que 365 kg, batteries comprises, grâce à sa carrosserie en tôle d’aluminium. Elle est équipée d’un moteur électrique d’une puissance de 2 CV et dispose d’une autonomie de 80 km, avec une vitesse maximale de 32 km/h. La presse accueille favorablement cette nouveauté : “Cette voiture constitue un moyen pratique de transport en ville et en périphérie. Sa vitesse est suffisante pour la conduite urbaine : avec la voiture électrique Peugeot, on peut atteindre les performances d’un cycliste entraîné sans aucune fatigue.” Malheureusement, après la production de 377 VLV à La Garenne, Peugeot est contraint d’abandonner cette expérience, car le régime de Vichy refuse qu’un constructeur automobile se mêle aux entreprises électriques.

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Lorsque les Américains annoncent à la fin des années 1960 la nécessité de développer des voitures électriques, la cellule de veille de Peugeot est prête, grâce à un partenariat signé avec Alstom. Dès 1972, les célèbres “Lionnes électriques” circulent dans des carrosseries différentes, tels que les coupés 104 ou les fourgons J7. Des minibus J7 sont même utilisés en interne. En 1983, Peugeot lance un nouveau programme, appelé “2 fois 100”, qui consiste à parcourir 100 km à une vitesse de 100 km/h. Ce programme est initié avec une vingtaine de Peugeot 205 électriques, qui s’avèrent à la fois fiables et performantes. Ce succès est le prélude à la création de la Peugeot 106 électrique et à la signature de l’opération “La Rochelle” en avril 1991, en partenariat avec EDF, qui installe des bornes de recharge et de contrôle essentielles dans la ville. Les clients ne peuvent pas acheter ces voitures, ils les louent via un contrat appelé Lisélec. Entre 1995 et 2001, quatre cent cinquante clients de La Rochelle parcourent près de 150 000 km à bord de ces voitures, effectuant 15 000 trajets d’une durée moyenne de 30 minutes, sur une distance de 6 km, avec en prime le stationnement gratuit. Parmi les vingt-deux villes pilotes prêtes à suivre l’exemple de La Rochelle, aucune ne se joint finalement au projet, invoquant le coût excessif et surtout l’absence d’infrastructures. Les politiques environnementales évoluent et se focalisent sur les incitations financières (une prime de 15 000 à 20 000 francs) pour l’achat d’une voiture électrique, qui reste intrinsèquement coûteuse en raison des faibles volumes de production. Cette confusion générale est un frein au développement de l’automobile électrique, même pour une utilisation exclusivement urbaine où les 80 km d’autonomie de la Peugeot 106 n’ont jamais été un problème à La Rochelle. Cette frilosité transforme rapidement le rêve de produire 10 000 voitures électriques par an en simple illusion et l’objectif de produire 50 000 véhicules d’ici l’an 2000 en chimère. Toutefois, le groupe Peugeot devient le plus grand producteur mondial de voitures électriques… en restant très en deçà de ses attentes.

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La fée électricité a déjà joué un rôle central dans l’histoire de l’automobile, mais ce n’est que récemment qu’elle a commencé à regagner le devant de la scène. Aujourd’hui, alors que nous cherchons des solutions plus durables pour nos déplacements, il semble que l’avenir de l’automobile électrique soit à nouveau prometteur. Mais pour en arriver là, il faudra surmonter de nombreux obstacles et défis. Seul l’avenir nous dira si l’électricité parviendra à s’imposer définitivement dans nos véhicules. En attendant, nous devons saluer les pionniers qui ont ouvert la voie à cette révolution.