Demande d’asile : les nouvelles procédures accélérées

Demande d’asile : la résistible ascension des procédures accélérées

L’augmentation constante du nombre de demandes d’asile dans les années 1980 a conduit les gouvernements successifs à accélérer leur examen, qui pouvait durer plusieurs années, afin de rejeter plus rapidement celles qui semblaient infondées. C’est ainsi qu’est née l’idée d’accélérer les procédures d’asile. Au départ, il n’existait pas de texte législatif spécifique, mais une circulaire réglementaire du Premier ministre datant du 17 mai 1985 a établi une liste de situations dans lesquelles le préfet pouvait refuser la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour. Ces situations comprenaient les personnes condamnées à être expulsées, celles représentant une menace à l’ordre public, les personnes entrées irrégulièrement et n’ayant pas demandé l’asile immédiatement, ainsi que celles qui pouvaient demander l’asile dans un pays tiers considéré comme sûr.

En 1991, le Conseil d’État a considéré que, sauf si elle était manifestement dilatoire, il devait être possible d’admettre les demandeurs d’asile au séjour pendant l’examen de leur demande, même en l’absence d’une disposition expresse dans la convention de Genève. La loi Pasqua de 1993 a ensuite énuméré les différentes catégories pour lesquelles la demande d’asile pouvait être refusée, en reprenant les critères établis par la circulaire de 1985 et en ajoutant la possibilité de refuser d’examiner la demande si la personne relevait de la responsabilité d’un autre État de l’espace Schengen ou avait déjà déposé une demande d’asile dans un autre pays membre de la convention de Dublin.

La procédure “prioritaire” a été décrite dans des circulaires : la personne se voyait refuser le séjour par le préfet, qui lui demandait de remplir le formulaire de demande à l’OFPRA dans un délai souvent très court. Le préfet transmettait ensuite la demande à l’OFPRA, qui statuait rapidement, parfois sans entretien. Pendant l’examen de la demande, la personne n’avait pas d’autorisation de séjour, ni d’accès à l’hébergement ou à l’allocation d’insertion. Elle pouvait souvent être placée en rétention pendant cette période.

En 1996, le Conseil d’État a jugé que le concept de pays tiers sûr n’était pas compatible avec la convention de Genève et la Constitution. La loi Reseda a supprimé ce cas et l’a remplacé par l’application de cette procédure pour les demandeurs originaires de pays ayant fait l’objet d’une clause de cessation générale par l’OFPRA. Les autres cas (menace à l’ordre public, recours abusif aux procédures d’asile) sont restés inchangés.

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Bien que la procédure prioritaire ait été peu utilisée au départ (à peine 5% des premières demandes), son utilisation a commencé à augmenter à partir de juin 2005, lorsque l’OFPRA a fixé la liste des pays considérés comme sûrs. Cette liste a été modifiée à plusieurs reprises, ajoutant ou retirant des États. Le nombre de demandes examinées selon cette procédure n’a cessé d’augmenter pour atteindre 23% des premières demandes en 2015.

En raison de l’absence de titre de séjour, les personnes concernées n’avaient pas accès aux conditions matérielles d’accueil pendant l’examen de leur demande. Cela a conduit à de nombreux contentieux devant le Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’homme pour contester la légalité de ces décisions. Bien que le Conseil d’État ait confirmé la légalité de la procédure prioritaire dans une décision de décembre 2013, il a également établi certaines conditions à respecter, notamment la fourniture d’un document prouvant le droit au maintien, la transmission confidentielle de la demande à l’OFPRA et le droit à l’allocation pendant l’examen de la demande.

En 2013, une nouvelle directive européenne sur les procédures a été adoptée, instaurant un recours effectif pour toutes les procédures d’asile. C’est dans ce contexte qu’en 2015, la procédure prioritaire a été remplacée par la procédure accélérée par la loi.

Les 12 cas de procédure accélérée

Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) précise les situations dans lesquelles une procédure accélérée peut être mise en œuvre par l’OFPRA pour l’examen des demandes d’asile :

  • Ces procédures sont décidées d’office lorsque la personne est ressortissante d’un pays considéré comme sûr, pour les demandes de réexamen ou pour les demandes formulées dans les lieux de rétention lorsque le préfet estime que la demande vise uniquement à faire obstacle à l’éloignement.
  • Elles peuvent être mises en œuvre à l’initiative de l’OFPRA dans trois cas.
  • Elles peuvent être mises en œuvre à la demande du préfet dans six situations.
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Les personnes concernées par cette procédure sont munies d’attestations de demande d’asile pendant l’examen de leur demande à l’OFPRA, d’une durée de six mois, sauf si elles représentent une menace grave à l’ordre public, réitèrent une demande de réexamen ou sont en rétention. En cas de rejet de la demande, elles bénéficient du droit au maintien jusqu’à la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), sauf exceptions prévues par la loi. Dans certains cas, le préfet peut notifier ou exécuter une décision d’obligation de quitter le territoire après la décision de l’OFPRA, et les personnes concernées peuvent demander la suspension de cette mesure pendant l’examen de leur recours.

La procédure d’examen de demande d’asile est encadrée par des délais réduits à l’OFPRA (96 heures en rétention, huit jours pour l’examen préliminaire de recevabilité des réexamens, quinze jours dans tous les cas) et à la CNDA (cinq semaines par un juge unique).

Abus et absence de recours effectif

La procédure accélérée, qui avait été présentée en 2015 comme une amélioration par rapport à la procédure prioritaire, n’a pas tenu ses promesses. Les rapports d’activité de l’OFPRA montrent une augmentation spectaculaire de l’utilisation de cette procédure. Entre 2016 et 2020, sur les 399 262 premières demandes d’asile d’adultes introduites, 126 874 ont été examinées selon la procédure accélérée. De plus, l’OFPRA a décidé de mettre en œuvre cette procédure pour 3 465 demandes enregistrées selon la procédure normale, et 42 155 réexamens ont été examinés selon cette procédure, soit un total de 172 494 demandes (38,3% du total).

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En 2021, le nombre de demandes examinées selon cette procédure a encore augmenté pour atteindre 46 972, soit 46% du total, et 37% des premières demandes. Selon les statistiques fournies par l’OFPRA, les demandes de réexamen représentent le motif principal (98% du total), suivies des demandes de pays considérés comme sûrs (12 558), des demandes considérées comme une fraude à l’identité ou à l’itinéraire (6 464), des demandes déposées plus de 90 jours après l’arrivée (4 807) ou des demandes formulées à partir d’un centre de rétention (610). Cependant, plus de 8 000 procédures ont été mises en œuvre sans motif précisé, ce qui démontre que les préfets ne prennent pas la peine de motiver leurs décisions et inventent de nouvelles possibilités.

Malheureusement, les personnes concernées par cette procédure n’ont pas de recours effectif immédiat pour la contester. Les dispositions du CESEDA interdisent en effet aux demandeurs de saisir les juridictions administratives de droit commun ou la CNDA pour contester le placement d’office ou le refus de reclassement de l’OFPRA. La seule voie de recours pendant l’examen par l’OFPRA est de saisir le tribunal administratif de Melun pour demander l’examen de sa demande ou son reclassement. À la CNDA, l’examen des recours se fait a priori par un juge unique, mais la part des audiences à juge unique a considérablement diminué ces dernières années.

La réforme annoncée par le ministre de l’Intérieur pour généraliser l’audience du juge unique pourrait entraîner une généralisation de cette procédure accélérée, sans possibilité pour les demandeurs d’asile de la contester efficacement. Cette évolution soulève des questions sur le respect des droits des personnes et l’accès à une procédure équitable.

En conclusion, il est essentiel de garantir un examen équitable et rigoureux des demandes d’asile, en respectant les droits des demandeurs et en offrant des recours effectifs. Les procédures accélérées ne doivent pas être utilisées de manière abusive, au détriment des personnes qui cherchent protection et sécurité.