À Lyon, les hôpitaux sont légion. Et je ne suis pas la seule à le penser. Les hôpitaux, c’est comme les restaurants, il y en a des bons et d’autres moins. Certains sont impeccables, avec un personnel agréable, des internes souriants qui prennent le temps de vous expliquer les choses, des médecins à l’écoute. Mais d’autres ne sont pas du tout ainsi.
À l’hôpital, peu importe les soins que l’on doit recevoir, on se sent faible. Certains peuvent ne pas ressentir cela, mais pour moi, c’est le cas.
On est là, on attend. C’est un peu comme dans l’article de Madmoiz’elle : “J’ai testé pour vous faire de la figuration”. Quand on est figurant dans un film, on passe son temps à attendre, paraît-il. Et c’est un peu la même chose à l’hôpital : on ne peut pas s’éloigner au cas où la perfusion que l’on attend depuis des heures arriverait à ce moment précis. Et une fois perfusé, se déplacer n’est pas évident, surtout quand on est en fauteuil roulant. Imaginez l’expédition que je forme, moi, avec mon fauteuil et ma perfusion. Sans oublier qu’au bout de cette dernière, il y a un cathéter planté dans mon bras, qu’il vaut mieux éviter de tirer. Non seulement ça fait mal, mais en plus vous risquez de l’arracher !
En somme, l’hôpital est un monde à part où il vaut mieux venir préparé si on ne veut pas mourir d’ennui ou de tristesse.
Confort élémentaire
Boules quies
La nuit à l’hôpital est tout sauf silencieuse ! Même en chambre double, vous pouvez avoir comme voisine une personne qui ronfle, parle, se soulage (et vous n’allez pas aller lui en tourner une ni même la réveiller, elle est malade elle aussi). Mais ce n’est pas tout : il y a aussi ce chariot en fer qui roule sur les carreaux du couloir, le personnel qui ouvre les portes en continuant de papoter, votre voisin(e) à qui le personnel explique les soins à voix haute. Même si vous arrivez à relativement bien dormir, à 6h les infirmières viennent vous réveiller pour la prise de tension, la prise de sang ou tout autre acte médical, et à partir de là, le ballet des allées et venues commence.
C’est pourquoi j’ai toujours avec moi de petites boules magiques en cire ou en mousse qui me permettent de grappiller quelques précieuses minutes de repos.
Le masque pour les yeux
Vous savez, celui que l’on vous donne dans l’avion. Quand on a peu dormi, il peut vous aider à ne pas étrangler quelqu’un ! En chambre double, vous ne pouvez pas demander à votre colocataire de fermer les volets alors qu’il fait beau dehors. Même en chambre individuelle, les soins, le ménage, etc. doivent se faire, et il faut bien que tout ce petit monde entre dans la chambre.
Le déodorant
Cela paraît évident ! Mais avec les alèses en plastique sur le matelas, le fait que l’on passe presque 24h/24 couché, la chaleur du chauffage ou l’absence de climatisation, je vous jure que je n’ai jamais autant aimé mon petit stick à boule.
Une petite anecdote ? Une fois, une personne de ma famille a dû être hospitalisée à la suite d’une agression. Avec les deux bras plâtrés, elle était dépendante pour tout : toilette, habillage, maquillage, besoins naturels. Un jour, elle a demandé à une aide-soignante qui l’avait aidée pour sa toilette de lui mettre du déodorant (c’était l’été). La personne lui a répondu : “Ah non, moi je ne mets jamais de déodorant, vous n’en avez pas besoin”. Ça nous a beaucoup fait rire, surtout que c’est un geste assez élémentaire, sans parler du maquillage.
Les vêtements
Bien sûr, vous n’allez pas à l’hôpital en mode nudiste, mais mieux vaut éviter de devoir se servir de leur chemise ouverte dans le dos (j’ai dû me contorsionner dans les services d’urgences pour tenir ma chemise fermée sur mes fesses).
S’habiller à l’hôpital est tout un art ! J’ai oublié les pyjamas, du genre vieux tee-shirt large. Il y a beaucoup de passage, que ce soit des hommes ou des femmes.
Et ce qui m’agace le plus, c’est leur habitude de laisser la porte ouverte. Certains diront que c’est pour des raisons de sécurité, mais je pense surtout qu’ils ne s’en rendent même plus compte. Quand je suis là, je connais toute la vie du service et je montre mes jambes à tous les gens qui passent. Je ne suis pas pudique, mais quand même !
Des vêtements pratiques, un minimum correct et couvrant sont essentiels pour préserver ma dignité. Cet article parle très bien de cette maltraitance ordinaire en milieu hospitalier.
Se rappeler que l’on est humain
Le maquillage
Je sais que ceux qui me connaissent riront. Je me maquille assez peu et de manière complètement imprévisible. Mais à l’hôpital, j’en ai toujours plus envie. Je ne me sens déjà pas super belle, pâle et fatiguée dans ma chemise de nuit ou mes vêtements amples sans forme. Le maquillage me permet de me dire que je suis toujours une femme.
Pour en avoir parlé avec la personne “interdite de déodorant”, elle aussi a trouvé cela essentiel. Parfois, on tombe même sur des soignants sympas qui en sont conscients et qui nous aident à nous coiffer quand on n’y arrive pas. Cela devient une petite bulle qui n’appartient qu’à nous.
Les soins du corps
Il ne faut surtout pas oublier le shampoing, le gel douche, le lait corporel et les autres petites habitudes. Parce que franchement, je crois que la douche est le meilleur moment de la journée à l’hôpital !
Quand ces gestes intimes doivent être faits par d’autres parce que vous ne pouvez pas le faire vous-même, c’est très dur. Alors un peu de douceur dans cette intimité qui vous est volée est essentiel pour moi. Mes produits de douche peau sensible, mon shampoing protecteur de couleur, mon lait corporel au cacao me permettent de garder un semblant de contrôle sur ma vie, un lien avec ce monde qui n’est pas toujours drôle.
Une fois, dans un service sous-effectif, j’ai demandé de l’aide parce que je ne pouvais pas me doucher ni me laver les cheveux après plusieurs jours d’hospitalisation. On m’a répondu : “Ah mais madame, on n’a pas le temps, hein”. Agacée, je lui ai répondu : “Mais vous ne vous lavez pas, vous ? Parce que moi, j’en ai besoin régulièrement, et ayant les cheveux longs, je ne peux pas me passer d’un shampoing de temps en temps”. Elle n’a pas répondu, mais un peu plus tard, une stagiaire est venue m’aider !
La monnaie
Bien sûr, cela dépend de mon état, mais quand je le peux, aller prendre un thé à la cafétéria ou à la machine est un véritable bol d’air frais. Tout d’un coup, je me retrouve dans le monde des gens normaux, enfin presque, car la cafétéria reste tout de même à l’intérieur de l’hôpital. Souvent, le thé n’est pas top, mais je l’achète quand même, car j’apprécie l’interaction avec la vendeuse, les tables où je m’assois et où mon univers ne se limite pas à un mur de chambre. Et quand la cafétéria est fermée, il y a la machine à café, même si le thé est infâme. Mais en y allant, je croise des gens, je dis bonjour, je papote 5 minutes avec d’éventuels fumeurs, je respire l’air extérieur.
Ne pas mourir d’ennui
Certes, à l’hôpital, on dort beaucoup, mais il reste de très longues minutes à occuper allongé sur un lit. Pour rappel, réveillé à 6h alors que je ne m’endors jamais avant 23h, même avec une sieste d’une heure, les différents soins, il y a beaucoup d’heures vides comme pour les figurants dans un film.
Un MP3 et son casque (surtout ne pas l’oublier, c’est très frustrant !)
La télévision est pour deux, donc parfois, pendant la messe ou les Feux de l’amour, ma musique est un vrai paradis !
Un téléphone
Je ne suis pas accro à mon téléphone portable, mais il me permet de rester en contact avec mes amis, ma famille. Je peux surfer un peu, lire des histoires drôles, faire des commentaires loufoques sur ce qui se passe autour de moi, déverser mon fiel à propos du “dragon puant” qui m’a réveillée plusieurs fois dans la nuit et qui m’a dit : “Si vous n’êtes pas là dans 10 minutes, je viens vous chercher” (histoire vraie !).
Un ordinateur ou des livres, voire les deux
Pour ma part, j’emporte tout : mon ordinateur portable, mon disque dur rempli de films, un livre et même ma liseuse maintenant (plus facile à tenir et moins lourde à transporter quand vos livres font plus de 500 pages), et même ma pochette à origami, car c’est l’un de mes loisirs préférés.
Un doudou
Je reconnais que tout le monde n’en a pas besoin et que cela ne permet pas de s’occuper directement. Mais on se sent un peu seul quand on est faible et hors de son environnement habituel.
Une fois, ma voisine de chambre était une fille d’à peu près mon âge, et elle avait aussi son doudou. Je ne me souviens plus si c’était un lapin. Pour ma part, c’est ma GIGI. Pour votre culture générale, il s’agit du chat de Kiki la petite sorcière, du célèbre film de Myazaki. Elle, elle connaît bien les hôpitaux. Et c’est amusant, car elle attire souvent l’attention du personnel soignant, qui la remarque la plupart du temps. Un jour, un infirmier me l’avait même accrochée à la potence au-dessus de mon lit pendant que je prenais ma douche, juste pour me faire rire.
En 7 ans de maladie, avec en moyenne deux hospitalisations par an, j’ai vécu toutes les émotions dans ces lieux. Je me suis sentie seule, dépressive, angoissée, malheureuse. J’ai également rencontré des personnes adorables et partagé des fous rires mémorables. J’ai eu l’occasion de tester de nombreux hôpitaux (changement de ville, manque de places) et même l’hospitalisation à domicile (qui a aussi ses avantages et ses inconvénients). Aujourd’hui, je n’aime toujours pas être hospitalisée, mais j’ai appris à ne plus faire d’économies : j’apporte tout ce dont j’ai besoin pour passer cette période dans les meilleures conditions possibles, et tant pis si cela paraît superficiel (avec mon maquillage) ou enfantin (avec mon doudou).