Esclavage moderne en France : une réalité inquiétante et méconnue

Esclavage moderne en France : une réalité inquiétante et méconnue

La traite des êtres humains à des fins économiques, l’esclavage moderne, le travail forcé… Ces termes évoquent un passé révolu, mais ils sont malheureusement d’actualité. Le point commun de ceux qui se retrouvent réduits à l’état d’esclave est la vulnérabilité. Dans un monde qui se ferme, les migrants, privés de droits de séjour, deviennent de plus en plus vulnérables.

Selon Elizabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la Mission interministérielle de protection des femmes contre les violences et de lutte contre la traite des êtres humains, la traite des êtres humains s’aggrave en raison de la vulnérabilité croissante des populations en raison des mouvements migratoires.

Les statistiques sur ce sujet sont complexes à obtenir, mais elles existent néanmoins. Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, la traite des êtres humains représente un marché de 32 milliards de dollars par an, dont 3 milliards d’euros pour l’Europe.

Il existe trois types de trafic d’êtres humains. Le trafic de migrants est celui dont on parle le plus actuellement, mais il est en réalité le moins important en termes de nombre. Environ 80% du trafic d’êtres humains vise l’exploitation sexuelle, principalement des femmes. Environ 18% concerne l’exploitation de la force de travail.

Travailler sous contrainte, être déshumanisé, privé de liberté de mouvement, voilà ce qu’est l’esclavage moderne, ou le travail forcé. Selon un récent rapport de l’Organisation Internationale du Travail, cela concerne 25 millions de personnes dans le monde, dont 4 millions sont asservies par leur propre État.

Les pays où l’on recense le plus de cas d’esclavage moderne sont l’Inde, la Chine, le Pakistan, le Bangladesh et l’Ouzbékistan. Une enquête de Sandrine Rigaud pour Cash Investigation a brillamment illustré cette réalité en Ouzbékistan.

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En Europe, on estime qu’il y a au moins 600 000 cas d’esclavage moderne, selon l’Organisation Internationale du Travail. En France, le Comité Contre l’Esclavage Moderne existe depuis 1994 et a déjà aidé 650 personnes.

On observe également un changement dans les profils des victimes en France. Jusqu’à présent, la plupart des cas concernaient des jeunes filles réduites à la servitude domestique, mais désormais, 25% des victimes sont des hommes. Ils travaillent sur les chantiers de construction, dans le commerce et l’agriculture. Ils sont logés dans des cabanes, leurs papiers sont confisqués ou inexistants. Certains d’entre eux sont même français.

Pourtant, seules 71 condamnations pour traite des êtres humains ont été prononcées en France en 2015, selon la chancellerie. Dans 90% des cas, une peine de prison ferme est prononcée, avec une durée moyenne de 2,9 ans.

Il est récent de prendre conscience de cette forme d’exploitation et il n’est pas encore possible de distinguer clairement l’exploitation sexuelle de l’exploitation économique. De plus, les victimes sont souvent difficiles à détecter car elles ne veulent pas porter plainte et le cadre juridique est encore en développement.

En Europe, ce n’est qu’en 2011 qu’une directive a imposé aux États membres de l’UE des peines minimales pour lutter contre la traite des êtres humains. La France a transposé cette directive en 2013. Auparavant, les chefs d’accusation retenus étaient les conditions de travail indignes ou le travail dissimulé. La traite, la servitude et le travail forcé n’étaient pas spécifiquement réprimés par le code pénal français, ce qui a valu à la France d’être condamnée deux fois par la Cour européenne des droits de l’homme, en 2005 et en 2012.

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Bien que des efforts soient faits pour lutter contre la traite des êtres humains en France, des lacunes subsistent, notamment en ce qui concerne les risques d’exploitation des mineurs et des migrants, ainsi que dans les statistiques sur ce trafic. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme estime que des moyens supplémentaires sont nécessaires pour lutter contre l’exploitation économique, moins visible que le proxénétisme.

Il est donc important de sensibiliser davantage à la traite des êtres humains, que ce soit à des fins économiques ou sexuelles, afin d’inverser la tendance et de réduire le nombre d’esclaves modernes. Chaque victime de traite des êtres humains bénéficie désormais de droits spécifiques, mais il reste encore beaucoup à faire pour garantir une réelle protection et une prise en charge adéquate de ces victimes vulnérables.

Ainsi, il est essentiel de continuer à lutter contre ce fléau, de renforcer les peines et de sensibiliser les entreprises à la traite des êtres humains. Ensemble, nous pouvons contribuer à mettre fin à l’esclavage moderne en France et dans le monde.

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