En 2017, les résidents français ont transféré 19 milliards d’euros à des particuliers installés à l’étranger, le plus souvent à des proches (résidents d’origine étrangère, parents envoyant de l’argent à des enfants étudiant à l’étranger, etc.), dont 10 milliards en dehors de la zone euro. Si les dirigeants du G20 s’étaient engagés en 2009 à réduire de moitié les tarifs de ces opérations à horizon 2030, ils demeurent particulièrement chers. Sans davantage de concurrence, ils pourraient même progresser, pour compenser la baisse des tarifs des opérations réalisées au sein de l’Union européenne prévue l’année prochaine.
Transferts internationaux : des tarifs français supérieurs de 10 à 14 % à la moyenne européenne
Cette situation est d’autant plus préoccupante en France, où les tarifs sont nettement plus élevés que chez nos voisins. C’est le cas autant pour les virements bancaires internationaux (dont le coût en France est 10 % supérieur à la moyenne européenne1) que pour les sociétés de transferts d’argent comme Western Union, MoneyGram ou Ria (+ 14 %). Pour cinq des huit principales destinations d’envoi (Maroc, Algérie, Vietnam, Sénégal, Inde), la France est même la plus chère en Europe. Par exemple, les tarifs moyens d’un transfert de France vers le Maroc ou de France vers le Vietnam sont respectivement 16 % et 25 % supérieurs à la moyenne. Pour l’ensemble de ces prestations, tous canaux et toutes destinations confondues, l’UFC-Que Choisir évalue leur coût moyen à 6,7 % de la somme envoyée, soit 11,40 € pour un envoi de 170 €2.
110 millions d’euros de frais de change cachés aux consommateurs
Comment s’étonner de tels excès tarifaires, alors que notre étude lève le voile sur l’opacité scandaleuse entretenue par les sociétés de transferts d’argent sur la facturation de frais de change ? Les tests réalisés sur les sites internet des principales sociétés de transferts d’argent montrent que, si elles sont transparentes sur les frais à l’acte, ni Western Union, ni MoneyGram n’informent lisiblement leurs clients de la perception de frais sur le change. Ils représentent pourtant plus d’un quart du coût de l’ensemble des transactions (26 %). Le total des frais de change cachés atteint un montant de 110 millions d’euros en 2017.
Dès lors, on peut s’interroger sur l’intensité concurrentielle réelle du marché français. Alors qu’à l’étranger, plus les volumes échangés entre deux pays sont importants, plus les tarifs sont faibles, ce n’est pas le cas en France. Par exemple, alors que l’Algérie constitue en volume la deuxième destination d’envoi depuis notre pays, les tarifs sont 64 % plus chers que la moyenne des frais de transferts depuis la France. On peut par ailleurs déplorer les difficultés éprouvées par les sociétés de transferts d’argent en ligne, dont les tarifs sont moins chers et les pratiques commerciales plus transparentes, à ouvrir des comptes commerciaux auprès des établissements bancaires.
Populations fragiles : le double-jeu pernicieux de la Banque Postale
A ces dysfonctionnements de marché s’ajoute un matraquage organisé des consommateurs les plus modestes. A cet égard, le double-jeu de la Banque Postale, dans le cadre de son partenariat avec Western Union, interroge. Alors que La Poste dispose de son propre service de transfert proposé à un tarif réduit, la prestation Western Union qu’elle distribue également est systématiquement plus chère que la concurrence. Ainsi un transfert vers la Chine est facturé 26,70 €, un niveau 33 % supérieur à la moyenne du marché et même 125 % plus élevé que cette même prestation réalisée directement auprès de Western Union3. Plus largement, la grille tarifaire de cette offre prévoit, comme pour l’ensemble des sociétés de transfert d’argent, des commissions dégressives selon les montants envoyés, dont la disproportion est édifiante. Pour un transfert d’un montant de 100 €, la prestation coûte 10 % du montant envoyé et jusque 25 % pour une opération de 20 €. Faut-il rappeler que la Banque Postale bénéficie, par ailleurs, de 220 millions d’euros d’aide publique par an au titre de sa mission d’inclusion bancaire auprès des publics fragiles ?
Au regard des nombreux dysfonctionnements du marché des transferts d’argent internationaux, l’UFC-Que Choisir, déterminée à permettre aux consommateurs de réaliser ces opérations dans les meilleures conditions :
- Met à la disposition de tous une liste de conseils pratiques pour aider les consommateurs à déjouer les pièges de ce marché nébuleux ;
- Dépose plainte auprès du procureur de la République contre Western Union et MoneyGram pour pratiques commerciales trompeuses ;
- Appelle les pouvoirs publics à créer les conditions d’une concurrence salutaire sur ce marché, qui nécessite en particulier :
- L’encadrement de la tarification des opérations de transferts qui couvre également les territoires français qui ne disposent pas de la monnaie unique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie Française, Wallis et Futuna) ;
- L’harmonisation de l’information précontractuelle avant l’initiation d’un transfert d’argent dans laquelle doit figurer le tarif réel du transfert prenant en compte les frais de change appliqués ;
- L’interdiction des frais facturés aux bénéficiaires de transferts d’argent sur lesquels la concurrence ne peut jouer aisément ;
- D’imposer aux banques de motiver leur refus d’ouverture de comptes professionnels à des sociétés de transfert agréées par les superviseurs nationaux et européens.
Notes