Fin du réseau Corri-Door: la bataille entre Izivia et EVBox fait rage

Fin du réseau Corri-Door: la bataille entre Izivia et EVBox fait rage

L’arrêt soudain de 90% des bornes de recharge rapide du réseau Corri-Door a déclenché une bataille publique entre Izivia et EVBox. Ces deux acteurs se livrent désormais une véritable guerre ouverte. Automobile-Propre revient sur les explications des deux parties.

Sortez les pop-corn, car ce (mauvais) feuilleton ne fait que commencer! Izivia a récemment informé ses clients de l’arrêt définitif de 189 bornes du réseau Corri-Door pour des raisons de sécurité. Mais le fournisseur des bornes, EVBox, réagit vivement et pointe du doigt la responsabilité de l’opérateur, filiale du groupe EDF. Ambiance tendue!

Deux incidents à l’origine du problème

Pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec cette affaire qui secoue le monde de la mobilité électrique, tout a commencé le 7 février dernier, lorsque Izivia a informé ses clients de la “mise en indisponibilité volontaire” d’une grande partie du réseau Corri-Door en raison d’incidents sur deux bornes. Interrogé par Automobile-Propre, l’opérateur avait alors expliqué avoir pris “des mesures de précaution” et lancé une enquête pour déterminer la cause du problème et son éventuelle récurrence sur d’autres bornes du réseau. Le 28 février, Izivia annonce par courrier électronique à ses clients que les bornes ne seront pas remises en service. Un coup dur pour les utilisateurs.

Quels sont exactement les problèmes rencontrés? Quels sont les risques qui ont conduit à l’arrêt des bornes concernées? Nous avons essayé de comprendre le choix d’Izivia. “Nous avons fait appel à un bureau d’études indépendant qui a confirmé le risque pour la sécurité”, nous répond l’opérateur. Sans entrer dans les détails des conclusions du rapport, Izivia annonce la prochaine étape: une assignation à une expertise judiciaire. Entre les lignes, on peut comprendre qu’une action en justice pourrait être intentée contre le fabricant.

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Bien qu’Izivia n’ait jamais officiellement cité le nom du fabricant, on sait que les bornes en question proviennent d’EVTronic. Basée dans la région de Bordeaux, cette société a été rachetée en 2018 par EVBox, elle-même propriété du groupe Engie. Outre Corri-Door, EVTronic a également fourni des bornes à d’autres opérateurs, dont la CNR, qui a également connu un incident similaire sur l’une des bornes du fabricant. L’enquête diligentée avait toutefois conclu à un incident isolé.

EVBox en position offensive

Contrairement à Izivia, qui a indiqué ne pas vouloir “pointer du doigt le fabricant”, EVBox se montre beaucoup plus critique envers les équipes de la filiale du groupe EDF. Jusqu’à présent très discret, l’entreprise a rompu le silence le mardi 3 mars en publiant un communiqué de presse qui contredit les conclusions de l’opérateur et surtout son choix d’arrêter brusquement le réseau.

“Les bornes de recharge EVTronic DC concernées ont été principalement fabriquées en 2014 et 2015 selon une configuration spécifique à Izivia. Les deux incidents signalés datent d’avril 2019 et de juin 2019. Une enquête approfondie menée par EVBox a confirmé que ces incidents sont directement liés à la configuration spécifique d’Izivia. Dans tous les cas, il n’y a aucun risque pour la sécurité des utilisateurs finaux”, explique l’entreprise, sans donner plus de détails sur les spécificités mentionnées, qui font partie des “éléments confidentiels du contrat”. Izivia, de son côté, nie le calendrier annoncé par le fabricant. “Ces incidents se sont produits à la fin de l’année 2019. Nous avons réagi rapidement pour enquêter sur le problème, puis nous avons mandaté un cabinet indépendant pour une expertise en janvier”, a déclaré Michel Cozic, directeur du développement et des projets chez Izivia, lors d’un entretien accordé à l’AVEM.

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Les équipes d’EVBox n’ont pas pu participer à cette expertise. “Pour qu’une étude indépendante soit menée, il est nécessaire que toutes les parties prenantes soient impliquées et puissent échanger. Jusqu’à présent, EVBox n’a pu participer à ces audits ni accéder au rapport de ce cabinet”, souligne le communiqué.

Le réseau aurait-il pu être réactivé? Sans répondre clairement à cette question, EVBox nous indique qu’elle a “proposé à plusieurs reprises ces dernières semaines son aide à Izivia pour réouvrir le réseau de recharge dès que possible”. Une fois de plus, l’opérateur dément les allégations du fabricant. “Aucune proposition d’actions préventives n’a été faite par EVBox. Si cela avait été le cas, notamment après les graves problèmes de fiabilité rencontrés cet été sur le réseau, nous n’aurions pas été contraints de les assigner devant le Tribunal de commerce de Paris, notamment pour faire toute la lumière sur la cause de ces problèmes”, a déclaré Michel Cozic.

Un autre point soulevé par EVBox concerne les “défauts de maintenance de l’opérateur”. “Dès la livraison de ses bornes, EVBox a recommandé à Izivia une maintenance professionnelle régulière. Cependant, au cours des dernières années, il a été constaté que la maintenance n’a pas été réalisée de manière continue”, souligne la société, qui affirme également avoir proposé des mesures préventives à l’opérateur.

Des nouvelles bornes à venir

Avec la fermeture de la plupart des bornes, le réseau Corri-Door se réduit désormais à seulement 28 bornes fonctionnelles, soit 13% des 217 bornes du réseau initial. Un plan de redéploiement est prévu pour ramener le réseau à 50 bornes à terme.

Les emplacements des nouvelles bornes doivent encore être définis. Izivia doit valider les nouvelles installations avec ses hébergeurs. La puissance et la configuration de ces nouvelles bornes doivent également être déterminées. “Nous ne sommes pas les seuls décisionnaires. Des discussions sont en cours entre les propriétaires des bornes pour trouver les meilleures solutions”, nous a-t-on expliqué.

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Quoi qu’il en soit, le déploiement de ces nouvelles bornes n’est pas prévu pour tout de suite. Au mieux, il ne devrait pas intervenir avant fin 2020 ou début 2021. Les utilisateurs devront donc prendre leur mal en patience. “Pour les clients abonnés à notre service, nous avons déjà proposé une compensation pour le mois de février. Nous étudions actuellement les mesures à prendre pour la suite”, explique la filiale d’EDF.

Parallèlement, Izivia réfléchit à l’extension de son réseau de recharge rapide. Souhaitant tourner la page, l’entreprise envisage un changement de nom et une toute nouvelle configuration avec environ 70 nouvelles stations. Ces stations seront déployées en dehors des autoroutes et comprendront de 5 à 6 points de recharge.

Une catastrophe pour l’écosystème français

La bataille juridique entre Izivia et EVBox devrait permettre de clarifier les nombreux points obscurs et de déterminer les responsabilités de chacun, mais l’utilisateur final est le grand perdant de l’arrêt du réseau Corri-Door. Cette fermeture intervient également au pire moment pour les constructeurs, qui sont encouragés par les nouvelles normes européennes à accélérer les ventes de voitures électriques.

En Europe, la situation observée sur Corri-Door est sans précédent. Jamais un opérateur n’avait retiré autant de bornes d’un réseau, et cela à une échelle nationale ! Ce fiasco rappelle tristement le célèbre échec d’Autolib’ de Bolloré à Paris.

Une telle situation aurait-elle pu être évitée ? Alors qu’Izivia affirme que la fermeture des bornes était la seule solution possible, les déclarations d’EVBox laissent planer le doute sur la volonté réelle de l’opérateur de rétablir son réseau. Au-delà des aspects techniques, la question du coût de l’opération a probablement influencé la décision de l’opérateur.