Histoire des droits des femmes au travail : les étapes clés à connaître

Histoire des droits des femmes au travail : les étapes clés à connaître

1907 – La pleine autonomie financière des femmes mariées

Plus de cent ans se sont écoulés depuis ce moment, où le droit des femmes au travail est devenu si naturel qu’il est difficile d’imaginer qu’il en ait été autrement. Cependant, cette avancée a été le résultat d’un long combat mené par un homme oublié de l’Histoire : Léopold Goirand, élu dans le département des Deux-Sèvres. En 1894, ce député propose une loi visant à garantir “la pleine autonomie financière des femmes mariées”. Son combat tire sa force de son expérience sur le terrain, alors qu’il a été témoin de nombreuses situations typiques du système patriarcal, où le mari avait un pouvoir absolu sur les ressources. Il argumente à l’époque : “Si l’on suppose que le mari est débauché et paresseux, tandis que la femme est honnête et économe, les conséquences sont injustes. La femme peut travailler dur pour économiser de l’argent et subvenir aux besoins du ménage et élever ses enfants, tandis que le mari est là, prêt à toucher son salaire et à s’approprier les moindres économies qu’elle a réalisées”. Malgré cela, la proposition de loi reste en suspens pendant de nombreuses années. Ce sont les associations féministes qui prennent le relais et se mobilisent pour faire avancer la cause. Malgré les obstacles rencontrés en commission et lors des séances, la loi est finalement promulguée le 13 juillet 1907, au terme de treize années d’efforts. En ouvrant une brèche dans le Code civil napoléonien, qui accordait tout pouvoir à l’époux, cette loi a ouvert la voie de l’égalité des sexes dans la République.

1909 – L’instauration du congé maternité

À la fin du XIXe siècle, face à une importante mortalité des femmes en couches ainsi que des nouveaux-nés, craignant une dépopulation du pays, les recherches en gynécologie s’intensifient. En 1886, le député Albert De Mun propose d’accorder un congé de quatre semaines aux travailleuses après l’accouchement, en mettant l’accent sur la santé des enfants. L’article est débattu à de nombreuses reprises à l’Assemblée, mais ne finit par être adopté. Les mentalités évoluent et en octobre 1906, Georges Clémenceau crée le premier ministère du Travail. Quelques mois plus tard, le député Fernand Engerand dépose une proposition de loi pour instaurer un congé maternité facultatif de huit semaines, non rémunéré, pour toutes les femmes. Cette mesure en faveur des droits des femmes au travail est adoptée le 27 novembre 1909. La loi se compose d’un unique article : “La suspension du travail de la femme, pendant huit semaines consécutives, dans la période qui précède et suit l’accouchement, ne peut être une cause de rupture de contrat par l’employeur.” Deux ans plus tard, les institutrices deviennent les premières à bénéficier d’un congé maternité rémunéré à 100 % du salaire brut, une mesure étendue à l’ensemble des fonctionnaires en 1929, puis à l’ensemble des salariées en 1970.

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1940 – L’interdiction de l’emploi des femmes mariées dans l’administration sous le régime de Vichy

Cette date marque un recul dans les droits des femmes au travail. En pleine guerre, alors qu’elles commencent à peine à s’émanciper, les femmes françaises sont appelées à retourner au foyer et à se cantonner à leur rôle de mères sous le régime de Vichy. Le 20 juin 1940, le Maréchal Pétain désigne les femmes comme partiellement responsables de la défaite de l’armée française face à l’Allemagne : “Trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés.” Quatre mois plus tard, le gouvernement interdit l’embauche de femmes mariées dans tous les services de l’État et les collectivités. Certaines femmes bravent les interdictions et continuent à travailler, mais tout est organisé pour que cela ne se fasse pas au détriment de la politique nataliste du pays. Dans ce contexte, l’avortement est même qualifié de “crime de haute trahison” contre l’État. Heureusement, cette régression dans les droits des femmes ne dure qu’un temps, et à la libération, elles retrouvent le chemin du travail.

1946 – L’égalité absolue entre les hommes et les femmes inscrite dans la Constitution et la fin du “salaire féminin”

Au lendemain de la victoire remportée par les Alliés contre le régime nazi, qui a tenté d’asservir et de dégrader l’humanité, le peuple français proclame à nouveau que chaque être humain, sans distinction de race, de religion ou de croyance, possède des droits inaliénables, comme le rappelle le préambule de la Constitution de la Quatrième République. C’est la première fois que le gouvernement inscrit dans la loi que les femmes disposent des mêmes droits que les hommes, dans tous les domaines. Cependant, bien que l’inscription de ce principe d’égalité absolue soit une victoire, elle n’a pas encore eu d’effets significatifs sur les lieux de travail, tant que persiste le concept de “salaire féminin”. En effet, à l’époque, les femmes subissent une réduction systématique de leur salaire simplement en raison de leur sexe. En juillet 1946, un décret met fin au “salaire féminin” et garantit aux femmes des salaires égaux à ceux des hommes, dans tous les secteurs professionnels. Cette avancée est capitale pour les droits des femmes au travail.

1965 – L’autonomie financière des femmes mariées

Dans les années 1960, les femmes françaises votent depuis plus de vingt ans et jouissent d’une relative liberté. Pourtant, il est absurde de constater que les femmes mariées ne peuvent toujours pas travailler sans l’autorisation de leur mari, ouvrir un compte bancaire à leur nom ou disposer librement de leurs biens. Trois ans avant mai 1968, les femmes s’insurgent et affirment que leur condition n’est plus acceptable. En plein cœur de l’été, lors d’une séance quasi vide à l’Assemblée, les députés votent le 13 juillet 1965 la réforme des régimes matrimoniaux, portée par le ministre Jean Foyer, qui accorde aux femmes leur autonomie financière. À l’époque, les féministes considèrent cette loi comme une “petite avancée sociale”, mais elle change véritablement la vie des Françaises. Les femmes mariées sont beaucoup plus nombreuses à travailler, elles peuvent économiser sans demander l’avis de leur conjoint, et elles commencent à exiger davantage de droits. L’Histoire est en marche.

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1983 – La lutte contre la discrimination à l’embauche et les écarts de salaires

Yvette Roudy, ministre des Droits de la Femme de 1981 à 1985, est une figure politique peu ordinaire. En cinq ans, elle fait voter six lois pour mettre fin aux inégalités entre les femmes et les hommes. Elle dénonce en 1982 dans les colonnes du journal Le Monde le “chômage des femmes qui atteint les 60 %, les discriminations en matière de formation et d’embauche, l’injustice des filières scolaires qui ne sont pas conçues pour conduire les femmes vers le travail, mais les orientent vers des emplois peu reconnus, mal payés, dévalorisés et surtout encombrés”. La loi la plus emblématique en faveur du droit des femmes au travail est celle qui est adoptée en 1983 et qui inscrit dans le code du Travail le principe de non-discrimination à l’embauche, à la formation et aux salaires entre les hommes et les femmes. Malgré ses efforts et son engagement, la ministre n’arrive pas à faire interdire les injures à caractère sexiste ni la publication de textes, de films ou d’images qui dévalorisent les femmes.

1986 – La féminisation des noms de métiers

Dans les années 1980, afin de refléter l’accès des femmes à des postes de plus en plus diversifiés, le Premier ministre de l’époque, Laurent Fabius, adresse le 11 mars 1986 une circulaire demandant la féminisation des noms de métiers, de fonctions, de grades ou de titres dans tous les textes et documents officiels. Comme toujours, les détracteurs sont nombreux. Certains rappellent qu’ils ont appris à l’école que “le masculin l’emporte systématiquement sur le féminin”, argumentant que le masculin sert de neutre en français. Cependant, les querelles linguistiques ne tiennent pas, car il n’y a que deux genres en français : le masculin et le féminin. Afin d’adapter la langue à cette évolution sociale, Yvette Roudy crée en 1984 une commission chargée de la féminisation des noms de métiers et de fonctions. Les spécialistes expliquent qu’il existe trois manières de féminiser les noms de métiers : la flexion morphologique (écrivain en écrivaine, chercheur en chercheuse…), la flexion morphosyntaxique (la ministre, la journaliste…) ou bien par un phénomène d’accord (exemple : les journalistes sont compétentes). Mais les habitudes ont la vie dure, et il arrive encore aujourd’hui que l’on utilise l’expression “Madame le député” au Parlement. Finalement, l’Académie Française, longtemps opposée à la féminisation des noms de métiers, cède et accepte cette évolution le 28 février 2019, marquant une nouvelle avancée pour le droit des femmes au travail.

1992 – L’intégration du harcèlement sexuel dans le Code du travail

À l’aube du XXIe siècle, les droits des femmes au travail continuent de progresser dans la société. Le taux d’activité des femmes âgées de 25 à 54 ans explose, passant de 45 % en 1968 à plus de 75 % en 1990. Pourtant, de nombreuses femmes sont encore confrontées à des avances déplacées de leurs collègues masculins, voire à des agressions physiques. Le harcèlement sexuel dans les relations professionnelles est un sujet tabou ? Pas pour longtemps. Avec l’adoption par le Parlement du projet de loi sur l’abus d’autorité en matière sexuelle, la France devient le premier pays de la Communauté européenne à se conformer aux recommandations de la Commission européenne. La loi précise qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi ou refusé de subir des actes de harcèlement de la part de son employeur ou de toute personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions. Le chef d’entreprise est tenu responsable de la prévention de tels actes au sein de son établissement.

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2006 – La lutte pour l’égalité salariale entre les femmes et les hommes

Les lois en faveur du droit des femmes au travail ne suffisent malheureusement pas à éradiquer les discriminations qui sont souvent ancrées dans un sexisme culturel. Bien que l’égalité entre les femmes et les hommes soit inscrite dans la Constitution depuis 1946 et que le principe de l’égalité de rémunération “pour un même travail ou un travail de même valeur” soit inscrit dans la loi depuis le 22 décembre 1972, la situation des femmes sur le marché du travail reste plus fragile que celle des hommes. La loi du 23 mars 2006 renforce le corpus législatif concernant l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Cette loi se compose de quatre volets : elle impose aux entreprises de réduire les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans un délai de cinq ans, elle permet aux femmes de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale en renforçant le congé maternité, elle améliore l’accès des jeunes filles et des femmes à l’apprentissage et à l’offre de formation professionnelle, tout en exigeant une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d’administration des entreprises publiques.

Aujourd’hui, vers une égalité réelle entre les femmes et les hommes ?

Malgré les avancées en matière de droits des femmes au travail, elles gagnent encore en moyenne 28,5 % de moins que leurs homologues masculins, à poste équivalent et à valeur égale. Elles sont également plus souvent victimes de discrimination, de harcèlement et de violences, et elles rencontrent davantage d’obstacles dans leur ascension vers des postes à responsabilités dans la sphère publique. Avec la crise sanitaire, la situation pourrait même se détériorer davantage, car les femmes occupent généralement des emplois plus précaires et sont plus souvent contraintes à travailler à temps partiel que les hommes, les exposant ainsi davantage au chômage. Selon Les Glorieuses, un collectif féministe, l’écart salarial entre les femmes et les hommes est tel que, en 2021, les Françaises auraient dû cesser de travailler à 9h22 le mercredi 3 novembre pour atteindre l’égalité salariale. Pour faire face à cette situation, le gouvernement a présenté en 2018 un plan d’action visant à mettre fin aux inégalités de genre en entreprise, avec la loi “pour la liberté de choisir son avenir professionnel”, qui prévoit un outil d’évaluation permettant de mesurer les écarts de rémunération au sein de chaque entreprise, l’index de l’égalité salariale. Les entreprises s’exposent à des sanctions financières importantes si elles n’obtiennent pas de bons résultats. Bien que ces mesures soient considérées comme des avancées positives, en particulier depuis l’annonce de l’allongement du congé paternité, passant de 14 à 28 jours (dont 7 jours obligatoires à partir du 1er juillet 2021), certains regrettent que les sanctions à l’encontre des entreprises qui ne respectent pas les règles ne soient pas systématiques. De plus, ils souhaitent que la mixité soit encouragée dans certains secteurs pour permettre aux femmes d’accéder à des postes mieux rémunérés et de briser enfin le “plafond de verre”. Le combat des femmes est encore loin d’être terminé.