Depuis 2010, l’immunothérapie connaît un essor phénoménal dans le domaine du cancer. Au lieu de s’attaquer directement aux cellules tumorales comme le font les chimiothérapies ou encore les radiothérapies, cette approche thérapeutique consiste à activer le système immunitaire du patient, pour l’aider à reconnaître les cellules cancéreuses et conduire à leur destruction. Plusieurs stratégies sont d’ores et déjà utilisées dans le traitement de différents cancers, et les recherches en cours vont permettre d’étendre les possibilités. Un point important à résoudre reste celui de l’identification des patients chez lesquels ces traitements donneront de bons résultats.
Réveiller et éduquer le système immunitaire pour qu’il élimine les cellules cancéreuses
Comprendre l’immunothérapie des cancers
L’immunothérapie agit sur le système immunitaire d’un patient pour l’aider à lutter contre sa maladie. Dans le cas du cancer, elle ne s’attaque pas directement à la tumeur, mais stimule les cellules immunitaires impliquées dans la reconnaissance et la destruction des cellules tumorales.
L’immunothérapie a connu un boom en cancérologie au cours de ces dix dernières années, grâce à l’explosion des connaissances fondamentales sur l’immunologie du cancer. En comprenant de mieux en mieux comment les cellules tumorales procèdent pour proliférer hors de tout contrôle et en manipulant cet ensemble, les chercheurs peuvent aujourd’hui proposer de nouvelles solutions thérapeutiques.
Les cellules cancéreuses brouillent les signaux du système immunitaire
Les cellules cancéreuses présentent des remaniements génétiques qui leur permettent d’acquérir des propriétés malignes. Elles expriment à leur surface des molécules spécifiques – des antigènes tumoraux – qui les distinguent des cellules saines et sont capables d’induire des réactions immunitaires. Mais au fur et à mesure que la maladie progresse, les cellules cancéreuses poursuivent leur transformation et s’adaptent à leur environnement pour l’exploiter à leur avantage et poursuivre leur multiplication.
Ainsi, certains antigènes tumoraux immunogènes cessent d’être exprimés : ce phénomène permet aux cellules tumorales d’échapper à la surveillance du système immunitaire. Les cellules malignes se mettent en outre à produire de nouvelles protéines qui inactivent les défenses de l’organisme. Dès lors, le microenvironnement tumoral est généralement immunosuppresseur.
L’immunothérapie des cancers a pour but de “réveiller” le système immunitaire “endormi” par la maladie et de l’éduquer pour qu’il soit en mesure d’éliminer les cellules cancéreuses. Cette approche se fonde sur l’utilisation de différents outils : anticorps monoclonaux, immunomodulateurs, vaccination thérapeutique…
Les différentes approches d’immunothérapie
Stimuler la réponse immunitaire globale
Différents types de molécules solubles participent au fonctionnement du système immunitaire. C’est en particulier le cas des cytokines, une famille de molécules qui comprend notamment les interleukines et les interférons. Augmenter la quantité ou l’activité de ces molécules dans l’organisme est une stratégie utilisée pour renforcer globalement la réponse immunitaire. Deux types de cytokines sont déjà utilisées dans ce but : l’interféron alpha 2b, pour le traitement de certaines leucémies, de myélomes, ou encore de mélanomes, et l’interleukine 2 (IL‑2), dans des cancers du rein avancés ou des mélanomes métastatiques.
Un autre moyen de stimuler la réponse immunitaire globale est l’utilisation de vaccins, notamment celle du BCG (vaccin antituberculeux). Son administration à des patients atteints de cancer de la vessie est associée à une réponse antitumorale prolongée. Le BCG possède une indication contre ce cancer en tant qu’agent thérapeutique.
Bloquer des signaux tumoraux spécifiques
Des anticorps monoclonaux sont conçus pour se fixer sur des récepteurs spécifiques présents à la surface des cellules tumorales ou de leur microenvironnement, inhibant ainsi leur activité. Dans les cancers hématologiques, l’une des principales cibles est la protéine CD20. Dans les tumeurs solides, la protéine HER2 est ciblée par plusieurs anticorps monoclonaux qui conduisent ainsi à l’inhibition de la croissance tumorale.
Les inhibiteurs de “checkpoints” immunitaires lèvent les mécanismes d’inhibition du système immunitaire induits par la tumeur. Certains anticorps monoclonaux sont appelés inhibiteurs de “checkpoints” immunitaires ou immunomodulateurs. Ils rétablissent les réponses immunitaires dans certains cancers.
Armer le système immunitaire contre la tumeur
La thérapie cellulaire consiste à modifier génétiquement des cellules immunitaires du malade pour les armer contre la tumeur. Les cellules CAR-T sont prélevées dans le sang du patient et modifiées in vitro pour les conduire à exprimer à leur surface des récepteurs spécifiques, qui reconnaissent un antigène tumoral. Une fois modifiées, ces cellules appelées CAR-T sont réinjectées dans l’organisme du patient où elles partent détruire les cellules cancéreuses.
Les enjeux de la recherche
Beaucoup de travail reste à effectuer pour comprendre les mécanismes de l’immunité antitumorale. De nouveaux récepteurs sont régulièrement identifiés à la surface des cellules immunitaires, capables de les inhiber ou au contraire de les activer en réponse à différents signaux. L’objectif est de comprendre toutes les étapes de ces cascades biologiques afin de pouvoir les utiliser pour développer de nouveaux médicaments d’immunothérapie.
Des recherches sont également en cours pour prédire la réponse aux immunomodulateurs et identifier des facteurs prédictifs de la réponse à ces traitements. L’intelligence artificielle est utilisée pour découvrir des signatures biologiques et analyser des images de scanner, afin de prédire l’efficacité des immunothérapies.
En conclusion, l’immunothérapie des cancers représente une véritable révolution dans le traitement du cancer. Les avancées scientifiques et les recherches en cours permettent d’envisager de nouvelles approches thérapeutiques qui pourraient transformer la prise en charge des patients atteints de cancer.