Jacques Higelin, l’un des artistes les plus emblématiques de la scène française, célèbre cette année ses 75 ans. Sa carrière a pris son envol en 1974 avec son légendaire album “BBH 75”. Avant cela, il avait déjà collaboré avec des artistes tels que Brigitte Fontaine et Areski, ainsi que sorti un album solo intitulé “Jacques Crabouif Higelin” en 1971. Mais c’est avec Charles Bennaroch à la batterie et Simon Boissezon aux guitares que Higelin a vraiment affirmé son style unique et schizophrène.
D’un côté, on retrouve chez Higelin une folie sûre, une radicalité parfois effrayante, un goût pour la marginalité. De l’autre côté, il y a une fantaisie légère, naïve, presque enfantine. Ses titres comme “Mona Lisa Klaxon”, “Est-ce que ma guitare est un fusil ?” et “Paris-New York, New York-Paris” sont des éclats de voix où Higelin hurle, crie, accompagné d’instrumentistes osant des sons sales, embarqués dans leur improvisation, vibrant et fiévreux comme un orgasme ou une explosion.
Higelin ne chante pas, il chantonne et crie, cherchant toujours la puissance, l’originalité et même la transcendance dans ses performances. Il affirme son talent de parolier pianiste, autant écrivain que musicien. Sa musique est plus que de simples chansons, ce sont de véritables histoires musicalement illustrées. Son album “Champagne pour tout le monde” (1979) en est un exemple avec des morceaux mis en scène, une attention portée au climat et une énigmatique chanson intitulée “Le Minimum”.
Jacques Higelin est également reconnu pour ses concerts live où il laisse libre cours à sa créativité. C’est sur scène que tout prend vie, que quelque chose d’unique se produit. Impossible d’oublier l’ouverture décontractée de son album live “Live à Mogador” (1981) avec sa célèbre réplique “Qui est-ce qui a foutu de la flotte sur mon piano ?”. Higelin transforme également ses chansons en de véritables œuvres d’art, comme en témoigne sa relecture de “Je veux cette fille” en version live, qui passe d’un rock basique de deux minutes quarante à une interprétation de seize minutes autour du sort d’une vieille pute dans un bar.
Au fil des années, Higelin évolue vers un style musical plus commercial, notamment avec son album “Tombé du ciel” (1988) qui reflète le son de la fin des années 80. Cependant, le chanteur Jekyll prend progressivement le pas sur le performeur Hyde. Des albums comme “Illicite” (1991) et “Aux héros de la voltige” (1994) renouent avec une certaine idée de l’improvisation et des rythmes hypnotiques.
Tout au long de sa carrière, Jacques Higelin a su s’entourer de musiciens talentueux et a toujours été en quête de nouvelles expériences musicales. Son style a évolué au fil des années, naviguant entre des sonorités mondiales, synthétiques, folk ou encore jazz. Son talent d’interprète lui a permis de rendre hommage à des icônes comme Charles Trenet avec l’album “Higelin enchante Trenet” en 2005.
Aujourd’hui, Jacques Higelin nous offre son dernier album, “Higelin 75” (2016), une véritable conclusion à une carrière aussi riche qu’originale. Comme il le disait lui-même, il n’est peut-être pas un héros, mais il possède en lui une solide dose de plaisir de vivre depuis son enfance, qu’il a su partager avec son public tout au long de sa carrière.
Jacques Higelin restera à jamais un artiste hors normes, un poète de la scène, dont la voix et la musique continueront de résonner dans nos cœurs.