C’est un petit logo que vous avez certainement déjà remarqué piqué sur une doudoune: un petit personnage de profil sur un scooter qui porte lui-même une doudoune, le tout souligné des lettres JOTT pour “Just Over The Top”. Si vous ne l’avez pas encore vu, vous n’allez pas y échapper longtemps. Car cette marque française basée à Marseille fait un véritable carton depuis quelques années. “C’est incroyable, nous doublons nos ventes chaque année”, nous confie Nicolas Gourdikian, le co-fondateur de cette entreprise avec son cousin.
Une marque de doudounes marseillaise qui séduit la France entière
Et paradoxalement c’est au bord de la Méditerranée, là où le climat est le plus doux, qu’est née cette marque de doudounes dont raffolent les Français. Ses créateurs sont deux cousins marseillais, Nicolas et Mathieu Gourdikian. Ces descendants d’une famille d’entrepreneurs du prêt-à-porter (la famille a lancé les marques Presto et Rewash) ont exploré différents domaines textiles avant de frapper un grand coup. “En 2009, nous avions lancé une marque de maillots de bain mais ça a été un échec, admet honnêtement Nicolas Gourdikian. Mais grâce à nos voyages, nous avions en tête de créer une marque de doudounes nomades ultra-légères, un produit qui n’existait pas encore en France à l’époque.” Leur objectif était de faire de ce vêtement d’hiver dédié au sport un produit urbain, design et coloré.
Fort de leur carnet d’adresses familial, les deux cousins, vingt-quelques années à l’époque, se rendent donc en Chine à la recherche d’une usine pour produire les premiers modèles. Pour le nom de la marque, ils optent pour Just Over The Top, une phrase qu’ils se répètent souvent. “On se chamaille beaucoup, il me dit “je suis au top”, et moi je lui réponds “je suis just over the top””, confie Nicolas Gourdikian. Ils choisissent ensuite un bonhomme sur un scooter comme logo, pour son côté nomade et parce que c’est ainsi qu’ils se déplacent dans Marseille.
Des débuts non sans embûches
Conçues et dessinées à Marseille, les doudounes sont fabriquées en Chine, dans la région de Shanghai. Une dizaine d’usines travaillent aujourd’hui avec JOTT, dont certaines sont “presque exclusivement dédiées à notre marque”, affirment les fondateurs. Présentée pour la première fois en 2010 lors d’un salon textile parisien, la doudoune JOTT connaît un succès fulgurant. “Le mannequin qui portait notre doudoune a été pris d’assaut, nous en avons vendu 10 000 la première année”, explique Nicolas Gourdikian.
À cette époque, il s’agit de l’une des premières doudounes ultra-légères sur le marché français. Uniqlo, le géant japonais spécialisé dans ce type de vêtement, n’était quasiment pas présent en France. Les détaillants indépendants qui proposent plusieurs marques de vêtements veulent tous ajouter des doudounes à leur offre, un produit qui commence à faire fureur en France. Surtout que la doudoune JOTT se positionne plutôt sur le créneau haut de gamme. Vendue initialement à 145 euros (160 aujourd’hui), elle offre une bonne marge aux revendeurs. “Nous pourrions fabriquer des produits deux fois moins chers, mais ce n’est pas notre objectif”, explique le fondateur. Par exemple, le duvet qui compose 90% du garnissage de la doudoune coûte 60 euros le kilo, alors qu’il est possible de trouver une qualité inférieure à 20 euros.
Bien que le succès soit immédiat, les premiers retours ne sont pas toujours positifs. Certains clients se plaignent notamment que les plumes s’échappent de la veste. En effet, contrairement aux autres doudounes, les modèles ultra-légers ne disposent pas de sac intérieur pour contenir les plumes et le duvet, ce qui les rend moins hermétiques. “Mais nous avons amélioré le produit en développant une cire pour éviter que la doudoune ne perde ses plumes”, explique Nicolas Gourdikian.
Les célébrités s’arrachent les doudounes JOTT
Ces petits couacs initiaux n’empêchent pas les ventes de décoller. Les clients sont séduits par les nombreux coloris disponibles (jusqu’à 26), la coupe près du corps et le logo sympathique de la marque. Malins, les responsables de JOTT n’hésitent pas à offrir des doudounes à des célébrités qu’ils croisent. “Ma cousine a un jour vu Kad Merad dans un restaurant et elle est allée lui donner quelques doudounes”, raconte Nicolas Gourdikian. Suivront Kev Adams, l’humoriste Patrick Bosso, l’ancien footballeur Eric DiMeco et même Cyril Hanouna, dont la styliste a un jour contacté la marque pour commander une série de doudounes.
La marque bénéficie ainsi d’une bonne exposition médiatique, et le bouche-à-oreille commence à faire effet. À Marseille et dans les environs, JOTT devient un nom générique pour désigner les doudounes. Puis la marque s’étend dans toute la France, où des milliers de détaillants commencent à la proposer. Le produit et le logo plaisent, et de plus en plus de personnes partagent des photos sur les réseaux sociaux. “Un jour, nous avons cherché le hashtag #JOTT sur Instagram, et nous avons trouvé des milliers de photos”, raconte Blandine Holuigue, responsable de la communication. La marque essaie de fédérer cette communauté active en organisant des jeux-concours (comme le JOTTtrotteur, permettant de gagner un tour du monde, qui sera lancé en avril), en recrutant des mannequins amateurs parmi ses clients (600 candidatures ont été reçues) et même en proposant aux fans de concevoir leur doudoune idéale. Un jury sélectionnera les deux meilleurs designs, et ces doudounes seront disponibles en édition limitée l’hiver prochain.
Des boutiques à l’ambiance unique
Ces initiatives originales renforcent la marque et stimulent les ventes. Après une année 2014 où JOTT a vendu 250 000 doudounes, la marque décide de passer à la vitesse supérieure en ouvrant une première boutique dans le centre commercial “Les Terrasses du Port” à Marseille. Ils ont travaillé avec un cabinet de design pour créer une ambiance à la manière de Nespresso, avec des murs tapissés de sacs de doudounes colorées.
Cependant, les propriétaires de JOTT réalisent rapidement que leur emplacement se trouve en face du magasin Uniqlo du centre commercial. “Nous avions extrêmement peur au début, mais désormais c’est eux qui ont peur”, affirme en riant Nicolas Gourdikian. En effet, à Marseille, Uniqlo ne vend pas une seule doudoune ! Après la première boutique, d’autres ont suivi, à Brest puis à Aix-en-Provence. Le rythme s’accélère. Et pour accompagner ce développement, l’entreprise recrute Daniel Barbier, ancien directeur commercial de la marque Diesel.
La marque se développe ensuite en franchise et ouvre 20 magasins en 2016, dont une première boutique à l’étranger, à Munich. Cette année-là, JOTT établit un nouveau record avec plus d’un million de doudounes vendues, dont 700 000 en France. La marque est également présente chez des revendeurs en Espagne, au Bénélux et en Allemagne.
Avec déjà 27 boutiques à son actif, le groupe ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. 30 nouvelles ouvertures sont déjà prévues pour 2017, dont 2 à Paris l’été prochain, mais aussi à Barcelone, Bruxelles et Milan. “Notre objectif pour 2018, c’est New York”, confie Nicolas Gourdikian.
Un succès qui fait des envieux
Un tel succès suscite inévitablement des convoitises, principalement de la part des grands sites de vente en ligne de prêt-à-porter. “Chaque année, Zalando vient nous voir pour essayer de nous convaincre de travailler avec eux, mais nous refusons. Ils nous traitent de fous”, raconte Nicolas Gourdikian en riant. En effet, la marque ne veut pas prendre le risque de voir ses produits bradés sur ces sites, ce qui mettrait ses revendeurs dans une situation difficile. “Nous ne voulons pas participer à cette compétition, explique le fondateur. Nos distributeurs ne pourraient pas rivaliser, et ils ne vendraient plus une seule doudoune”.
Pour maintenir son activité pendant l’été, JOTT cherche depuis quelques mois à élargir sa gamme avec d’autres produits. La marque propose désormais des polos, des imperméables, des casquettes, des sacs et même des lunettes. Ces produits accessoires représentent désormais 25% du chiffre d’affaires, qui devrait atteindre près de 50 millions d’euros en 2016. Pour l’été prochain, JOTT s’est associée à Armor Lux, spécialiste français des marinières, pour proposer des t-shirts et des doudounes aux couleurs des fameux pulls rayés.
À cette occasion, un nouveau logo a été créé, représentant le petit bonhomme non plus sur son scooter, mais sur une planche à voile. Après avoir battu son record d’un million de doudounes vendues l’année dernière, la marque vise encore plus haut en atteignant 1,5 million en 2017. “Nous comptons bien battre nos propres records pendant longtemps”, affirme Nicolas Gourdikian. “Just over the top”, c’est ce qui est écrit sur l’étiquette de la marque.