L’histoire de la Bolloré Bluecar, annoncée comme une révolution avec ses supercondensateurs et ses panneaux solaires sur le capot, jusqu’à sa vente à prix cassés sur le marché de l’occasion, illustre ce que nous ne souhaitons plus voir dans le domaine des voitures électriques.
VBE1
La VBE1, ou Blue Car 1, était une petite voiture étonnante, avec une apparence sympathique, une autonomie de 250 kilomètres, un intérieur en cuir et des batteries garanties pour ne pas surchauffer. Lors de sa présentation à Genève en 2005, elle était réellement bleue, comme son nom l’indique, avec une belle teinte métallisée qui se mariait parfaitement avec son intérieur clair.
À cette époque, le marché des voitures électriques était en difficulté. PSA et Renault abandonnaient leurs modèles à batterie nickel-cadmium, qui ne disposaient même pas d’une autonomie de 100 kilomètres.
Les pionniers de l’électromobilité plaçaient de grands espoirs dans les projets présentés entre 2005 et 2012 par des entreprises moins connues que les grands constructeurs automobiles. Parmi eux se trouvaient Heuliez avec sa Friendly, qui deviendra la Mia, et SVE avec ses Cleanova développées à partir des Renault Kangoo et Scenic. Ce dernier modèle est d’ailleurs devenu l’un des symboles du Grenelle de l’environnement, avec un exemplaire utilisé par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Écologie. Bien sûr, la célèbre Blue Car de Bolloré faisait également partie de cette liste.
De Matra… à Pininfarina
La VBE1 a hérité de la disposition à trois places à l’avant, tout comme les Bagheera et Murena, qui ont été conçues par Philippe Guédon chez le constructeur de Romorantin.
Sa ligne, dessinée par Guédon, donnait à la Blue Car 1 une apparence aussi agréable que celle des Renault 5 et de la première Twingo, sur une carrosserie polyvalente idéale pour une utilisation quotidienne en milieu urbain, avec la possibilité de s’évader le week-end grâce à son autonomie de 250 kilomètres. Le concept VBE1 bénéficiait alors d’une grande sympathie, qui ne se retrouvera malheureusement pas sur le modèle de série.
Finalement, Bolloré a confié à Pininfarina le soin de redessiner la Blue Car. On promettait toujours un intérieur en cuir, “identique à celui que l’on trouve à bord des Ferrari”.
Pour le célèbre carrossier italien, c’était une occasion en or, car ses propres études sur une petite voiture électrique, soit en version purement électrique, soit en version hybride, n’avaient pas eu de suite commerciale à la fin de la première décennie du XXIe siècle. La future Blue Car était donc présentée comme un modèle haut de gamme bientôt disponible.
En plus des supercondensateurs qui permettraient de récupérer plus d’énergie au freinage pour les restituer lors de l’accélération, afin de préserver les batteries, la citadine branchée était équipée de panneaux solaires sur sa calandre. Malheureusement, ces derniers ne seront pas conservés sur les modèles de série.
La Blue Car est alors devenue la Bluecar, avec un design plus moderne, plus agressif, mais finalement plus ordinaire.
Une expérience mitigée
Dans l’ensemble, la Bluecar commercialisée n’était pas une voiture désagréable à conduire. Elle était plutôt réactive, comme le sont généralement les voitures électriques, et offrait une bonne tenue de route. Cependant, le groupe motopropulseur était relativement bruyant, avec un sifflement qui accompagnait fidèlement les variations du régime moteur.
Avec des commandes et des garnitures bon marché, la petite citadine de Bolloré était devenue une voiture banale, sans passion. La seule envie que l’on ressentait au volant était d’arriver rapidement à destination. Cela était d’autant plus flagrant lorsque l’on essayait ensuite une Citroën C-Zero, une Renault Zoé, une Smart ED, une Volkswagen e-up!, concurrentes directes de la Bluecar.
Cette dernière, ainsi que ses dérivés Bluesummer et Citroën E-Méhari, sont considérées comme les pires voitures électriques européennes produites en série au cours de la deuxième décennie du XXIe siècle.
Une mauvaise image pour les voitures électriques
Pour vendre cette petite voiture électrique en dehors du marché traditionnel, Bolloré a trouvé un débouché dans les services d’autopartage, tels qu’Autolib’ à Paris. Dans leur philosophie, ces services sont des modèles à suivre pour une mobilité durable, permettant aux citadins de se passer de voiture individuelle. Leurs déclinaisons en scooters, vélos et trottinettes sont d’ailleurs particulièrement efficaces.
Cependant, la Blue Car souffrait d’un problème : sa fameuse batterie au lithium-métal polymère (LMP) nécessitait d’être maintenue à une température légèrement supérieure à 60°C. Ainsi, le pack était branché lorsque la voiture restait immobilisée pendant plus ou moins longtemps, ce qui entraînait une consommation d’électricité supplémentaire sur le réseau, semblant être un gaspillage.
Cette particularité a été utilisée par Stéphane Lhomme, de l’Observatoire du nucléaire, pour développer sa croisade contre les voitures électriques. Aujourd’hui encore, des câbles de recharge de voitures électriques et hybrides rechargeables sont débranchés ou coupés dans les grandes villes, en prolongement absurde et aveugle de cette action. Qui débrancherait ou couperait des tuyaux de pompes à essence en raison de l’impact de l’industrie pétrolière sur l’environnement et la santé publique ?
Les limites des batteries LMP
Pour un particulier, les contraintes liées aux batteries LMP sont trop importantes, à moins d’une utilisation quotidienne importante, tous les jours de la semaine. On peut déjà imaginer le nombre d’automobilistes déçus par les offres de vente à prix cassés de la Bluecar d’occasion. Ces personnes risquent, à terme, de critiquer indistinctement tous les véhicules électriques.
Le mode hivernage pourrait éventuellement rendre les citadines électriques de Bolloré et leurs dérivés intéressants pour des voitures utilisées seulement quelques semaines par an, généralement garées dans le garage d’une résidence secondaire. Cependant, cela serait possible uniquement si les batteries au lithium ne se détérioraient pas avec le temps. L’industriel breton communique peu sur les caractéristiques des cellules LMP et n’a peut-être pas encore assez de recul sur leur dégradation à long terme.
Il est clair que les batteries LMP peuvent néanmoins être exploitées de manière plus efficace dans les flottes de véhicules, en particulier dans les transports en commun.
Dans les bus et les tramways
Afin d’écouler ses batteries LMP, pour lesquelles il a réalisé d’importants investissements, Bolloré a cherché divers débouchés, notamment sur le marché des bus et des tramways électriques.
Dans ce contexte, il est difficile de dire si cette technologie de cellules est viable et intéressante à long terme. Les Bluebus ont déjà obtenu des commandes importantes après des essais en conditions réelles, en concurrence avec d’autres modèles. Bolloré a récemment été choisi, aux côtés de HeuliezBus et Alstom, pour contribuer à l’électrification partielle de la flotte de bus de la RATP. Espérons que l’offre de l’industriel breton sera à la hauteur de cette exigence.
Serait-il intéressant et instructif que la RATP partage des comparaisons de consommation entre les Bluebus et les bus des deux autres constructeurs français ? Par exemple, après une année d’exploitation des premiers exemplaires en service, choisis dans le cadre de l’appel d’offres lancé en janvier 2018.
Il est important de noter que la consommation d’un bus électrique ne dépend pas uniquement de la chimie des cellules, mais également de l’ensemble du système de transmission, ainsi que d’autres facteurs.