La cancel culture : quand les réseaux sociaux deviennent des tribunaux populaires

La cancel culture : quand les réseaux sociaux deviennent des tribunaux populaires

Cancel Culture

Alors que les réseaux sociaux devaient permettre à tous de se faire entendre, ils sont devenus des lieux où la peur de s’exprimer règne. Dans son livre “Annulé(e)”, la journaliste Judith Lussier explore cette cancel culture qui peut détruire des réputations, faire perdre des emplois et exclure socialement. Mais comment mettre un frein à ces dérives ?

Qu’est-ce que la cancel culture ?

La cancel culture, ou culture du bannissement en français, consiste à exclure des personnes, des œuvres, des idées ou même des monuments historiques de l’espace public, car ils ne correspondent pas à certaines valeurs. On associe souvent ce phénomène aux militants “wokes” qui militeraient pour l’annulation de spectacles ou l’interdiction de mots pouvant heurter leur sensibilité de néoprogressistes. Cependant, il ne s’agit pas uniquement d’une pratique de la gauche, car la droite peut également bannir des idées ou des personnes. Par exemple, l’entrepreneure et chroniqueuse québécoise Carla Beauvais a été victime d’une violente campagne d’intimidation en ligne menée par des commentateurs de droite influents. Ces derniers se sont moqués d’une application qu’elle avait cofondée, qui avait pour but de promouvoir les entreprises dirigées par des personnes noires.

Une culture du bannissement de tous les temps

Si le dictionnaire américain Merriam-Webster a récemment actualisé la définition du mot “cancel” pour inclure ce phénomène social, il est important de souligner que l’ostracisme existe depuis longtemps. On peut par exemple considérer que la Révolution française ou les chasses aux sorcières étaient des formes de cancel culture. Les réseaux sociaux ont toutefois amplifié ce phénomène. En effet, les tribunaux populaires se forment plus rapidement et les réactions sont immédiates. De plus, il semblerait que l’architecture même des plateformes favorise la polarisation des débats. Les algorithmes privilégient souvent la diffusion d’affirmations spectaculaires mais peu nuancées, car elles génèrent plus de trafic et donc plus de revenus pour les entreprises. Malheureusement, ces outils ne permettent pas d’exprimer toute la complexité de notre pensée.

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Une prise de conscience surprenante

Lors de mes recherches pour le livre “Annulé(e)”, j’ai été ébranlée par mes découvertes. J’avais d’abord l’hypothèse que la cancel culture n’existait pas, qu’elle était une stratégie de la droite pour discréditer les militants de la nouvelle gauche en les accusant à tort de vouloir censurer les gens. Cependant, en analysant de près les incidents médiatisés, j’ai réalisé que ce n’étaient pas toujours les militants “wokes” qui demandaient l’annulation de quelque chose. Souvent, c’était une organisation ou une entreprise impliquée dans la controverse qui prenait la décision. Les informations sont souvent déformées, et la gauche en paie les conséquences. Cela cause beaucoup de tort aux militants de gauche, qui proviennent souvent de communautés déjà marginalisées. La culture du bannissement existe bel et bien et c’est un problème complexe auquel nous participons tous, peu importe nos idéologies.

Les médias doivent aussi s’interroger

Les médias contribuent à exagérer les histoires. Par exemple, le changement de nom du jouet Monsieur Patate de Hasbro a été amplifié de manière sensationnaliste par les médias. Hasbro avait simplement décidé de changer le nom de sa marque pour Potato Head afin de l’inclure davantage, car le jouet Madame Patate était vendu sous le nom de Monsieur Patate. Cependant, les titres des articles ont créé la polémique et ont été utilisés par la droite pour critiquer la gauche. Les médias sont vulnérables sur le plan financier, et certains cèdent à la tentation du titre sensationnaliste pour des raisons de rentabilité. Malheureusement, ces décisions ont des conséquences négatives sur la perception des groupes minoritaires, comme la communauté LGBTQ+, qui ont été accusés de vouloir imposer leurs préoccupations. Il est important d’être plus responsable dans la manière dont nous traitons ces sujets.

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La gauche face à elle-même

La conversation avec Josiane Stratis, fondatrice de Ton petit look et TPL Moms, m’a énormément marquée. Ces blogueuses prônant la justice sociale ont soutenu le mouvement #moiaussi. Cependant, lors de l’été 2020, elles ont été accusées d’abus de pouvoir et de racisme par d’anciennes collaboratrices. Malgré leurs excuses publiques, les membres de leur entourage ont été menacés, parfois gravement. La gauche est intransigeante envers elle-même. Les militants peuvent se “cancel” mutuellement, victimes d’une tyrannie de la cohérence. Si quelqu’un se présente comme étant sensible aux inégalités sociales, on le jugera sévèrement à la moindre erreur. Il est essentiel de comprendre que nous n’évoluons pas tous au même rythme. Les réseaux sociaux nous obligent à prendre conscience plus rapidement des formes d’oppression auxquelles nous n’avions même pas pensé. Avec toutes les nouvelles injonctions, il est normal de se sentir déstabilisé.

Un appel à la discussion plutôt qu’à l’exclusion

Il n’est pas constructif de bannir une personne pour des propos maladroits ou discriminatoires. Nous devons miser sur la réparation et le dialogue plutôt que sur la punition. Il est essentiel de prendre le temps de discuter avec des personnes qui ont des opinions opposées aux nôtres. Nous devons tous faire preuve d’empathie et comprendre que les réseaux sociaux sont encore récents dans nos vies. Nous apprenons encore à communiquer avec ces outils qui ne sont pas réglementés. Prêchons par l’exemple, tant dans notre vie personnelle que publique. Même moi, j’ai déjà eu des échanges en ligne empreints d’émotion, je suis tombée dans le piège de l’agressivité. Il est normal d’apprendre à communiquer avec ces outils et nous avons tous besoin d’empathie pour y parvenir.

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