L’essor des voitures électriques trouve sa voie en Corse. Un chiffre suffit à le démontrer : 47%. Il s’agit de la croissance des immatriculations de véhicules électriques pour les particuliers sur l’île en 2022, contre 26% sur le territoire national. Hervé Bastanti, responsable des ventes chez Peugeot à Biguglia, remarque : “C’est un marché en pleine expansion. Ce segment représente environ 20% de nos transactions. Malgré un coût d’achat élevé, il y a une dynamique”.
Ce constat est partagé par d’autres professionnels de l’automobile. Alors que l’île accusait un retard dans le domaine des véhicules électriques ces dernières années, la tendance est clairement à la hausse depuis plusieurs mois. Les chiffres du ministère de la Transition écologique montrent que l’île compte environ 5 500 véhicules électriques fin 2022, soit 16 véhicules “propres” pour 1 000 habitants, contre 9 en moyenne nationale. La Corse occupe donc la première place du podium des véhicules électriques, devant la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Le dénivelé, un avantage certain
Cette croissance n’est pas le fruit du hasard. Les professionnels du secteur avancent plusieurs raisons pour expliquer ce phénomène. Tout d’abord, les prix des carburants sont plus élevés en Corse qu’ailleurs. Malgré des taxes moins élevées pour compenser les coûts liés à l’insularité (avec une TVA dérogatoire à 13% contre 20% sur le continent), les Corses paient plus cher leurs carburants. Une étude de l’Autorité de la concurrence a même révélé un écart significatif : en moyenne, +6,7% pour le gazole et +5,3% pour le SP95. Ces hausses récentes, surtout dans une île où la voiture est un compagnon du quotidien avec un budget de déplacement supérieur d’un tiers à la moyenne nationale selon l’Insee, ont certainement contribué à la conversion vers les véhicules électriques.
La diversification de l’offre, les bonus écologiques de l’État et les incitations fiscales ont également beaucoup aidé au développement du marché des véhicules électriques en France. Hervé Bastanti souligne : “En raison de la taille de l’île, la Corse est propice à l’utilisation de ces véhicules. L’autonomie des nouveaux modèles électriques est suffisante pour les déplacements quotidiens, sans avoir besoin de recharger en cours de route, et le dénivelé des routes favorise également le système de régénération pour préserver les batteries”. Cependant, la consommation des automobilistes corses ne suffit pas à expliquer cette croissance fulgurante du marché.
La part importante des loueurs contribue aux statistiques
Cette position de leader est en grande partie due à la politique des agences de location, un secteur qui pèse lourd en Corse par rapport aux autres régions, en raison de l’activité touristique, de l’insularité et de la faiblesse des réseaux de transport. Ce facteur a un impact significatif sur les statistiques : sur les 2 390 véhicules électriques immatriculés sur l’île en 2022, plus d’un millier ont été acquis par des loueurs. Au sein de l’agence Hertz, par exemple, ces véhicules représentent plus de 40% de la flotte. Gilles Filippi, dirigeant de la société Filippi-Auto, représentante de l’enseigne en Corse, déclare : “Depuis trois ans, nous proposons de plus en plus de véhicules décarbonés, bien au-delà de ce que la loi nous impose. Le manque de bornes de recharge était un frein au développement des véhicules électriques en Corse. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous avons beaucoup investi pour renforcer le réseau, ce qui a rassuré les clients quant à la crainte de tomber en panne”.
Il y a deux ans seulement, la Corse était la région la moins bien équipée de bornes de recharge en France, au point de décourager certains touristes sur la route des vacances, fatigués de chercher des bornes de recharge insuffisamment nombreuses. Depuis lors, les choses ont changé : la société Filippi-Auto, via sa filiale E-motum, a investi 2 millions d’euros pour installer 240 points de charge rapide à travers l’île et accompagner la transition vers les véhicules électriques. De plus, environ 170 bornes publiques sont référencées sur le site chargemap.com. Bien que le réseau se soit considérablement développé, tout comme en France où le nombre de bornes de recharge publiques vient de franchir la barre symbolique des 100 000, le déploiement reste en deçà des objectifs fixés par le pouvoir politique corse. La programmation pluriannuelle de l’énergie, adoptée en 2015 par l’Assemblée de Corse, prévoyait la création de 700 bornes de recharge publiques d’ici 2023.
