La voiture électrique est souvent considérée comme l’un des piliers de la transition écologique. Cependant, une question se pose : si son adoption se généralise, allons-nous dépasser nos capacités de production d’électricité ?
La voiture électrique soulève de nombreuses interrogations et controverses. Ces dernières années, on s’est demandé si elle était vraiment aussi écologique qu’on le prétendait. On a également abordé des sujets tels que l’impact environnemental des batteries, la question des métaux utilisés et leur recyclage.
Mais la consommation électrique est également une préoccupation majeure liée au développement des véhicules électriques. Si de plus en plus de Français optent pour la voiture électrique, risquons-nous de nous retrouver dans une situation où nous aurons besoin d’une quantité d’électricité supérieure à notre capacité de production ? Essayons de comprendre.
Vers une augmentation de la consommation électrique en France
Le problème est simple en théorie : en remplaçant les voitures thermiques par des voitures électriques, nous aurons besoin de plus d’électricité pour alimenter ces véhicules. Un véhicule électrique consomme entre 15 et 20 kWh d’électricité tous les 100 km. Imaginons le nombre de véhicules électriques parcourant des milliers de kilomètres chaque année, cela pourrait finir par représenter une part importante de notre production annuelle d’électricité en France (environ 550 térawattheures, soit 550 milliards de kilowattheures).
À long terme, il est même possible que nous ne produisions pas suffisamment d’électricité pour alimenter tous les véhicules électriques en plus de nos autres besoins, ou que nous devions recourir à de nouvelles sources de production d’électricité pour répondre à cette demande croissante.
RTE, l’opérateur du réseau électrique français, a étudié cette question dans son Bilan Prévisionnel de 2017. Ses résultats sont publiés dans la Note de Synthèse “Enjeux du développement de l’électromobilité pour le système électrique” de mai 2019. Pour estimer la quantité d’électricité nécessaire pour alimenter les véhicules électriques dans les années à venir, RTE a dû :
- Estimer le nombre de véhicules électriques en circulation à l’avenir (en 2035).
- Évaluer le nombre de kilomètres parcourus chaque année par ces véhicules électriques.
- Estimer la quantité d’électricité consommée par ces véhicules pour parcourir ces distances.
Selon les estimations de RTE, il pourrait y avoir jusqu’à 15,6 millions de véhicules électriques en France d’ici 2035. Si chaque véhicule parcourt en moyenne 14 000 kilomètres par an (environ la distance parcourue en moyenne par un automobiliste français aujourd’hui) avec une consommation de 18 kWh / 100 km, il faudrait environ 40 térawattheures d’électricité pour alimenter les véhicules électriques français en 2035.
Pas de problème majeur pour la production d’électricité en France
Mais que représente réellement cette consommation de 40 térawattheures ? Cela équivaut à environ 7,5 à 8% des 550 térawattheures d’électricité produits chaque année en France. Ce n’est donc pas énorme. En fait, c’est à peine l’équivalent de l’excédent d’électricité que nous exportons, moins les importations.
En d’autres termes, si nous ne considérons que la production globale d’électricité, la France est déjà en mesure de produire suffisamment d’électricité pour alimenter environ 15,6 millions de véhicules électriques.
C’est pourquoi RTE conclut que le système électrique français peut “accueillir jusqu’à 15 millions de véhicules électriques d’ici 2035 sans difficulté majeure”.
Cependant, il ne faut pas seulement prendre en compte la production globale d’électricité, mais également les appels de puissance, c’est-à-dire la quantité d’énergie que le système est capable de fournir à un moment précis. En effet, le réseau électrique doit être en mesure de répondre à la demande en énergie en temps réel.
Concrètement, en France, il y a un “pic de consommation” électrique chaque début de soirée, lorsque les Français rentrent chez eux et allument le chauffage, les appareils électroménagers et l’éclairage. Si nous ajoutons à ces consommations la possibilité de brancher un véhicule électrique sur le réseau, cela peut augmenter encore plus l’appel de puissance et potentiellement poser des problèmes de stabilité du réseau.
Gestion des pics de consommation et des appels de puissance électrique
Il faut donc veiller à ce que tous les véhicules électriques ne se rechargent pas simultanément, en particulier pendant les périodes de pics de demande d’électricité.
RTE précise d’ailleurs : “un point de vigilance était identifié sur la maîtrise de la pointe du soir en hiver, mais la faculté à absorber une flotte massive de véhicules électriques semble attestée dès lors que des solutions simples de pilotage sont mises en place pour une partie du parc de véhicules électriques”.
Plusieurs solutions peuvent être envisagées : permettre aux utilisateurs de recharger leur véhicule non seulement à leur domicile, mais aussi dans d’autres endroits du territoire. Ainsi, une personne se rendant au travail en véhicule électrique pourrait recharger sa voiture sur son lieu de stationnement pendant la journée, ce qui évite d’avoir à recharger la nuit chez soi. Des systèmes de tarification différenciée selon les heures de faible consommation peuvent également être mis en place, afin de permettre aux véhicules de se recharger automatiquement pendant les périodes de moindre demande d’électricité (sur le même modèle que les tarifs heures pleines/heures creuses appliqués à l’eau chaude sanitaire).
Il est donc crucial de mettre en place un système de recharge qui permette de gérer la demande et d’éviter la saturation du réseau. RTE estime que si moins de 55% de la recharge est gérée par un système de pilotage, des contraintes techniques pourraient peser sur le réseau en raison de l’appel de puissance.
Un problème gérable
En résumé, selon le gestionnaire du réseau électrique, la croissance des véhicules électriques ne pose pas de problème insurmontable en termes de consommation d’électricité.
L’excédent de consommation d’électricité causé par ces véhicules devrait être absorbé sans difficultés par les infrastructures actuelles, d’autant plus que de nombreuses infrastructures d’énergies renouvelables devraient être construites d’ici là. Cependant, il faut tenir compte de la question des appels de puissance et des pics de demande lors de l’expansion des véhicules électriques. Heureusement, cela semble être un défi tout à fait gérable.
Photo par John Cameron sur Unsplash