La fabuleuse collection de véhicules de la Gendarmerie nationale

La fabuleuse collection de véhicules de la Gendarmerie nationale

Ils sont noirs, kakis ou bleus. Certains nous sont familiers. D’autres moins. Leur particularité : tous ces véhicules ont servi sous les ordres de la Gendarmerie nationale. Que ce soit sur la route, dans les airs, dans les chemins creux, sur les pistes de ski ou sur l’eau. Aujourd’hui déclassés, ils composent la mémoire mécanique du musée de l’institution militaire.

Après une vie active particulièrement dense et parsemée d’anecdotes à remplir des missions variées, ce patrimoine roulant coule une retraite paisible en Seine-et-Marne. Alors que les motos sont conservées au musée de la Gendarmerie de Melun installé dans une ancienne caserne du XIXe siècle à la superbe façade, les voitures sont stockées à l’abri des regards, dans des bâtiments derrière le château de Fontainebleau.

En cumulant les deux sites qui ne sont pas ouverts au public, l’institution peut se flatter de posséder plus de cent cinquante véhicules. Depuis quelques années, elle a décidé qu’il était temps de préserver ce patrimoine mais également de le faire vivre et d’assurer son rayonnement. Cette collection raconte ainsi l’histoire de la Gendarmerie nationale à travers les époques et les décennies. On la doit à un lieutenant-colonel qui a eu l’idée en 1998 de sauver et de rassembler ces trésors.

La splendide façade du musée de la Gendarmerie nationale à Melun. Jérôme GROISARD / 2015MINT0679

Depuis 2017, le musée de la Gendarmerie nationale mène une politique de restauration et de conservation de ses différentes gammes de véhicules. Dans un souci d’exhaustivité, la collection a vocation à s’étoffer. Le lieutenant Christophe Da Silva, le directeur du musée de la Gendarmerie nationale, et ses hommes, ont identifié des carences dans la collection. Ils comptent bien y remédier.

Un fonds au service de la Gendarmerie

Pour cela, la Gendarmerie nationale et le musée peuvent s’appuyer sur le fonds de dotation pour le musée de la Gendarmerie nationale lancé à l’occasion de l’édition 2022 du salon Rétromobile. Cette structure indépendante et administrée par une équipe de réservistes citoyens bénévoles a pour mission principale d’accompagner le musée de la Gendarmerie nationale dans la conservation de son patrimoine mécanique. Florent Descatoire, son vice-président, nous a expliqué les raisons de la création de ce fonds : «La Gendarmerie nationale ne peut pas recevoir de subventions et de fonds en direct.»

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Autour de Jean Todt, ancien président de la Fia (Fédération Internationale de l’Automobile) nommé président d’honneur, ce fonds dispose de prestigieux fondateurs : l’Automobile Club de l’Ouest, Amaury Sport Organisation, la société qui organise le Dakar et le Tour de France, ainsi que la société de lubrifiants Motul très impliquée dans les sports mécaniques et le milieu des véhicules de collection. Quelques mécènes contribuent à cette structure dont Patrick Peter, l’organisateur du Tour Auto mais aussi du Mans Classic. Certains mécènes sont capables de faire un chèque de 50 000 euros. Florent Descatoire nous raconte que le fonds a pour missions principales «de contribuer à la conservation et à l’enrichissement des collections de l’institution militaire en finançant des programmes de restauration mais également à la mise en valeur de ce patrimoine. En corollaire, le fonds participe à la formation des jeunes en nouant des partenariats avec l’éducation nationale et les lycées professionnels dans le cadre de la restauration d’une voiture ou d’une moto.» Loin d’être figée, la mémoire mécanique de la Gendarmerie nationale est ainsi amenée à s’étendre.

Une collection éclectique

Le musée de la Gendarmerie nationale accueille une collection de motos d’une grande richesse. Florian GARCIA / 2021MINT0109

Signe de la richesse de cette collection, outre les motos, les voitures et les camions, un hélicoptère Alouette II de 1958 côtoie une motoneige mais également des chars et des camions. Le premier a commencé sa carrière en assistant les gendarmes lors de la rupture, le 2 décembre 1959, du barrage de Malpasset. Cette catastrophe, la plus grande qu’ait connue la France, qui fera déverser 50 millions de mètres cubes d’eau vers la mer, coûtera la vie à 423 personnes. Quant au skidoo Yamaha, il a servi lors des Jeux Olympiques d’hiver à Albertville en 1992. De leur côté, les chars sont des témoins de la période antérieure à la chute du mur de Berlin. Avant 1989, la défense opérationnelle du territoire nécessitait de disposer de ces matériels. Ceux qui ont vécu les événements de mai 1968 se souviennent certainement des Berliet GAK. Équipés de lance à eau et d’une citerne, ces camions étaient une composante essentielle du maintien de l’ordre.

À Fontainebleau, le véhicule le plus ancien est une Renault Juvaquatre. Chaque brigade reçoit au début des années cinquante un modèle de cette petite fourgonnette qui peut accueillir jusqu’à quatre gendarmes et qui s’équipe même d’un système radio. Au milieu des années cinquante, la Renault est progressivement remplacée par un break Peugeot 403. C’est le premier véhicule cinq portes à équiper les brigades départementales. Pouvant loger jusqu’à six gendarmes, ce break dispose d’une grande radio très performante qui permet de contacter la brigade, à condition d’être situé à proximité et de déployer la grande antenne en forme d’arc de cercle entre le capot avant et l’extrémité arrière du toit. Se succèdent ensuite des Simca Aronde puis des Renault 4 et des Estafette ornées du losange de la firme de Boulogne. Chaque véhicule répond à des missions bien précises.

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La Matra Djet a été le premier véhicule de la BRI en 1967. Jose ROCHA / 2018MINT0719

Avec la naissance des premières autoroutes, l’augmentation de la circulation et des infractions au Code de la route, la Gendarmerie nationale crée les brigades d’intervention rapide (BRI). En 1967, trois Matra Djet rejoignent cette nouvelle unité. À cette époque, les sportives françaises ne sont pas légion. À la demande de Jean-Luc Lagardère, le patron de Matra, le pilote Henri Pescarolo est chargé de former les premiers gendarmes désignés pour conduire ces petites sportives. Les Djet ne restent pas longtemps en fonction. Les bénéficiaires s’en plaignent. Les habitacles sont exigus pour deux gendarmes en tenue et l’été, ils se transforment en étuve en raison de la grande lunette arrière. Les Matra sont remplacées par des berlinette Alpine A110. «On en comptabilisera quatorze en service», dit le vice-président du fonds de dotation. Jusqu’à l’an dernier, aucune ne figurait dans les collections. «Une absence qu’il fallait absolument réparer», poursuit Florent Descatoire.

Un souci d’authenticité

«La solution de facilité aurait été d’acheter un véhicule à partir duquel serait réalisée une réplique conforme à l’époque. À l’instar du Louvre à qui il ne viendrait jamais à l’idée d’acheter un faux, nous sommes tombés d’accord pour acheter l’une des quatorze. Le fonds s’est ainsi mis en chasse de l’une de ces berlinettes pour l’offrir à la Gendarmerie nationale. Il nous a fallu reconstituer la liste des propriétaires.» Un travail de fourmi car toutes ces Alpine ont été vendues depuis longtemps. À force d’enquêtes, les hommes du fonds apprennent qu’il n’en reste que douze – deux ont été détruites – et que l’une d’entre elles serait à vendre. Devenue blanche mais complète et roulante, la voiture en question n’a pas quitté son garage de l’Essonne où elle est entreposée depuis 1991. Elle nécessite une restauration complète.

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La berlinette A110 acquise par le fonds de dotation pour la Gendarmerie nationale. Florent Descatoire

À l’issue de la vérification de son authenticité par des experts grâce notamment au numéro de châssis, le fonds l’a acquise en juin 2023. Tous passionnés, les hommes du fonds et de la gendarmerie ont même retrouvé l’un des gendarmes affectés à la fameuse berlinette au début des années soixante-dix. Surprise : l’Alpine 1600 S est comme au soir de sa dernière mission d’intervention. Elle a conservé ses sièges spécifiques permettant aux gendarmes de s’asseoir avec leurs équipements, son châssis course montagne, sa préparation moteur permettant de gagner quelques kilomètres heure et son équipement radio. Sa restauration a été confiée à Aurélien Letheux qui dirige le garage Meca Rétro Sport sur la route de Dieppe. Elle a débuté depuis le mois d’octobre mais la berlinette, sans doute désossée, sera l’une des vedettes du stand de la Gendarmerie nationale lors du salon Rétromobile en février prochain, à la porte de Versailles à Paris. Cette exposition est l’un des principaux rendez-vous de l’année de l’institution. Elle participe également aux 24 Heures du Mans, au Mans Classic mais également à la parade du Tour de France cycliste. En parallèle de la restauration de l’Alpine A110, le fonds de dotation poursuit la remise en état et l’enrichissement du patrimoine mécanique de la Gendarmerie. Alors qu’il vient de restaurer entièrement une Citroën CX 2400 GTi qui a servi à la BRI, il commence la réfection d’une Peugeot 405 Mi16. «Un mécène, à qui nous faisions visiter le hangar de Fontainebleau, s’est arrêté devant la berline sochalienne. La 405 avait été l’une de ses premières voitures. Il nous a donné 16 000 euros pour la restaurer.» Des histoires comme celle-ci, Florent Descatoire pourrait en raconter des dizaines. La preuve que l’automobile fait toujours rêver.

La prochaine mission du fonds ? Retrouver l’une des cinq Citroën SM qui a servi dans la BRI au début des années soixante-dix. Il ne resterait plus que trois exemplaires de ces coupés 2 + 2 achetés à l’époque en raison de leurs performances. Le moteur V6 Maserati assurait une vitesse de pointe de près de 230 km/h. «Nous en avons manqué une récemment. En novembre dernier, on m’a appelé pour me prévenir qu’une SM de la Gendarmerie allait être vendue aux enchères la semaine suivante. Le délai était trop court pour s’organiser», explique notre interlocuteur. Ce n’est que partie remise.

Le stand de la Gendarmerie nationale au salon Rétromobile 2022. PERUSSEAU