La fonte des glaces : comprendre les changements climatiques et leurs conséquences

La fonte des glaces : où, comment, et pourquoi ?

Où est-ce que les changements climatiques se produisent-ils ? Est-ce que de grands cataclysmes se réaliseront ? Pourquoi sommes-nous menacés par ces dérèglements ? Certaines questions simples et que tout le monde se pose ne peuvent être satisfaites par une réponse de même nature. Elles sont pourtant fondamentales, et agitent l’ensemble de la sphère scientifique. En nous concentrant sur la fonte des glaces, tentons de répondre à quelques-uns de ces questionnements.

Depuis le début des années 1980, la quantité de glace sur terre diminue chaque année. Celle-ci se trouve à différents endroits sur la planète et sa fonte n’a pas les mêmes impacts sur le climat en tous lieux. Dans les hautes montagnes, la surface recouverte par la glace tend à diminuer, et le manteau neigeux est présent sur un temps de plus en plus court chaque année. Toutefois, et c’est une remarque s’appliquant à de nombreux phénomènes environnementaux, ces évolutions ne s’observent pas de la même façon en tout point de la planète. Pour illustrer notre cas, nous pouvons citer l’Europe centrale, les glaciers tropicaux comme le Kilimandjaro ou encore les Andes, qui sont plus fortement impactés par la fonte des glaciers que les chaînes de hautes montagnes asiatiques.

Les glaces situées dans les hautes montagnes représentent moins d’1% de la glace mondiale, ce qui justifie que nous nous concentrerons sur les pôles qui, eux, en contiennent la majeure partie (99%).

Au pôle Nord, l’océan Arctique est un vaste bassin d’eau froide recouvert de banquise et délimité par les côtes scandinaves, russes et canadiennes. De l’autre côté du globe, le continent Antarctique est une terre utilisée uniquement par des scientifiques, loin de toute activité industrielle. Il mesure plus de vingt-cinq fois la France et est entièrement entouré des eaux de l’océan Austral. La calotte glaciaire antarctique repose majoritairement sur de la terre ferme, mais s’étend également sur la mer sous forme de banquise : 90% de la glace mondiale se trouve en Antarctique.

L’Arctique et l’Antarctique présentent des caractéristiques géographiques différentes. Les changements climatiques se manifestent de façons distinctes, avec des conséquences diverses sur la cryosphère (la surface où l’eau est présente sous sa forme solide). Nous pouvons tout de même noter un point commun, qui permet de souligner un second enseignement généralisable à l’ensemble des changements climatiques : bien que l’Arctique et l’Antarctique soient des zones peu peuplées et de faibles activités économiques, le changement du climat s’y observe très clairement ; les impacts du changement climatique donc sont globaux, et ne s’arrêtent pas aux frontières des pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre !

En Arctique, pour des raisons que nous allons explorer, la surface couverte par les glaces diminue d’environ 13% par décennie depuis 40 ans. C’est plus complexe au pôle Sud où les glaciers de l’Antarctique se retirent et perdent en épaisseur à l’Ouest tandis qu’ils s’accroissent et s’épaississent à l’Est. Ainsi, le volume de glace de cette région diminue, alors que la surface recouverte par la glace augmente.

Quels phénomènes causent la fonte des glaces ?

Sans surprise, l’augmentation de la température de l’air est responsable de la fonte des glaces. Aux pôles tout particulièrement, l’air se réchauffe plus rapidement qu’ailleurs, en partie à cause de la forte concentration de gaz à effet de serre. Les cartes de température montrent que le 5 mars 2019, la température en Arctique était supérieure de 4,7°C à la température moyenne observée entre 1979 et 2000. Toutefois, la température de l’air n’est pas l’unique responsable de la fonte. Un second phénomène joue un rôle décisif dans la fonte des glaces : les courants océaniques.

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La profondeur moyenne de l’Océan est d’environ 4000 m. On y distingue des courants en surface et en profondeur. À la surface de l’Océan, le vent est le principal moteur de la circulation de l’eau. C’est la circulation océanique de surface, semblable à une fine enveloppe fluide se déplaçant rapidement. Plus en profondeur, la teneur en sel et la température déterminent la densité de l’eau : les eaux denses (froides et salées) plongent en profondeur, tandis que les eaux moins denses (chaudes et peu salées) montent vers la surface. Température et salinité sont le moteur de ce que l’on nomme la circulation thermohaline.

Comme dans le cas du Gulf Stream, les eaux chaudes se forment à l’Équateur et longent les côtes pour rejoindre les pôles, réchauffant le climat des pays tempérés sur leur passage. Durant ce périple, une partie de l’eau s’évapore, ce qui accroît la concentration en sel, et la chaleur est relâchée dans l’atmosphère. On nomme cela le déstockage. Une fois arrivées à destination, les masses d’eau sont donc suffisamment denses pour descendre en profondeur. Elles entament un long et lent voyage, et ne reverront la surface de l’Océan que mille années plus tard environ. Comme on le voit sur le schéma, l’Arctique est donc une zone de plongée des eaux froides (downwelling).

En pratique, comment la température des courants affecte-t-elle les glaces ? À cause de l’augmentation de la température mondiale, les eaux équatoriales se réchauffent elles aussi et, lorsqu’elles arrivent aux pôles, leur température est plus élevée qu’elle ne le devrait. Les eaux de l’Arctique se sont réchauffées de 0,5°C par décennie depuis 1970, soit environ 2,5°C aujourd’hui. Logiquement, la banquise en subit les conséquences. Pourtant, la banquise joue un rôle essentiel : en réfléchissant les rayons du soleil grâce à sa couleur – l’albedo, le pouvoir réfléchissant de la banquise est de 95% -, elle isole les eaux froides et maintient des températures basses. Du fait de la diminution de la surface de la banquise, une plus grande quantité de rayons atteint directement l’eau qui absorbe l’énergie solaire plus qu’elle ne la réverbère. L’Océan se réchauffe davantage encore !

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En revanche, en Antarctique, les eaux chaudes de l’Équateur sont emportées par les courants de l’océan Austral avant d’atteindre les glaciers. De plus, les vents froids jouent un rôle important et permettent de garder les glaciers à une faible température, ce qui explique en partie pourquoi l’Antarctique est moins impacté que l’Arctique. Malgré cela, les scientifiques ne disposent pas de réponse à l’ensemble des phénomènes observés, notamment en Antarctique.

Enfin, nos glaciers de hautes montagnes fondent également et déversent leurs eaux douces dans l’Océan, notamment dans le bassin arctique. Au pôle Nord, la salinité des eaux diminue et modifie la densité de l’eau évoquée précédemment. Les masses d’eaux ne sont pas suffisamment denses pour s’enfoncer dans les profondeurs : elles restent en surface, empêchent la formation de la glace et modifient le fonctionnement des courants.

Quelles conséquences pour les sociétés humaines ? Zoom sur la montée des eaux

Les faits sont là. Il s’agit maintenant de comprendre par quels canaux un phénomène aussi éloigné géographiquement de la population pourra bientôt en impacter une majorité.

La fonte des glaces est la principale cause de la montée des eaux. Depuis 1901, le niveau de la mer a augmenté d’environ 20 cm et le rythme s’accélère. La mer augmente désormais de 3,4 mm chaque année. Alors que la fonte des glaciers de hautes montagnes, d’Antarctique et du Groenland est responsable de la hausse du niveau de la mer, ce n’est pas le cas de la banquise arctique. Sa fonte n’a aucun effet sur la montée des eaux. Le mécanisme est simple à comprendre : ajoutez de l’eau dans un récipient, et le niveau monte. Placez maintenant un glaçon dans un verre d’eau, puis marquez le niveau de l’eau d’un coup de feutre. Cinq minutes plus tard, vous constaterez qu’en vertu du principe d’Archimède, ni la fonte du glaçon, ni celle de l’Arctique n’augmente le niveau de l’eau.

La fonte des glaciers terrestres n’est cependant pas seule responsable de la montée des eaux, car plus l’eau est chaude, plus son volume augmente. Cette dilatation thermique ne s’observe pas dans un verre d’eau, mais contribue à hauteur d’un tiers à l’augmentation du niveau de la mer. Depuis 25 ans, une hausse de 7 cm du niveau des eaux lui est attribuée.

À l’horizon 2100, nous estimons que le niveau de la mer aura augmenté de 55 cm à 1 m si nos émissions se maintiennent au même rythme. Les populations installées dans de grandes métropoles côtières, dans des deltas, ou bien sur des îles, soit plus de 10% de la population mondiale, seront exposées à ce phénomène. Les inondations menacent les infrastructures de villes comme New-York, Tokyo, Jakarta, Mumbai, Lagos ou Shanghai, très proches du niveau de la mer. Dans les deltas, la montée des eaux salinise les sols et l’eau douce. Au Bangladesh par exemple, tous les poissons ne parviennent pas à s’adapter à cela : c’est donc moins de poissons dans les filets des pêcheurs. Dans le Delta du Mékong, c’est la fertilité des sols qui diminue et menace les récoltes de céréales.

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Par ailleurs, en Europe, dans l’Atlantique nord, la mer du Nord et la mer Baltique, il a été prouvé qu’au cours du XXe siècle, la montée du niveau de la mer s’est accompagnée d’une augmentation du nombre d’évènements climatiques extrêmes. En France, les côtes sableuses de la Nouvelle-Aquitaine reculent de 1,7 à 2 m par an et on prévoit d’ici 2050 une avancée de 50 m de la mer. Les tempêtes d’hiver peuvent provoquer des reculs brutaux des plages allant jusqu’à 25 m, qu’il faudra ajouter à ces projections climatiques. Lorsque les infrastructures et les populations sont touchées, le coût économique peut être gigantesque, notamment pour les petits États insulaires. Par exemple, l’ouragan Maria qui avait frappé la Dominique en septembre 2017 a engendré des destructions d’une valeur égale à 226% du PIB du pays.

Enfin, la modification de la densité de l’eau et de la circulation océanique influe sur le climat des pays tempérés. Des hivers plus froids et des étés plus chauds sont à prévoir, ainsi que des zones de plus hautes ou de plus basses précipitations. En France, les inondations extrêmes pourraient doubler d’ici trente ans.

Si tout l’Antarctique fondait, le niveau moyen de la mer augmenterait d’environ 70 m. Toutefois, un tel cataclysme ne devrait pas se produire au cours de notre ère – pas plus que l’arrêt des émissions de CO2 ne mettrait fin à la fonte des glaces. À notre échelle de temps, nous devons plutôt nous soucier des larges flux de migrations qu’engendrerons ces changements. La Banque Mondiale nous alerte sur le chiffre prévisionnel de 140 millions de réfugiés climatiques en 2050, mais les habitants de certaines îles et deltas fuient déjà leurs terres aujourd’hui, particulièrement en Asie et dans les îles du Pacifique.

Si la machine climatique est bel et bien victime des activités anthropiques, limiter l’ampleur des dégâts est possible. Cela passe par l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation aux conséquences de ces changements. Certaines villes et régions se soucient du problème, mais la mobilisation doit, dès à présent, être de bien plus grande envergure.

Théophile Bongarts Lebbe, Plateforme Océan et Climat