La honte de la voiture : quand le cyclisme dénonce la conduite automobile

La honte de la voiture : quand le cyclisme dénonce la conduite automobile

Les cyclistes utilitaires se comptent encore parmi les minorités sur nos routes. Toutefois, certains d’entre eux se sont transformés en activistes du vélo, formant une contre-culture face à l’omniprésence de la voiture. Leurs revendications sont de plus en plus audibles et visent à remettre en question l’image positive que les automobilistes ont d’eux-mêmes. Leurs slogans percutants tels que “Je n’ai pas besoin de guerre pour faire avancer mon vélo” ou “Les autos à la casse, les vélos à la place” viennent défier cette norme dominante. Certains activistes vont même jusqu’à apposer des autocollants “Garé comme une merde” sur les pare-brises des voitures mal stationnées. Dans cette lutte, la honte est un outil efficace pour influencer le comportement des individus, sans avoir recours à des actions physiques directes. Norbert Elias, sociologue, souligne d’ailleurs que la honte a largement remplacé les châtiments corporels depuis le début du XXe siècle.

Des mobilisations similaires à la lutte contre l’avion

Les militants cyclistes qui tentent de faire honte aux automobilistes rejoignent en cela les mouvements qui s’opposent à l’usage de l’avion, dont Greta Thunberg est l’égérie depuis 2018. Leurs méthodes se ressemblent : la honte est utilisée pour contrôler l’usage d’un moyen de transport plutôt que de l’interdire légalement ou physiquement. Cependant, il existe une différence majeure : les utilisateurs réguliers de l’avion sont peu nombreux, ce qui rend leur ciblage moins coûteux que celui des 4,7 millions de voitures privées en Suisse. De plus, renoncer à prendre l’avion peut être un geste de vertu ponctuel alors que le cycliste, le piéton et les navetteurs doivent faire preuve d’un effort quotidien. De même, si les détracteurs de l’avion prônent les voyages en train (de nuit), cela ne correspond pas à l’opposition radicale entre le vélo et la voiture. Les chemins de fer et l’aviation ne relèvent pas des mêmes industries et les passagers des CFF ne partagent pas les voies avec les avions de Swiss Air, évitant ainsi les risques d’accidents. Il en va tout autrement pour les automobilistes et les cyclistes.

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L’histoire d’une rivalité centenaire

La rivalité entre le vélo et la voiture existe depuis plus de 100 ans. Dès l’apparition de l’automobile, les promoteurs des deux modes de transport se sont opposés. On observe même des schismes. À l’origine, le Touring Club Suisse était une association de cyclistes, qui est ensuite devenue un promoteur de l’automobile – et pour les activistes du vélo, un rival. Mais rapidement, grâce à son coût plus abordable, le vélo s’est répandu plus largement que la voiture. Après la Seconde Guerre mondiale, la voiture a rattrapé son retard et est devenue un moyen de transport courant. Au début des années 1980, les cyclistes utilitaires étaient devenus rares, si bien que le vélo était synonyme de pauvreté. Il était considéré comme le mode de transport réservé à ceux qui ne pouvaient pas conduire, qu’ils soient trop jeunes ou trop pauvres. Cette image perdure encore aujourd’hui chez les populations issues de l’immigration extra-européenne. En revanche, pour d’autres, le fait de rouler à vélo est devenu positif, pour des raisons de santé ou écologiques notamment. Le vélo a ainsi réussi à inverser son stigmate et la honte qui lui étaient associés. Alors que le vélo était autrefois considéré comme le signe d’un manque de moyens et la voiture comme un symbole de statut, certains cyclistes font aujourd’hui de leur vélo un symbole de vertu ou un accessoire de mode.

Quoiqu’il en soit, la rivalité entre ces deux modes de transport est loin de s’éteindre. Le fondateur d’une association cycliste française voisine m’a confié lors d’une interview qu’il s’inspirait du modèle du Touring Club Suisse et envisageait d’utiliser les mêmes méthodes pour remplacer les voitures par des vélos. Une rivalité exacerbée. Ainsi, la voiture et le vélo sont devenus des ennemis jurés, les Caïn et Abel des transports, au risque et péril du cycliste, mais aussi du piéton.

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(Image source: original article)