Et si cette fois-ci était la bonne ? Après des années d’annonces sur l’essor des voitures électriques, personne ne prêtait plus attention. Qui se souvient que l’État promettait 100 000 voitures électriques sur les routes françaises d’ici l’an 2000 ? Qui se rappelle du plan ambitieux de développement des véhicules hybrides rechargeables et électriques qui tablait sur 2 millions de modèles vendus d’ici 2020 ? Qui garde en mémoire la prédiction de Carlos Ghosn, PDG de Renault-Nissan, qui envisageait la vente de 1,5 million de véhicules électriques en 2016 ? En réalité, le parc français compte seulement 50 000 véhicules électriques, soit moins de 1 % du total.
Mais quelque chose est en train de changer. Selon l’Association de promotion de la mobilité électrique (Avere), le marché explose depuis 2010. Bien que les ventes aient doublé chaque année jusqu’en 2013, elles n’ont augmenté que de 60% en 2014 à cause d’un problème lié à l’application de la prime de 6 500 euros. Néanmoins, avec 7 200 véhicules vendus depuis janvier, les chiffres sont encourageants. Joseph Beretta, président de l’Avere, affirme que cette fois-ci, le développement va durer.
La mise en place d’un superbonus de 10 000 euros en avril devrait stimuler le marché. D’après les premiers retours, les dernières ventes sont très bonnes, assure Marie Castelli, secrétaire générale de l’Avere. De plus, alors que jusqu’à présent, la demande était principalement alimentée par les entreprises et les collectivités, un acheteur sur deux est un particulier en ce début d’année 2015. Enfin, autre signe encourageant : les constructeurs se positionnent de plus en plus sur ce segment. Alors qu’en 2010, il existait seulement trois ou quatre modèles, aujourd’hui, il y en a dix-huit, affirme Joseph Beretta.
Des avantages au kilomètre
Regardez la publicité télévisée pour la Renault Zoé et cherchez le prix de vente. Il n’est pas indiqué. En revanche, la marque met en avant une offre de location longue durée à partir de 99 euros par mois et sans apport – à condition de rouler peu et de bénéficier des aides de l’État. Cette stratégie est nécessaire pour convaincre les consommateurs.
Les constructeurs et les promoteurs de la mobilité électrique répètent tous le même message : conduire une voiture électrique ne coûte pas plus cher, à condition de prendre en compte le coût d’usage (le coût sur plusieurs années) et non pas le prix d’achat avant les bonus, qui peut être rédhibitoire. Par exemple, la Nissan Leaf coûte 25 000 euros, la BMW i3 coûte 35 000 euros et la Tesla Model S coûte 74 000 euros. Toutefois, une fois les aides de l’État prises en compte (6 300 euros de réduction, 10 000 euros si vous rendez votre vieux diesel de plus de quatorze ans), l’équation devient plus intéressante. De plus, les assurances sont moins chères, le prix de la carte grise est réduit selon les régions, les frais d’entretien sont moindres et il ne coûte que 2 euros pour parcourir 100 km (contre 6 à 9 euros pour une citadine essence).
Vaincre les distances
Un autre cliché sur les voitures électriques est leur autonomie limitée. En effet, elles peuvent parcourir en moyenne entre 70 et 150 km, à condition de limiter l’utilisation du chauffage. C’est peu comparé aux grosses berlines diesel qui peuvent facilement dépasser 1 000 km avec un plein. Cependant, il est important de souligner que plus de 70 % des automobilistes n’ont besoin que de 800 km d’autonomie pour être satisfaits, selon une enquête européenne réalisée pour le site AutoScout24. En réalité, la plupart des Français parcourent moins de 100 km par jour en moyenne, avec une moyenne quotidienne de 31 km.
Bien que 1 ménage sur 5 ait la possibilité de recharger une voiture électrique à domicile (1 sur 2 en zone rurale et périurbaine), le déploiement massif de bornes de recharge pourrait lever cette contrainte psychologique. Le nombre de points de recharge publique est en constante augmentation, avec environ 9 200 stations disponibles actuellement. Le ministère de l’Écologie prévoyait d’équiper le pays de 4 millions de bornes de recharge d’ici 2020, mais les objectifs ont été revus à la baisse et visent désormais 20 000 points d’ici la fin de l’année 2016, que ce soit dans les rues, les gares, les parkings des centres commerciaux, chez les concessionnaires, etc. Toutefois, la plupart de ces bornes de recharge sont lentes ou semi-lentes, nécessitant plusieurs heures d’immobilisation pour une recharge complète. Un plan visant l’installation de 200 bornes de recharge rapide sur les autoroutes d’ici la fin de l’année devrait être achevé. Ces bornes permettent de recharger 80% de la batterie en moins de trente minutes.
La liberté de la location
De plus en plus de Français envisagent de vivre sans être propriétaires de leur voiture, se tournant vers les transports en commun, le covoiturage et l’autopartage. Selon une enquête du cabinet de conseil GFK, 9,1% des Français s’imaginent vivre sans posséder de voiture d’ici vingt-cinq ans, un chiffre en augmentation par rapport à 2013 où seulement 5,4% des Français envisageaient cette possibilité.
Le succès de l’électromobilité pourrait être ancré dans ce changement de mentalité, avec l’essor de services d’autopartage proposant des véhicules électriques. En effet, dans le domaine de l’autopartage, la gestion est plus facile, explique David Lainé, PDG de Wattmobile. Il n’y a pas de gestion des pleins d’essence, des consommables et les frais d’entretien sont quasiment nuls. Installer une station est (presque) un jeu d’enfant. Un câble, une borne et voilà ! Wattmobile, en partenariat avec la SNCF, installe ses stations d’autopartage dans les gares depuis fin 2014. L’objectif est d’atteindre 20 gares d’ici la fin de l’année, avant de se développer dans les parkings d’hôtel et les centres d’affaires. Leur créneau : les particuliers en déplacement professionnel qui ont besoin d’une petite voiture urbaine pour la journée. La réservation et le paiement se font via smartphone et le déverrouillage se fait avec un badge.
Le plaisir de conduire
Il semblerait que les voitures électriques procurent de bonnes sensations. La satisfaction des propriétaires est régulièrement mesurée par les constructeurs. Alors que le taux de satisfaction moyen est d’environ 60% pour les véhicules thermiques, il atteint 98% pour la Zoé de Renault et 95% pour la Kangoo ZE. Selon une étude de 2012 du cabinet J.D. Power, plus de 82% des propriétaires de voitures électriques ont l’intention d’en racheter une identique de la même marque. Ce chiffre descend à moins de 50% pour les propriétaires d’autres types de voitures.
Plus étonnant encore, une enquête réalisée pour le magazine Consumer Reports en 2014 classe la Model S de Tesla en tête des taux de satisfaction aux États-Unis, devant des voitures de luxe telles que les Porsche Boxster, Cayman, Corvette, Dodge Challenger, etc. Nissan a également interrogé les propriétaires de la Leaf, qui parcourent en moyenne 16 000 km par an, alors que pour un modèle thermique équivalent, la moyenne annuelle est de 12 000 km.
À La Poste, qui a lancé un vaste programme d’équipement en voitures électriques en 2012, le taux de satisfaction est au plus haut. Les facteurs ne peuvent plus se passer de ces véhicules, témoigne Frédéric Delaval, directeur technique. Lorsque nous amenons le véhicule électrique en révision, ils ne veulent pas le voir remplacé par un thermique. La société, qui possède la plus grande flotte de véhicules électriques au monde (plus de 4 000), effectue 40% de ses tournées avec ce nouveau mode de transport. Les premières études montrent même une baisse des arrêts-maladie pour troubles musculo-squelettiques chez les facteurs utilisant des véhicules électriques.
Un État qui soutient
Tout est mis en place pour faciliter l’essor des voitures électriques. Dès l’achat, un superbonus de 10 000 euros a été mis en place depuis le 1er avril pour encourager l’acquisition d’un véhicule électrique en échange d’un diesel de plus de quatorze ans. De petits avantages s’ajoutent également, tels qu’une aide supplémentaire accordée par certaines régions, des tarifs préférentiels sur les autoroutes prévus par le projet de loi de transition énergétique ou encore le stationnement gratuit dans de nombreuses communes. De plus, le ministère de l’Écologie a confirmé la mise en place de pastilles de couleur pour classer les véhicules selon leur niveau de pollution. Les véhicules électriques et hybrides rechargeables auront droit à la pastille bleue, donnant accès à certaines zones de circulation restreinte en centre-ville.
Le projet de loi donne également un coup de pouce aux transports en commun écologiques. Les régions et les entreprises exploitant un parc de plus de 20 bus devront remplacer la moitié de leur flotte par des véhicules propres (électriques ou hybrides) d’ici 2020, à chaque nouvelle acquisition. En 2025, tous les nouveaux achats devront être des véhicules à faible émission.