La Politique Agricole Commune (PAC) : une vision d’avenir pour l’agriculture européenne

Qu’est-ce que la politique agricole commune (PAC) ?

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Dès les débuts de la construction européenne, l’idée de mettre en place une Politique Agricole Commune pour les six États membres était présente. Cette politique, officiellement créée en 1962, était considérée comme une nécessité pour faire face aux prix mondiaux élevés des céréales et remédier aux pénuries qui sévissaient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Bien que sa part ait diminué au fil des années, la PAC reste aujourd’hui le premier poste de dépenses de l’Union européenne avec 32% du budget. Pour la période 2021-2027, un montant de 386,6 milliards d’euros (en prix de 2021) a été alloué aux bénéficiaires de la PAC. Cela comprend 291,1 milliards provenant du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et 87,5 milliards du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), auxquels s’ajoutent 8 milliards supplémentaires provenant du plan de relance européen.

Le 1er janvier 2023, de nouvelles règles sont entrées en vigueur, deux ans après la date initiale, en raison de négociations acharnées entre le Parlement européen et le Conseil de l’UE. Parmi les nouveautés figurent la mise en place d’écorégimes, un système d’aides directes visant à promouvoir des pratiques plus respectueuses de l’environnement. De plus, les plans stratégiques nationaux, des feuilles de route rédigées par chaque pays pour une période de 5 ans, ont été introduits. Ces changements visent à rendre la PAC plus écologique, tout en donnant également une plus grande autonomie aux États membres.

Quand la PAC a-t-elle été créée ?

Le traité de Rome, signé le 25 mars 1957, a déjà jeté les bases de la politique agricole commune dans son article 39. Finalement mise en place en 1962, la PAC repose sur les principes suivants :

  • L’unicité du marché, impliquant la libre circulation des produits agricoles sur le territoire des États membres et la mise en œuvre de moyens et de mécanismes communs pour l’organisation de ce marché dans l’ensemble de l’Union européenne.
  • La préférence communautaire, qui protège le marché européen des importations à bas prix et des fluctuations du marché mondial.
  • La solidarité financière : les dépenses imposées par la PAC sont prises en charge par le budget communautaire.
  • Des prix minimums garantis pour les producteurs.
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Deux instruments fondamentaux ont alors été mis en place : les prix garantis et les restitutions aux exportations. En 1968, la création de l’union douanière a supprimé les droits de douane intracommunautaires, ce qui a permis l’émergence d’un marché unique pour certaines denrées alimentaires.

Comment la PAC a-t-elle évolué ?

Initialement, cette politique a parfaitement rempli ses objectifs en termes de productivité et de sécurité des approvisionnements. Cependant, à la fin des années 1970, la PAC est devenue victime de son propre succès, avec une production largement excédentaire. Des critiques ont également émergé, tant à l’extérieur de l’Union européenne, les pays tiers considérant que l’Europe était une “forteresse” en raison des prélèvements aux frontières, qu’à l’intérieur, notamment de la part des associations écologistes qui dénonçaient les effets néfastes du productivisme sur l’environnement.

L’Union européenne a donc mis en place plusieurs mesures visant à limiter la production et à assurer la compétitivité de l’agriculture européenne sur la scène internationale.

Les années 2000 ont marqué un tournant libéral pour la PAC. Les aides aux agriculteurs ont notamment été “découplées” afin de les inciter à s’adapter au marché. Cette mesure signifie que les agriculteurs ne reçoivent plus de fonds en fonction du type et de la quantité de leur production, mais de la surface cultivée et du nombre d’animaux d’élevage qu’ils possèdent.

C’est également à cette époque que la Commission européenne a choisi d’instaurer l’objectif de développement rural, communément appelé le “deuxième pilier” de la PAC, afin de faire face à la diminution de la population rurale.

Les réformes entreprises dans les années 2010 ont accentué cette orientation libérale, tout en mettant également l’accent sur la nécessité de favoriser des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. Par exemple, les paiements directs sont désormais conditionnés au respect de certaines règles environnementales, avec 30% des fonds réservés aux agriculteurs mettant en place des pratiques agricoles durables.

Comment fonctionne la PAC aujourd’hui ?

La PAC est organisée autour de deux grands mécanismes, aujourd’hui séparés en deux “piliers”.

Premier pilier : soutien des marchés et des revenus agricoles

Le premier pilier concerne le soutien des marchés et des revenus agricoles et constitue le principal poste de dépenses avec environ trois quarts des crédits.

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Les aides directes aux agriculteurs représentent aujourd’hui le principal instrument de la PAC. Introduites par la réforme de 1992, elles visent à garantir un revenu minimal aux agriculteurs. La plupart de ces aides sont désormais “découplées” : elles ne dépendent plus du type de production, mais de la surface cultivée ou du nombre d’animaux d’élevage que possèdent les exploitants. Cependant, les États membres ont la possibilité de “coupler” une partie de ces aides pour favoriser certains types de productions lorsqu’ils rencontrent des difficultés. Pour bénéficier de ces aides directes, les producteurs doivent respecter plusieurs critères environnementaux et de bien-être animal, c’est ce qu’on appelle la “conditionnalité”. À partir de 2025, une “conditionnalité sociale” sera également introduite, liant les paiements directs aux agriculteurs au respect des droits des travailleurs.

Différents types d’aides directes sont disponibles, sous réserve du respect des critères :

  • Paiement de base : une aide à l’hectare harmonisée au niveau national ou régional ;
  • Paiement pour les jeunes agriculteurs : destiné aux agriculteurs de moins de 40 ans ou en phase d’installation ;
  • Paiement redistributif : à la discrétion des États membres, qui peuvent allouer une partie des fonds destinés aux grandes exploitations à des exploitations de plus petite taille ;
  • Les écorégimes, nouveau dispositif mis en place progressivement depuis le 1er janvier 2023, remplacent l’ancien “paiement vert” et représentent 25 % des aides directes. Ils visent à promouvoir les pratiques favorables à la préservation de l’environnement et du climat. Ils deviendront obligatoires en 2025. La définition des écorégimes relève de la responsabilité de chaque État membre au sein des plans stratégiques nationaux.

Une organisation commune des marchés agricoles régit la gestion des marchés, les normes de commercialisation des produits ainsi que les exportations et les importations de l’UE. Des subventions à l’exportation, des interventions publiques et des actions de stockage, des aides à la production, des quotas, etc., viennent compléter le système d’aides directes dans certains secteurs ou lors de crises économiques, sanitaires ou climatiques affectant les prix (“filet de sécurité”). Par exemple, une enveloppe de 698 millions d’euros avait été débloquée en faveur de l’élevage, des fruits et légumes face à l’embargo russe en 2015-2016.

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Les mesures du premier pilier sont financées par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA).

Deuxième pilier : la politique de développement rural

Inaugurée en 2003, la politique de développement rural vise à maintenir le dynamisme socio-économique des territoires ruraux. Son enveloppe financière soutient un large éventail de mesures cofinancées par les États membres, allant de la modernisation des exploitations à la promotion du tourisme rural, en passant par la formation des agriculteurs, les aides à l’installation et l’agriculture biologique.

Le deuxième pilier est cofinancé principalement par les États membres à travers le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). D’autres fonds de la politique régionale tels que le Fonds de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) peuvent également être sollicités.

Ces fonds sont regroupés dans un cadre stratégique commun défini par chaque État membre, qui met en place des programmes opérationnels et de développement rural.

Plans stratégiques nationaux : une “renationalisation” de la PAC ?

Les plans stratégiques nationaux (PSN) constituent une autre nouveauté majeure de la réforme de la Politique Agricole Commune entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Chaque pays a envoyé son plan avant la fin de l’année 2022, planifiant ainsi la stratégie nationale pour les 5 prochaines années (2023-2027). La France a par exemple vu son plan validé le 31 août dernier.

Selon le ministère français de l’Agriculture et de l’Alimentation, ces plans couvrent les deux piliers de la PAC et visent à :

  • favoriser une agriculture intelligente et résiliente assurant la sécurité alimentaire ;
  • renforcer les actions favorables à l’environnement et au climat qui contribuent aux objectifs environnementaux et climatiques de l’Union européenne ;
  • renforcer le tissu socio-économique des zones rurales.

Cette évolution constitue une nouvelle étape vers une “décentralisation” de la PAC, laissant encore plus de marges de manœuvre aux États membres. Une situation qui ne fait pas l’unanimité au sein du Parlement européen. Avec un tel système, “nous nous dirigeons vers 27 politiques agricoles européennes divergentes et nous ne pourrons pas garantir une égalité de traitement entre les agriculteurs européens opérant sur le marché unique”, avait déjà averti l’eurodéputée française Anne Sander (PPE) en octobre 2020.

Ainsi, la Politique Agricole Commune demeure une pièce maîtresse de l’Union européenne en termes de soutien à l’agriculture et de développement rural. À travers ses différentes réformes et adaptations, elle s’efforce de répondre aux enjeux actuels, en favorisant des pratiques agricoles durables et en donnant plus de liberté d’action aux États membres.