La vérité sur la voiture électrique

La vérité sur la voiture électrique

La voiture électrique, solution idéale pour certains, est vivement critiquée par d’autres. Les controverses autour de ce choix technologique persistent. En effet, la voiture électrique reste gourmande en métaux rares, n’est pas complètement propre et ne résoudra pas le problème de la surutilisation de la voiture dans nos sociétés.

À partir de 2035, la vente de voitures neuves fonctionnant à l’essence ou au diesel sera tout simplement interdite en Europe. La transition est déjà en cours, puisque les voitures électriques représentent 15% des ventes automobiles en France au cours des 9 premiers mois de 2023.

Cependant, la base même de cette transition est remise en question : les batteries polluantes ? Une voiture pour les riches ? Un avantage pour les Chinois ?

Sur le plan écologique, il est clair que la voiture électrique n’est pas verte en soi, car sa production est polluante, notamment la fabrication de ses batteries composées de métaux (nickel, cobalt, lithium, graphite) nécessitant beaucoup d’énergie et causant des pollutions des sols et des eaux. Selon l’ADEME, la production d’un véhicule électrique émet deux à trois fois plus de gaz à effet de serre que son équivalent thermique.

Néanmoins, la voiture électrique a un avantage lors de son utilisation, car elle peut être rechargée avec une électricité “décarbonée”. Dans ce cas, le remplacement du pétrole par l’électricité permet de réduire considérablement les émissions de carbone (par un facteur de dix pour une recharge à partir d’électricité à faible teneur en carbone, comme c’est le cas en France), toujours selon l’ADEME.

Dans l’ensemble de son cycle de vie, production et utilisation, la voiture électrique a donc une empreinte carbone deux à trois fois inférieure à celle de son équivalent thermique. C’est son principal atout. Cependant, cela nécessite la décarbonisation de la production d’électricité de chaque pays, ce qui n’est pas le cas pour la plupart des autres pays européens.

De plus, toutes les voitures électriques ne se valent pas. Le poids du véhicule et la puissance de sa batterie ont un impact majeur sur son bilan écologique. En effet, plus le véhicule est lourd et aérodynamiquement faible, plus la batterie doit être puissante (comme dans le cas des Tesla).

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Vouloir une grande autonomie implique également une batterie plus puissante et un véhicule plus imposant pour l’accueillir. Cependant, cela se traduit par une consommation accrue de métaux et une empreinte carbone plus importante. Par exemple, l’empreinte carbone d’un SUV électrique est trois fois plus élevée que celle d’une petite citadine électrique.

Il est donc préférable de privilégier des petites voitures conçues pour les trajets quotidiens, qui représentent la grande majorité de nos déplacements. Cependant, malgré la réduction de l’empreinte carbone par rapport aux véhicules thermiques, substituer la voiture électrique à la voiture traditionnelle ne suffit pas à atteindre nos objectifs climatiques. Il est nécessaire d’interroger et de modifier notre relation à la mobilité, selon l’ADEME.

En effet, la voiture électrique permet à l’automobile de se libérer de la dépendance au pétrole, mais elle ne règle pas les autres problèmes liés à la voiture, tels que la quantité d’énergie nécessaire pour transporter une personne.

Au-delà du carbone, qu’en est-il des autres impacts environnementaux ? Certes, la voiture électrique peut atténuer certaines formes de pollution, notamment celle de l’air, puisque les particules émises par la combustion du carburant sont éliminées. Cependant, les polluants générés par le freinage ou les pneus ne disparaissent pas pour autant.

De plus, la mobilité électrique entraînera une demande accrue de certains métaux tels que le cobalt et le lithium. Cela rendra encore plus sensible les problèmes écologiques, sociaux et de dépendance aux pays producteurs liés à leur extraction et à leur raffinage.

Le recyclage des batteries est souvent présenté comme une solution pour réduire cette demande en métaux. Les technologies de recyclage des batteries existent déjà à une échelle industrielle. Cependant, le coût du recyclage doit être compétitif par rapport à l’extraction des métaux, et il existe des limites financières et énergétiques pour atteindre un taux de recyclage de 100%, souligne Aurélien Bigo, spécialiste de la transition énergétique des transports.

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Un autre défi pour la démocratisation de la voiture électrique est son infrastructure de recharge. La France a du mal à atteindre ses propres objectifs, tels que les 100 000 bornes prévues d’ici fin 2021, qui n’ont été atteintes qu’en mai 2023. En septembre dernier, le pays comptait 109 000 bornes, avec un déploiement accru puisque plus de 20 000 bornes ont été installées au cours des huit premiers mois de l’année. Le nombre de bornes suit l’évolution du parc automobile avec un taux stable depuis des années, à raison de sept à huit bornes pour 100 véhicules électriques en circulation. Toutefois, compte tenu du fait que plus de la moitié de la population française vit dans des maisons individuelles, la recharge se fait surtout à domicile et sur le lieu de travail, et les infrastructures publiques servent principalement à dissiper la crainte de la panne.

Un autre défi majeur pour une adoption massive de la voiture électrique est son prix. Aujourd’hui, elle coûte plusieurs milliers d’euros de plus qu’un véhicule thermique, même après les aides gouvernementales. Recharger sa batterie coûte environ trois fois moins cher qu’un plein pour un même trajet. Cependant, cela ne couvre pas nécessairement le surcoût de l’investissement à l’achat, ce qui décourage de nombreux ménages à faibles revenus.

Les constructeurs promettent d’aligner les prix des véhicules électriques sur ceux des modèles thermiques au cours de la décennie. La recette pour réduire les prix est bien connue : progrès technologiques et économies d’échelle permises par l’augmentation des ventes.

Cependant, Tommaso Pardi, sociologue au CNRS, pense que si les constructeurs annoncent une parité des prix entre les véhicules thermiques et électriques pour 2026-2027, cela se produira probablement un peu plus tard dans la décennie. De plus, le marché automobile thermique est en train de monter en gamme et donc de devenir plus cher. Si cette tendance se poursuit, l’alignement du prix de l’électrique sur celui du thermique se fera à un niveau plus élevé.

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Cette montée en gamme est en partie due au succès des SUV, ces 4×4 urbains qui représentent environ la moitié des ventes. Ce mouvement concerne l’ensemble du secteur, principalement les véhicules thermiques qui dominent encore les ventes. Cependant, des véhicules plus lourds et moins aérodynamiques nécessitent un moteur ou une batterie plus puissante, ce qui les rend plus chers. Selon Aurélien Bigo, à chaque fois que le poids d’un véhicule augmente de 100 kg, son prix est augmenté de 3 000 euros. Les constructeurs poussent leurs offres vers des véhicules haut de gamme avec davantage d’options et de confort, car c’est là que leurs marges sont les plus importantes. De plus, les réglementations n’incitent en rien à produire des voitures plus petites et plus économes.

Il est donc nécessaire de prendre en compte la puissance de la batterie, la teneur en carbone de sa fabrication et la consommation d’énergie au kilomètre pour orienter le marché vers plus de sobriété.

Le bilan carbone des batteries dépend fortement de leur lieu de fabrication et de la répartition énergétique dans les gigafactories, ces usines qui les produisent. La Chine, qui a une répartition énergétique très carbonée, domine largement le secteur avec 77% de la production mondiale. La voiture électrique de demain sera-t-elle chinoise ? En Europe, les gigafactories sont encore majoritairement contrôlées par des sociétés asiatiques et implantées à l’est, dans des pays dont la répartition énergétique est fortement dépendante du charbon.

La transition vers la voiture électrique nécessite donc une réorientation de notre conception de l’automobile, que ce soit pour des raisons écologiques, sociales ou industrielles. Sinon, nous pourrions réaliser dans quelques années que les promesses de cette technologie ne sont pas tenues.