La vérité sur la voiture “la plus verte”

La vérité sur la voiture “la plus verte”

Dans un contexte de changements climatiques, il est essentiel de se poser la question de quelle technologie de véhicule est la meilleure pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Bien que les politiciens canadiens et québécois aient déjà fait leur choix en faveur des véhicules tout électriques avec batteries au lithium, il est important de prendre en compte tous les éléments, y compris les émissions provenant de la fabrication du véhicule, des batteries et de la source d’électricité qui alimente le véhicule.

Une récente analyse réalisée par l’American Council for an Energy Efficient Economy (2019) aux États-Unis a pris en compte tous ces facteurs. En tenant compte du profil de production d’électricité aux États-Unis (28 % provenant du charbon), l’organisme a identifié les véhicules “les plus verts”. Parmi les 12 meilleurs, on retrouve six véhicules hybrides, trois hybrides rechargeables et seulement trois petits véhicules tout électriques.

Il est important de comprendre les caractéristiques de chaque technologie de véhicule :

Hybride

Les véhicules hybrides comportent des batteries de moins de 2 kWh et un petit moteur électrique qui améliorent l’efficacité du moteur à essence. Bien qu’on les appelle parfois “hybrides électriques”, ils ne sont jamais rechargés par le réseau électrique et leur seule source d’énergie est le pétrole.

Hybride rechargeable

Les véhicules hybrides rechargeables possèdent des batteries au lithium plus grandes (environ 8 kWh) qui peuvent être rechargées à partir du réseau électrique. Leur autonomie électrique est d’environ 30 à 40 km.

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Électrique

Les véhicules électriques sont équipés de batteries de 60 kWh qui doivent être rechargées à partir du réseau électrique. Leur autonomie peut atteindre jusqu’à 300 à 400 km.

Électrique de luxe

Certains modèles de Tesla sont équipés de batteries de 85 kWh.

La performance environnementale est impactée par deux facteurs majeurs : la source d’électricité et la quantité de batteries, dont la production est très polluante.

Au Québec, les promoteurs de l’automobile électrique considèrent que le réseau d’Hydro-Québec est à zéro émission. Bien que cette généralisation soit simplifiée, elle tient compte des importations et exportations d’électricité. Cependant, les batteries représentent le principal enjeu. Pour fabriquer des batteries de 60 kWh, les émissions de GES sont estimées à environ 10 tonnes.

Pour émettre 10 tonnes de GES directement, une Honda Fit doit parcourir 80 000 km et une Honda Civic 60 000 km. Imaginons maintenant un citoyen qui parcourt 8000 km par an et qui hésite entre l’achat d’un véhicule électrique ou d’une sous-compacte comme la Honda Fit. S’il opte pour l’auto électrique, il commencera à réduire ses émissions après 10 ans d’utilisation. Le meilleur choix de technologie dépend donc de l’usage qui en est fait. Cela est d’autant plus vrai pour un véhicule hybride rechargeable. Si un automobiliste parcourt moins de 30 km pour se rendre au travail et opte pour un hybride rechargeable, il pourrait presque ne jamais avoir besoin d’essence. Son hybride rechargeable réduira donc sa consommation de pétrole autant qu’un véhicule électrique, mais avec sept fois moins de batteries.

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Des constats

Voici quelques constats qui s’appliquent à l’intérieur d’une même catégorie de véhicules :

  • Dans presque toutes les catégories (sauf les pick-up !), il existe des véhicules hybrides qui ont une meilleure performance que les véhicules conventionnels. Aucun véhicule conventionnel, à essence ou diesel, ne représente un choix écologique.

  • Au Québec, pour ceux qui parcourent moins de 15 000 km par an, le véhicule hybride rechargeable aura probablement la meilleure performance environnementale.

  • Le choix d’un véhicule tout électrique peut être justifié pour ceux qui parcourent 15 000 km par an et qui conservent leur véhicule longtemps. Dans ce cas, les émissions seront réduites après cinq ans d’utilisation.

  • Le choix d’un véhicule tout électrique est clairement justifié pour ceux qui parcourent 25 000 km par an. Des analyses de cycle de vie justifient l’achat d’une voiture électrique en présumant que l’utilisateur parcourra 250 000 km. Cependant, dans un contexte de changements climatiques, si nous achetons un véhicule pour parcourir 250 000 km, faisons-nous partie de la solution ou du problème ?

Il est important de rappeler que ces conseils sont applicables au contexte québécois, avec l’hydroélectricité comme principale source d’électricité.

En Alberta, la principale source d’électricité est le charbon. Tant que le charbon sera dominant, un véhicule électrique aura des émissions plus élevées qu’un véhicule conventionnel. Malgré cela, le gouvernement fédéral accorde tout de même ses subventions aux véhicules à “zéro émission”.

En Ontario, le gaz naturel est une source importante d’électricité, avec un facteur d’émission environ 40 % inférieur à celui du charbon. Dans ce contexte, les véhicules hybrides rechargeables auront presque toujours une meilleure performance environnementale que les voitures tout électriques.

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Un autre facteur qui peut influencer la performance environnementale des véhicules tout électriques est le fait qu’ils sont souvent achetés en complément d’autres véhicules, et non en remplacement. Aux États-Unis, 42 % des ménages qui possèdent une voiture électrique ont également 3, 4 ou 5 autres véhicules. Pour qu’une voiture électrique soit un choix écologique, elle doit vraiment remplacer un véhicule conventionnel.

Face aux changements climatiques, il est crucial que les gouvernements agissent sur plusieurs fronts, notamment en matière d’écofiscalité, de transports collectifs et d’aménagement urbain. De plus, ils doivent faire les bons choix en termes de technologie, ce qui signifie revoir en profondeur les préférences actuelles. Il est également nécessaire de faire disparaître le concept de “véhicule zéro émission”, qui est trompeur.

Cet article a été rédigé par un expert en changements climatiques, qui a travaillé comme conseiller principal chez Hydro-Québec et comme réviseur-expert pour le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Sources des analyses de cycle de vie : CIRAIG 2016, ADEME 2016, Science & Vie 2018, Romare et Dahllöf, “The Life Cycle Energy Consumption and Greenhouse Gas Emissions from Lithium-Ion Batteries”, IVL Swedish Environmental Research Institute, 2017