Ce n’est pas un rêve des écologistes. Ce ne sont pas les urbanistes qui le disent. C’est l’industrie automobile elle-même qui prévoit une diminution du nombre de voitures sur la route d’ici 25 ans. Il est donc inutile de construire de nouvelles routes.
Déjà avant la pandémie, les grands constructeurs automobiles, pensant à leur avenir, considéraient que les rivaux les plus menaçants étaient Uber et Airbnb. Ces entreprises vendent du transport et de l’hébergement sans vendre de véhicules ni de biens immobiliers.
Une entreprise de services peut généralement générer de meilleures marges qu’une entreprise de produits ou de ressources naturelles.
Il y a cinq ans, on pensait que les véhicules électriques et autonomes allaient être à l’origine de cette transition vers une industrie automobile qui construirait moins de véhicules et les vendrait comme un service de voitures autonomes et partagées. Les clients pourraient simplement les appeler à partir de leur smartphone pour prendre la route.
Cinq ans et une pandémie plus tard, l’électrification est officiellement lancée. Les experts prédisent que les véhicules électriques deviendront plus populaires que les véhicules à essence partout dans le monde entre 2035 et 2040. Certains pays y arriveront plus rapidement que d’autres, comme le Québec au Canada, à moins qu’un changement de gouvernement ne remette en question les objectifs fédéraux d’électrification.
Pour l’instant, les industries canadiennes du pétrole et de l’automobile s’entendent plutôt bien. Cependant, cela pourrait changer lorsque les obligations environnementales des constructeurs automobiles les éloigneront des stations-service.
Le niveau 3
La pandémie a sérieusement freiné le développement des voitures autonomes. Pendant deux ans, on en a à peine entendu parler. De plus, l’année dernière, des taxis autonomes appartenant à une filiale de General Motors ont provoqué des accidents qui ont forcé le groupe américain à revoir ses ambitions dans ce domaine.
Pourtant, la semaine dernière, il était possible de croiser plusieurs taxis autonomes dans les rues de Las Vegas lors du Consumer Electronics Show (CES). Et pas seulement ceux d’une seule entreprise. Le Nevada et la Californie autorisent la circulation de véhicules de niveau 3 sur leurs routes. La conduite autonome est classée en cinq niveaux, et le niveau 3 est celui où le conducteur peut lâcher le volant et lire ses e-mails pendant que sa voiture prend les décisions de conduite à sa place.
C’est une énorme confiance envers cette technologie de la part des constructeurs automobiles, qui prennent généralement très peu de risques. De plus, les véhicules autonomes de niveau 3 transfèrent la responsabilité civile en cas d’accident du conducteur au constructeur. Ce n’est plus la personne derrière le volant qui doit présenter son attestation d’assurance, mais le constructeur qui doit assumer les conséquences si le pilote automatique endommage un équipement urbain.
Ce qui pousse les constructeurs à agir, c’est qu’il y a une stratégie commerciale derrière ce virage : les occupants de la voiture, qui n’ont plus besoin de se concentrer sur la route, deviennent des clients captifs. On peut leur vendre plus facilement du divertissement connecté, des outils de télétravail et d’autres services sur mesure.
Des milliards en jeu
“Voulez-vous prendre un petit cappuccino ? Il y a un café sur votre trajet, je passe la commande !” lancera l’intelligence artificielle de votre voiture en route vers le bureau. Tout le monde y trouve son compte !
C’est un exemple fictif des services connectés de demain que nous avons entendu au CES. Nous en verrons probablement d’autres lors du Salon de l’auto de Montréal la semaine prochaine.
En effet, les constructeurs automobiles ont déjà fixé des objectifs financiers pour les services proposés à bord de leurs voitures. Le géant franco-italo-américain Stellantis, par exemple, espère générer 20 milliards d’euros d’ici 2030 grâce à ses services embarqués.
Plus le temps passe, plus ces services se multiplieront. Jusqu’à ce qu’un constructeur décide carrément de remplacer la vente de voitures par un service de voitures autonomes. Un Uber 2.0.
Cela présente des avantages, le premier étant que ces véhicules ne passeront pas 90 % de leur durée de vie garés devant chez leurs propriétaires. Toujours en mouvement, ces véhicules occuperont beaucoup moins d’espace en ville et ailleurs. On pourra remplacer des places de stationnement, voire des routes entières, par des parcs, des terrasses ou des jardinières.
Ce futur est encore de la pure fiction pour le moment, mais il alimente la réflexion dans le secteur automobile. Tous les éléments se mettent progressivement en place pour que cela devienne réalité.
En attendant qu’un rançongiciel provoque une panne généralisée des voitures autonomes…