La voiture électrique reste en tête en termes de bilan carbone par rapport à la voiture à hydrogène

La voiture électrique reste en tête en termes de bilan carbone par rapport à la voiture à hydrogène

En 2020, la France a adopté une stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné. Neuf milliards d’euros seront investis d’ici 2030, notamment dans l’installation de nombreux électrolyseurs en France et dans le développement des moyens de transport propres, en particulier les véhicules lourds.

Selon France Hydrogène, il n’y avait en début d’année 2023 que 550 voitures à hydrogène en France, et environ 1200 véhicules au total, en comptant les engins de manutention, les vélos ou les bus. Autant dire que le marché est encore très embryonnaire.

Est-ce que l’hydrogène peut trouver sa place à moyen ou long terme dans la décarbonation de la mobilité légère ? Dans les véhicules particuliers ? Quel est le bilan carbone de la voiture à hydrogène ? Faisons le point.

Qu’est-ce que l’hydrogène et comment est-il produit ?

L’hydrogène n’est pas une source d’énergie primaire comme le pétrole ou le vent. C’est un vecteur énergétique produit grâce à une réaction chimique à partir de ressources primaires telles que les hydrocarbures (charbon, gaz et pétrole) et l’eau. L’hydrogène que l’on connaît communément est en réalité du dihydrogène H2.

Les principaux modes de production de l’hydrogène sont les suivants :

  • Le vaporeformage du gaz naturel : il s’agit de la technique la plus utilisée dans le monde. Le méthane est traité avec de la vapeur d’eau pour obtenir un mélange contenant de l’hydrogène et du CO2. Cette technique entraîne donc d’importants rejets de CO2, sauf si le CO2 est capturé et stocké.
  • La gazéification du charbon : conversion du charbon en hydrogène par combustion. Il s’agit également d’un processus qui entraîne d’importantes émissions de CO2.
  • L’électrolyse de l’eau : il s’agit de la méthode privilégiée aujourd’hui pour produire de l’hydrogène à faible teneur en carbone. Cette technique utilise de l’énergie électrique pour extraire l’hydrogène d’une molécule d’eau. L’électrolyseur fonctionne à l’électricité. Cela soulève donc la question de l’origine de cette électricité. Pour que l’hydrogène produit par électrolyse soit réellement à faible teneur en carbone, l’électricité utilisée doit être renouvelable ou d’origine nucléaire. Sinon, le processus génère également des émissions importantes.

Ce sont donc ces différents processus qui déterminent l’empreinte environnementale de l’hydrogène. Et, comme nous le verrons, cela est crucial dans le bilan carbone global de l’hydrogène dans la mobilité.

Ces différents modes de production ont également donné naissance à une classification assez connue :

  • L’hydrogène gris est produit à partir d’énergies fossiles, par vaporeformage du gaz naturel et gazéification.
  • L’hydrogène vert est produit à partir de l’électrolyse de l’eau avec une électricité 100% renouvelable.
  • L’hydrogène jaune est produit à partir de l’électrolyse de l’eau avec une électricité d’origine nucléaire.

Récemment, l’ADEME a proposé une nouvelle terminologie :

  • L’hydrogène carboné remplace l’hydrogène gris.
  • L’hydrogène renouvelable remplace l’hydrogène vert.
  • Et l’hydrogène bas carbone remplace l’hydrogène jaune.

Une nouvelle couleur a également fait son apparition ces derniers mois : l’hydrogène blanc. Il désigne l’hydrogène naturellement présent sous terre, parfois en quantités importantes. Cet hydrogène naturel pourrait constituer une nouvelle source d’énergie décarbonée et moins chère que l’hydrogène carboné ou produit par électrolyse. Des forages sont en cours aux États-Unis et des gisements ont été découverts dans de nombreux pays. Cependant, il est encore trop tôt pour déterminer avec précision les ressources disponibles dans le monde et leur potentiel d’exploitation industrielle. Certains chercheurs estiment déjà que les flux pourraient être extrêmement faibles par rapport aux besoins énergétiques actuels et futurs.

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En ce qui concerne la mobilité, ce que l’on appelle une voiture à hydrogène est dans la grande majorité des cas un véhicule électrique équipé d’une pile à combustible alimentée en hydrogène. Contrairement aux voitures électriques qui sont équipées de batteries.

Le bilan carbone de la voiture à hydrogène

Il est difficile de donner une réponse rapide car l’empreinte carbone d’une voiture à hydrogène varie énormément. Elle peut être multipliée par quatre en fonction des conditions.

Précisons tout de suite que les chiffres sur le bilan carbone de la voiture à hydrogène concernent les voitures appartenant au segment D, c’est-à-dire les berlines familiales. Ce sont dans ces voitures que l’on trouve actuellement le plus de modèles à hydrogène.

Comment expliquer une telle différence pour le même nombre de kilomètres parcourus ?

C’est bien le mode de production de l’hydrogène qui explique cette disparité. Comme mentionné précédemment, l’hydrogène peut être produit de différentes manières et son impact carbone varie considérablement en fonction de son origine.

En 2020, l’ADEME a réalisé une étude sur le cycle de vie de l’hydrogène. Les auteurs se sont concentrés sur le cycle de vie de l’hydrogène et son bilan carbone pour deux types de véhicules : une berline du segment D utilisée à des fins professionnelles (taxi) et un véhicule utilitaire léger (VUL).

Dans le cycle de vie de l’hydrogène, la première phase est sa production. Ainsi, pour la France, selon les résultats de cette étude, trois grands scénarios de production sont possibles :

  • Hydrogène issu de l’électrolyse de l’eau utilisant une électricité 100% renouvelable (éolienne, photovoltaïque, hydraulique) : 1,61 kgCO2e par kilogramme d’hydrogène produit.
  • Hydrogène issu de l’électrolyse utilisant l’électricité du mix français de 2023 (avec une grande proportion de nucléaire) : 2,86 kgCO2e/kgH2.
  • Hydrogène issu du vaporeformage du gaz naturel : 11,81 kgCO2e/kgH2.

Il convient toutefois de noter que si l’électrolyse de l’eau est a priori moins émissive que le vaporeformage du gaz naturel, cela dépend en réalité de l’électricité utilisée pour l’électrolyse. Par exemple, avec le mix électrique européen, le bilan carbone de l’hydrogène produit par électrolyse atteint environ 21 kgCO2e/kgH2. C’est sept fois plus élevé que l’électrolyse avec le mix électrique français et près de deux fois plus élevé que le vaporeformage du gaz naturel.

Le problème est que l’hydrogène produit par électrolyse est aujourd’hui très minoritaire. Selon une étude de RTE, 95% de l’hydrogène produit en France provient d’énergies fossiles, notamment du vaporeformage du gaz naturel, de la gazéification du charbon et des co-produits du raffinage du pétrole. Seuls 5% de l’hydrogène proviennent de l’électrolyse de saumure. Dans le monde, plus de 99% de l’hydrogène est produit à partir d’énergies fossiles. En d’autres termes, l’hydrogène produit actuellement est principalement un hydrogène carboné, ce qui augmente considérablement l’empreinte carbone de la voiture à hydrogène.

En plus de la production d’hydrogène, il faut également tenir compte de la fabrication de la voiture. Selon la même étude de l’ADEME, la production de la structure d’une berline émet 5,4 tonnes de CO2e. Les équipements liés à la propulsion hydrogène (petite batterie, pile à combustible, réservoir d’hydrogène) génèrent des émissions significatives : 4,3 tonnes de CO2e. Au total, une berline à hydrogène émet donc 9,7 tonnes de CO2e pour sa fabrication, soit l’équivalent des émissions annuelles d’un Français ou de 45 000 km parcourus en voiture.

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Le poids de la fabrication du véhicule dans le bilan carbone total dépend logiquement de l’origine de l’hydrogène :

  • Pour une berline parcourant 200 000 km avec de l’hydrogène issu du vaporeformage du gaz naturel, la fabrication représente moins de 30% de l’empreinte carbone totale, alors que la production d’hydrogène représente plus de 70%.
  • Pour une berline parcourant toujours 200 000 km, mais avec de l’hydrogène issu de l’électrolyse de l’eau utilisant le mix électrique français, la fabrication du véhicule représente ici 60% du bilan carbone total, contre 40% pour la production d’hydrogène.

Au total, l’ADEME a calculé les émissions carbone d’une berline à hydrogène par kilomètre :

  • Véhicule hydrogène issu de l’électrolyse (mix France 2023) : 79 gCO2e/km.
  • Véhicule hydrogène issu du vaporeformage du gaz naturel : 197 gCO2e/km.

Le bilan carbone de la voiture à hydrogène vs la voiture thermique

Il est très clair que la fabrication des voitures thermiques (essence et diesel) émet beaucoup moins de CO2 que celle des voitures à hydrogène : environ 5,5 tonnes de CO2e contre 9,7 tonnes pour une berline à hydrogène. C’est principalement en raison des équipements liés à l’usage de l’hydrogène. La batterie, le réservoir d’hydrogène et la pile à combustible entraînent des émissions d’un peu plus de 4 tonnes de CO2e.

Cependant, en termes d’utilisation, le véhicule à hydrogène émet beaucoup moins de CO2 que la voiture thermique. Ainsi, sur l’ensemble du cycle de vie, comparée à une berline essence, une berline à hydrogène permet de réduire :

  • Les émissions de CO2e de 23% si l’hydrogène est produit par vaporeformage du gaz naturel.
  • Les émissions de CO2e de 74% en moyenne si l’hydrogène est issu de l’électrolyse.

L’ADEME a ainsi pu calculer le point de basculement entre les véhicules thermiques et les véhicules à hydrogène, c’est-à-dire le kilométrage à partir duquel les émissions des véhicules à hydrogène deviennent inférieures à celles des véhicules thermiques. Ce point de basculement intervient juste après 25 000 kilomètres pour l’hydrogène issu de l’électrolyse. Autrement dit, il suffit de parcourir un peu plus de 25 000 kilomètres pour que le véhicule à hydrogène soit plus avantageux en termes d’empreinte carbone. Pour les véhicules électriques, ce point de basculement intervient encore un peu plus tôt, avant les 25 000 kilomètres.

Le bilan carbone de la voiture à hydrogène vs la voiture électrique

En ce qui concerne la phase de fabrication, il n’y a pas de différence notable en termes d’émissions entre la fabrication d’une voiture à hydrogène et celle d’une voiture électrique : 9,2 tonnes de CO2e pour une voiture électrique contre 9,7 tonnes pour une voiture à hydrogène. Dans les deux cas, ces véhicules émettent jusqu’à deux fois plus que les voitures essence ou diesel pour leur fabrication.

C’est au cours de la phase d’utilisation que la différence se fait sentir. La voiture électrique à batterie présente de meilleurs résultats que la voiture à hydrogène.

Revenons à l’étude réalisée en 2020 pour le compte de l’ADEME. Sur 200 000 kilomètres parcourus, voici le bilan carbone des différents véhicules :

  • Véhicule électrique : 56 gCO2e/km.
  • Véhicule hydrogène issu de l’électrolyse (mix France 2023) : 79 gCO2e/km.
  • Véhicule hydrogène issu du vaporeformage du gaz naturel : 197 gCO2e/km.

En d’autres termes, les véhicules alimentés par de l’hydrogène issu de l’électrolyse émettent 41% de plus de CO2e sur l’ensemble du cycle de vie qu’un véhicule électrique. Ce dernier émet par ailleurs 72% de moins qu’un véhicule alimenté par de l’hydrogène issu du vaporeformage du gaz naturel.

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Quel avenir pour l’hydrogène dans la mobilité ?

L’hydrogène pour les véhicules particuliers

Comme nous l’avons vu, la voiture à hydrogène présente un bilan carbone inférieur à celui des voitures thermiques, ce qui en fait une opportunité dans la décarbonation de la mobilité. Cependant, son empreinte carbone reste plus élevée que celle de la voiture électrique, même avec de l’hydrogène issu de l’électrolyse à 100% renouvelable, c’est-à-dire l’hydrogène le plus propre. Dans ce cas, une berline à hydrogène émet 15% d’émissions de CO2e supplémentaires sur 200 000 kilomètres. Par conséquent, l’hydrogène est-il pertinent pour la mobilité légère particulière ? L’année dernière, l’ADEME et l’IFP Energies Nouvelles ont publié les résultats de l’étude économique, énergétique et environnementale pour les technologies du transport routier à l’horizon 2040 (E4T 2040). Selon l’IFPEN, cette étude place “le tout-électrique comme la solution la plus pertinente pour les voitures particulières, aujourd’hui et plus encore en 2040, tant sur le plan économique qu’environnemental”.

En ce qui concerne l’hydrogène, les résultats sont plus contrastés. L’IFPEN estime que “la technologie de la pile à combustible à hydrogène reste peu compétitive pour les véhicules légers à cette échéance, en raison de coûts d’acquisition et opérationnels élevés”.

L’hydrogène pour les véhicules utilitaires légers et lourds

L’étude de l’ADEME menée en 2020 sur l’hydrogène portait également sur un véhicule utilitaire léger.

Dans ce cas, les résultats en termes d’empreinte carbone diffèrent très peu de ceux obtenus pour les voitures particulières. Le véhicule utilitaire léger présente un bilan carbone entre 11% et 75% inférieur à celui d’un équivalent diesel, selon le mode de production de l’hydrogène. Cependant, ses émissions sont légèrement supérieures à celles d’un véhicule utilitaire léger électrique.

Pour les véhicules utilitaires légers nécessitant une plus grande autonomie et des recharges plus fréquentes, ces avantages peuvent faire la différence. À condition que la production d’hydrogène soit décarbonée, le véhicule utilitaire à hydrogène pourrait donc trouver sa place aux côtés de l’électrique, qui est déjà pertinent d’un point de vue environnemental et deviendra bientôt le plus compétitif.

Dans le domaine du transport de marchandises, la solution hydrogène pourrait également être pertinente à l’avenir pour les longues distances.

En ce qui concerne les autres véhicules lourds tels que les bus, les poids lourds routiers ou les poids lourds de livraison, les résultats sont assez similaires. Les véhicules à hydrogène émettent moins de CO2 que leurs équivalents diesel, mais leur empreinte carbone est plus élevée que celle des véhicules électriques similaires.

Cependant, certains usages nécessitent une autonomie supérieure à celle offerte par les véhicules électriques à batterie. Dans ces conditions, l’utilisation de l’hydrogène est appropriée.

Pour les bus, par exemple, l’étude E4T envisage en 2040 :

  • Un peu plus de 200 gCO2e/km pour le bus électrique.
  • Des émissions d’un peu moins de 500 gCO2e/km pour le bus à hydrogène.
  • Plus de 1700 gCO2e/km pour le bus diesel.

L’utilisation de l’hydrogène reste donc une solution intéressante, combinée à d’autres motorisations, pour certains usages spécifiques tels que le transport de marchandises sur de longues distances, le transport de personnes ou les véhicules utilitaires légers nécessitant de grandes autonomies.

En conclusion, le bilan carbone de la voiture à hydrogène est moins bon que celui de la voiture électrique, à la fois en termes de production et d’utilisation. Cependant, l’hydrogène peut encore trouver sa place dans la mobilité pour certains usages spécifiques nécessitant une plus grande autonomie et des recharges plus rapides. Il est donc essentiel de poursuivre les efforts de recherche et de développement pour rendre la production d’hydrogène plus propre et améliorer son efficacité.