Depuis plusieurs années, l’industrie occupe une place de choix dans les politiques économiques françaises. En effet, l’importance d’une industrie solide pour une croissance économique durable, un excédent commercial, l’innovation, la productivité et la souveraineté économique est désormais largement reconnue. Face à l’effondrement de l’industrie en France, notamment dans le secteur automobile, la réindustrialisation est devenue une priorité.
Le déclin de l’industrie automobile en France et ses causes
Au cours des deux dernières décennies, la France a connu un déclin spectaculaire de son industrie automobile, entraînant une désindustrialisation du pays. Entre 1995 et 2015, près de la moitié des usines et un tiers des emplois industriels ont disparu. La production des constructeurs automobiles français sur le territoire national est passée de 2,88 millions de voitures particulières en 2000 à seulement 1,68 million en 2012, puis à 1,38 million en 2022, un niveau équivalent à celui de 1973.
Ce déclin de la production automobile en France, alors que la demande nationale est restée relativement stable, a eu un impact négatif sur la balance commerciale du secteur. En 2022, le déficit commercial de l’industrie automobile représentait 25% du déficit de la balance des biens manufacturés. Sans un regain de production automobile, il est difficile d’envisager une réindustrialisation significative.
Les constructeurs français ont privilégié la construction d’usines à l’étranger, réduisant ainsi la production sur le sol français. De plus, ils ont importé des véhicules pour répondre à la demande de voitures françaises. En 2022, les exportations ne représentaient que 44% des importations. Cette situation s’explique par le fait que les constructeurs français se concentrent principalement sur les voitures de moyenne et basse gamme, contrairement aux constructeurs allemands. Les voitures françaises sont moins axées sur la R&D et l’innovation, ce qui les rend moins compétitives sur le marché mondial.
La révolution de la voiture électrique et le défi chinois
La voiture électrique occupe déjà une place importante sur le marché mondial. En 2022, plus de 10 millions de voitures électriques ont été vendues dans le monde, et les ventes devraient encore augmenter de 35% en 2023. Cette croissance explosive a permis à la part de marché des voitures électriques de passer de 4% en 2020 à 14% en 2022, et devrait atteindre 18% cette année.
La chaîne de valeur de la voiture électrique diffère de celle des véhicules thermiques, notamment en termes de coûts de production. Les principaux postes de coûts d’un véhicule électrique sont la batterie (plus d’un tiers de la valeur ajoutée) et l’électronique. Cette nouvelle donne a favorisé l’entrée de nouveaux concurrents, tels que Tesla, et a propulsé les constructeurs chinois en tête de ce marché.
La Chine domine actuellement le marché de la voiture électrique. Sa production de voitures électriques dépasse celle des autres pays, ses usines sont leaders dans la production de batteries et de moteurs, et elle contrôle l’approvisionnement en matières premières nécessaires à la fabrication des véhicules électriques. En Europe, les voitures chinoises représentent déjà 8% du marché de l’électrique, une part qui pourrait doubler dans les 18 prochains mois.
Les constructeurs chinois bénéficient d’un avantage concurrentiel en termes de coûts et de technologie, rendant difficile le rattrapage européen, et particulièrement français. Pour que la réindustrialisation grâce à la voiture électrique soit possible, une réponse européenne coordonnée, avec des aides massives à la recherche et à la production ainsi qu’une protection commerciale, serait nécessaire.
Des enjeux politiques déterminants
La réussite d’une telle politique en faveur de l’industrie automobile nécessiterait des mesures d’ampleur et une coordination au niveau européen. Cela profiterait aux sites industriels européens dans leur ensemble, sans bénéficier spécifiquement aux sites français. Par exemple, la nouvelle Citroën C3 est assemblée en Slovaquie, avec seulement le moteur électrique fabriqué en France. Il est donc important de garder à l’esprit que la réindustrialisation française prendra du temps.
Si une politique européenne visant à lutter contre le dumping économique chinois et à soutenir l’industrie automobile était couronnée de succès, cela favoriserait les sites industriels européens, tout en encourageant les constructeurs chinois à s’implanter en Europe.
Dans l’état actuel des choses, la réindustrialisation de la France grâce à la voiture électrique semble peu probable face au défi chinois. Néanmoins, l’avenir de cette industrie dépendra des décisions politiques prises dans les mois à venir.