Lanceurs d’alerte : comment signaler les violations en entreprise

Lanceurs d’alerte : comment signaler les violations en entreprise

Par GOETHALS Augustin – Conseiller Juridique, le 27 Janvier 2023

La nouvelle réglementation impose aux entreprises de plus de 50 employés de mettre en place une procédure et un canal de signalement pour permettre aux travailleurs de signaler les violations du droit de l’Union européenne dans un contexte professionnel. Cette réglementation entrera en vigueur le 15 février 2023. Les travailleurs qui signalent ces violations bénéficieront d’une protection.

La loi du 28 novembre 2022 sur la protection des personnes qui signalent des violations transpose la directive de l’Union européenne (UE) 2019/1937 et permet à la réglementation belge d’être conforme aux obligations imposées par l’UE dans ce domaine. Elle vise à renforcer l’efficacité du droit de l’UE en permettant aux travailleurs de signaler les violations tout en assurant leur protection. Cette protection est essentielle pour les travailleurs, car elle les encourage à signaler les violations sans craindre de représailles.

1. Les domaines et les canaux de signalement d’une violation

Le lanceur d’alerte peut communiquer des informations concernant une violation par deux canaux. Le premier est le signalement interne, lorsque le lanceur d’alerte communique une information concernant une violation au sein de l’entreprise qui l’emploie, que ce soit par écrit ou verbalement. Le deuxième est le signalement externe, lorsque le lanceur d’alerte choisit de signaler la violation aux autorités publiques compétentes ou de la divulguer publiquement via un blog ou l’intervention d’un journaliste.

Selon la nouvelle loi, les domaines dans lesquels un signalement est possible incluent les marchés publics, les services, produits et marchés financiers, la protection de l’environnement, la santé publique, etc. Le lanceur d’alerte ne bénéficie d’une protection que s’il signale une violation dans l’un de ces domaines. Certains domaines, tels que la sécurité nationale et les informations classifiées, ne sont pas couverts par cette loi.

2. Les entreprises concernées

2.1 Délai et obligation de mise en place d’un canal de signalement

Les entreprises du secteur privé employant au moins 50 travailleurs sont tenues de mettre en place un canal de signalement. Toutefois, cette obligation ne s’applique pas aux entreprises du secteur financier et de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, qui doivent créer un canal de signalement interne, quel que soit le nombre de travailleurs employés.

Les entreprises comptant plus de 250 travailleurs ont une obligation supplémentaire : elles doivent permettre les signalements anonymes. Le délai pour la mise en place d’un canal de signalement dépend du nombre de travailleurs dans l’entreprise.

  • Les entreprises de moins de 50 travailleurs : aucune obligation (sauf pour le secteur financier, la prévention du blanchiment, etc.)

  • Les entreprises de 50 à 249 travailleurs : canal de signalement interne à mettre en place d’ici le 17 décembre 2023

  • Les entreprises de plus de 250 travailleurs : canal de signalement interne et traitement anonyme à mettre en place d’ici le 15 février 2023

Le nombre de travailleurs est calculé sur la base des règles de calcul pour les élections sociales, en prenant en compte les 4 trimestres précédant le trimestre en cours.

2.2 Notion de “secteur financier”

Le terme “secteur financier” désigne les entreprises qui relèvent de l’Autorité des services et marchés financiers (FSMA). Cela inclut les sociétés de gestion de portefeuille et de conseil en investissement, les sociétés de gestion d’organismes de placement collectif, les bureaux de change, etc.

3. Le canal de signalement

3.1 Conditions

Les entreprises doivent établir des procédures de signalement et de suivi qui répondent à certaines exigences. Elles doivent fournir aux travailleurs les informations nécessaires sur le canal de signalement, permettre un signalement par écrit ou verbalement, protéger la confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte, traiter les données à caractère personnel conformément à la réglementation, et répondre aux signalements en fournissant un accusé de réception dans les 7 jours et en donnant un retour d’informations dans un délai raisonnable (maximum 3 mois).

De plus, les entreprises doivent tenir un registre de tous les signalements effectués, conservés jusqu’à la fin de la relation contractuelle.

3.2 Mise en pratique

Le canal de signalement doit être mis en place après consultation des partenaires sociaux, tels que le conseil d’entreprise, le comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT) ou la délégation syndicale.

L’entreprise a deux options pour mettre en place le canal de signalement : en le gérant en interne avec un gestionnaire impartial, ou en confiant la mise en place et la gestion à un tiers. Dans les deux cas, l’entreprise est responsable du traitement des données à caractère personnel.

L’entreprise peut également décider d’autoriser d’autres lanceurs d’alerte, tels que des travailleurs indépendants, des sous-traitants ou d’anciens travailleurs, à accéder au canal interne et à effectuer des signalements.

3.3 Sanctions en cas de non-respect

Si l’employeur ne respecte pas l’obligation de mettre en place un canal de signalement, il encourt des sanctions de niveau 4, qui peuvent aller jusqu’à une peine d’emprisonnement et/ou une amende pénale. Les personnes physiques ou morales qui entravent le signalement, intentent des procédures inutiles ou vexatoires, exercent des représailles ou violent l’obligation de confidentialité de l’identité des auteurs encourent également des peines.

4. La protection du lanceur d’alerte

4.1 Qui est protégé?

La protection ne se limite pas seulement aux travailleurs salariés, mais s’applique également aux actionnaires, aux travailleurs indépendants et aux personnes liées à un organe de gestion. De plus, il n’est pas nécessaire qu’une personne soit déjà liée par un contrat de travail au moment du signalement.

4.2 Dans quelles circonstances vaut la protection?

La protection du lanceur d’alerte est soumise à la condition qu’il ait des motifs raisonnables de croire en la véracité des informations signalées et qu’il ait suivi la procédure prévue par la loi. Les informations doivent avoir été obtenues dans un contexte professionnel, à moins qu’il ne s’agisse du domaine financier, de la prévention du blanchiment ou du financement du terrorisme.

De plus, si le lanceur d’alerte signale de manière anonyme et que son identité est révélée ultérieurement, il sera également protégé s’il subit des représailles.

4.3 Contenu de la protection et sanctions

La loi interdit toute forme de représailles ou de traitement défavorable envers le lanceur d’alerte, à condition que son signalement respecte les conditions précédemment mentionnées. Les menaces et tentatives de représailles sont également couvertes par la protection.

En cas de non-respect de l’interdiction de représailles, le travailleur peut obtenir une indemnité entre 18 et 26 semaines de rémunération. Les victimes de représailles non salariées peuvent réclamer des dommages et intérêts équivalents au préjudice subi.

5. Entrée en vigueur

Cette loi a été publiée au Moniteur Belge le 15 décembre 2022 et entrera en vigueur le 15 février 2023 pour certaines entreprises. Les entreprises de plus de 250 employés doivent mettre en place le canal de signalement d’ici cette date.

Les entreprises de 50 à 249 travailleurs ont jusqu’au 17 décembre 2023 pour se conformer à leurs obligations en matière de procédures de signalement.

Les entreprises des secteurs financier, de la prévention du blanchiment et du financement du terrorisme doivent, peu importe leur taille, avoir mis en place le canal de signalement d’ici le 15 février 2023.