La propagation du virus facilitée par l’urbanisation rapide
Les recherches menées en 2014 ont permis de retracer l’histoire génétique du VIH, le virus responsable du Sida, et ont révélé que l’ancêtre commun du VIH-1, la souche la plus répandue, aurait très probablement émergé à Kinshasa dans les années 1920. Cette transmission spécifique du virus a conduit à la pandémie mondiale qui a entraîné près de 75 millions d’infections à ce jour, principalement en Afrique subsaharienne.
Les scientifiques ont établi que plusieurs facteurs ont favorisé l’émergence et la propagation du Sida à partir de Kinshasa entre les années 1920 et 1950. L’urbanisation rapide, la construction des chemins de fer en République démocratique du Congo et les changements dans le commerce du sexe ont contribué à la propagation du virus.
Crédit photo : Olivier Pybus / Science
Le rôle clé du chemin de fer
Le développement des chemins de fer, en particulier au Congo belge, a joué un rôle essentiel dans la propagation initiale du virus. Kinshasa est devenue l’une des villes les mieux desservies de toute l’Afrique centrale, devenant ainsi une plaque tournante pour la propagation du VIH. Les archives coloniales indiquent qu’à la fin des années 40, plus d’un million de personnes transitaient chaque année par Kinshasa en train.
Les données génétiques montrent que le VIH s’est rapidement propagé à travers le Congo, se déplaçant avec les personnes empruntant les chemins de fer et les voies d’eau. Ainsi, entre la fin des années 30 et le début des années 50, le virus a atteint d’autres villes comme Mbuji-Mayi, Lubumbashi et Kisangani, établissant ainsi les premiers foyers secondaires d’infection. Ces régions étaient également connectées à d’autres pays d’Afrique du Sud et de l’Est par des réseaux de communication efficaces.
Les chercheurs pensent que les changements sociaux survenus lors de l’indépendance du Congo en 1960 ont probablement permis au virus de se propager à des populations plus vastes avant de se répandre dans le monde dans les années 70. En plus du développement des transports, des changements dans les comportements sociaux, notamment parmi les travailleurs du sexe, ainsi que l’accès accru aux seringues partagées par les toxicomanes, ont contribué à l’explosion de l’épidémie.
Le professeur Pybus conclut en affirmant que la transmission initiale du virus de l’animal à l’homme s’est produite lors de la chasse et de la consommation de viande de brousse. Une fenêtre d’opportunité s’est ensuite ouverte pendant la période du Congo belge, permettant à cette souche spécifique du VIH de se propager. Dans les années 60, le système de transport, en particulier le chemin de fer, a joué un rôle clé dans la dissémination du virus sur de vastes distances, semant les graines de la pandémie dans toute l’Afrique et au-delà.
Lise Loumé avec afp