Bien peu de gens peuvent se vanter de porter un jean à leur nom, mais Julien et Myriam Tuffery en font partie. Ce couple d’entrepreneurs passionnés par la mode durable est la quatrième génération à perpétuer l’héritage de l’Atelier Tuffery. Fondée en 1892 à Florac, en Lozère, cette petite manufacture de jeans est l’une des rares à résister à la mondialisation croissante de l’industrie de la mode.
Un savoir-faire traditionnel préservé
En 2022, l’Atelier Tuffery a réalisé un chiffre d’affaires de 3,5 millions d’euros, attirant de plus en plus de clients japonais à la recherche d’une histoire familiale authentique. Ce succès s’explique en partie par la qualité exemplaire des jeans produits dans cette petite usine. Chaque pièce est découpée et cousue par les employés de l’atelier, et les matières premières utilisées, comme le coton ou le chanvre, proviennent de France, au plus près des Cévennes, pour réduire au maximum l’empreinte carbone. Les délavages sont également réalisés en France, selon des procédés respectueux de l’environnement.
Une mode plus responsable, plus éthique, plus humaine
“Nous sommes engagés dans une mode plus responsable, plus éthique et plus humaine”, explique Julien Tuffery. Mais cette vision est en réalité celle de son arrière-grand-père, de son grand-père, de son père et de ses oncles. Il y a 15 ans, ces artisans étaient considérés comme des marginaux dans les Cévennes. Peu de personnes parlaient alors de Made in France, d’artisanat local et d’une mode respectueuse.
Une longue histoire de succès
L’histoire de la famille Tuffery remonte à la fin du XIXe siècle, lorsque Célestin Tuffery, maître tailleur visionnaire, décide de créer des jeans pour habiller les ouvriers chargés de construire une ligne de chemin de fer dans les Cévennes. Il achète alors du denim, un tissu nîmois utilisé à l’époque pour fabriquer des toiles de charrettes, et donne naissance aux premiers jeans Tuffery. À cette époque, des tailleurs du monde entier se tournent également vers le denim et font peu à peu du jean un vêtement tendance pour les travailleurs.
La survie contre toute attente
Après la Seconde Guerre mondiale, le prêt-à-porter connaît un essor considérable et le jean devient un article de mode très populaire. L’Atelier Tuffery prospère alors. “Les volumes ont explosé, tout le monde voulait des jeans !”, raconte Julien Tuffery. Pourtant, dans les années 1980, l’industrie textile française est ravagée par la concurrence des pays du Maghreb et d’Asie, où la main-d’œuvre est bien moins chère. Beaucoup d’ateliers de confection doivent fermer, mais l’Atelier Tuffery résiste. “C’est presque un miracle que nous soyons encore là aujourd’hui”, s’exclame Julien Tuffery.
La relève d’une tradition familiale
Julien Tuffery et son épouse Myriam, tous deux cadres bien rémunérés, décident de reprendre les rênes de l’atelier familial au début des années 2000, portés par le mouvement du Made in France et le souhait croissant des consommateurs de privilégier les produits locaux, respectueux de l’environnement et des conditions de travail. À l’époque, l’entreprise ne réalisait qu’un chiffre d’affaires de moins de 80 000 euros avec seulement deux employés. Mais aujourd’hui, l’Atelier Tuffery affiche un chiffre d’affaires de plus de 3,5 millions d’euros et emploie plus de 30 salariés.
Un refus des investisseurs et des grandes maisons de luxe
Malgré les sollicitations de gros investisseurs, Julien et Myriam Tuffery ont préféré décliner ces offres alléchantes. Ils souhaitent préserver leur liberté intellectuelle et ne pas dénaturer l’héritage familial pour remplir simplement les bons de commande. Les grandes maisons de luxe et les couturiers prestigieux qui ont frappé à leur porte ont également essuyé quelques refus. “Nous ne voulons pas être cet arbre qui cache la forêt”, souligne fièrement Julien Tuffery.
Prôner l’éthique et l’authenticité
Malgré des prix plus élevés (de 129 à 290 euros), l’Atelier Tuffery continue de se battre pour imposer ses jeans, qui allient savoir-faire ancestral et éthique. “Il est certain que les clients de Shein mettront du temps à devenir nos clients, mais petit à petit… Les jeunes sont de plus en plus attentifs à la provenance et aux conditions de fabrication des vêtements”, explique Myriam Tuffery. L’Atelier Tuffery ne vend ses jeans qu’en direct, sans intermédiaire, et a ouvert une boutique temporaire sur la place de la Comédie, à Montpellier, à deux pas des géants du prêt-à-porter Uniqlo et C&A. Les Tuffery espèrent que les amateurs de denim ne garderont pas les mains dans les poches face à leur offre authentique.
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