L’avenir de l’assurance-vie

L’avenir de l’assurance-vie

Des changements importants à prévoir

Souvenez-vous : il y a quelques années, on annonçait la disparition imminente des fonds en euros en raison de la baisse historique et continue des taux d’intérêt des obligations détenues par les assureurs pour rémunérer l’épargne. Cette baisse a entraîné une chute des rendements, passant de +5,8 % en 1997 à seulement +1,28 % nets de frais de gestion en 2021 (source : cabinet d’études Le Cercle de l’épargne). En conséquence, à quelques exceptions près, les assureurs ont commencé à promouvoir les unités de compte, des supports financiers investis en actions qui ne garantissent pas le capital. Autrement dit, avec ces unités de compte, il est possible de réaliser des gains lorsque les marchés sont en hausse, mais également de subir des pertes en cas de tendance à la baisse.

Les épargnants assument davantage de risques

Pour promouvoir ces unités de compte, différentes stratégies ont été mises en place au fil des ans. Il n’est plus possible de placer la totalité de son épargne dans les fonds en euros proposés par de nombreux assureurs (Axa, Prédica, Suravenir…). Certains assureurs proposent des bonus de rendement de plus en plus importants pour récompenser les épargnants prenant des risques en investissant dans des unités de compte (Axa, Swiss Life…). De plus, certains assureurs ont augmenté les frais sur les versements pour détourner les irréductibles qui préféraient encore la sécurité des fonds en euros, sans garantie de rendement plus élevé.

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Un changement radical

En 2022, le paysage a radicalement changé. L’inflation est en hausse depuis la mi-2021 et les taux des obligations remontent brusquement. Une situation inédite depuis les années 1980 ! Désormais, la question est de savoir si les rendements annoncés en 2022, au début de l’année 2023, vont continuer à suivre cette tendance peu attrayante de taux fortement négatifs, comme le souligne Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne, ou si ces rendements bénéficieront également de cette remontée des taux d’intérêt.

Les assureurs ont aujourd’hui la possibilité d’adopter une gestion plus active et de profiter de la hausse des taux d’intérêt pour acheter des obligations offrant des rendements nettement plus intéressants. Cependant, ces nouvelles obligations ne remplaceront progressivement que les anciennes obligations arrivant à échéance. Par exemple, Odile Ezerzer, directrice de Macif Finance Épargne et directrice générale de Mutavie, indique que seulement environ 10 % de leur portefeuille obligataire arrive à échéance chaque année. Cela signifie que malgré l’amélioration des marchés obligataires, il faudra plusieurs années aux épargnants pour constater une augmentation significative du rendement de leurs fonds en euros.

Éviter une reprise importante pour le bien de tous

L’enjeu majeur pour les assureurs-vie est d’éviter une reprise trop importante, c’est-à-dire un volume de rachats qui les obligerait à vendre d’anciennes obligations à perte, causant ainsi des moins-values. Une telle situation serait préjudiciable pour le secteur, comme le souligne Cyrille Chartier-Kastler, créateur de Good Value for Money, site spécialisé dans l’assurance-vie et les placements financiers. Pour éviter cette situation, la loi prévoit la possibilité de limiter temporairement les retraits d’argent pendant au maximum 6 mois… Mais nous n’en sommes pas là ! Les assureurs-vie disposent également d’une carte intéressante : la provision pour participation aux bénéfices (PPB), qui s’élève à environ 71,5 milliards d’euros, soit environ 4,87 % de l’encours, toutes compagnies confondues, selon Cyrille Chartier-Kastler.

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Une utilisation des bénéfices mis en réserve

Il s’agit de bénéfices qui ont été mis de côté pour faire face aux périodes financières difficiles. Cette provision, qui varie d’un assureur à l’autre, doit être redistribuée aux assurés avec un délai maximal de 8 ans. Elle a été créée dans ce but précis, à savoir amortir le moment où le rendement net des actifs est inférieur au taux moyen des emprunts d’État à 10 ans, comme c’est actuellement le cas, souligne Guillaume Rosenwald, directeur général de MACSF Épargne retraite.

Une augmentation des rendements à prévoir, mais limitée

En puisant dans cette réserve, les rendements nets de frais de gestion pourraient atteindre environ 1,8 % à 2,6 % pour l’année 2022, selon Philippe Crevel. Cela serait une bonne nouvelle pour les épargnants. Cependant, il ne faut pas se faire d’illusions : cette redistribution, bien que progressive, s’étalera sur plusieurs années. Ainsi, même avec une remontée progressive et réelle des taux d’intérêt, les fonds en euros continueront d’afficher des rendements négatifs tant que l’inflation restera élevée, selon Odile Ezerzer.

En toile de fond, le rendement du livret A

Autre problème conjoncturel auquel les assureurs doivent faire face : la popularité croissante du livret A, dont le rendement actuel n’a jamais été aussi élevé depuis de nombreuses années, à savoir 2 % nets d’impôts et de prélèvements sociaux. Ce taux pourrait même atteindre 3 % en février prochain, dépassant ainsi les rendements des meilleurs fonds en euros du marché. Cela représente un défi pour certains assureurs, bien qu’il ne soit pas raisonnable de comparer ces deux produits en raison de leurs différentes caractéristiques (plafonds des versements, frais, fiscalité…). Cependant, selon Philippe Crevel, certains épargnants choisiront quand même cette option. En effet, le livret A capte déjà une partie de l’épargne destinée aux produits financiers à long terme. Ainsi, un couple avec deux enfants peut placer plus de 100 000 € sans risque et sans taxation, à la fois sur des livrets A et des livrets de développement durable et solidaire.

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De nouvelles stratégies pour attirer une nouvelle épargne

Face à cette situation inédite, certains assureurs pourraient être tentés de revoir leurs règles établies ces dernières années. En effet, outre la nécessité d’éviter une vague de rachats, les assureurs doivent continuer à collecter des fonds pour deux raisons. Tout d’abord, pour maintenir une collecte nette positive, c’est-à-dire un ratio entre les prestations versées (retraits effectués ou versement des capitaux-décès aux bénéficiaires) et les primes reçues. Ensuite, pour exposer leurs portefeuilles à des taux d’intérêt en hausse plus rapidement, afin de faire profiter plus rapidement leur communauté d’assurés.

Plusieurs hypothèses sont actuellement envisagées. La première consisterait à réduire, voire à supprimer, les frais sur les versements, car la garantie des fonds en euros coûte désormais moins cher en fonds propres, selon Guillaume Rosenwald. La deuxième option serait de réduire les seuils d’éligibilité pour les fonds en euros, souvent conditionnés à un investissement de 30 % ou 40 % en unités de compte, comme le prévoit Édouard Michot, président d’Assurancevie.com. D’ailleurs, des signaux en ce sens ont déjà été détectés. Enfin, une troisième solution pourrait être le retour des fonds dits “eurocroissance”, dont le capital est garanti et le rendement supérieur à celui des fonds en euros, avec la contrepartie d’une immobilisation de l’épargne pendant au moins 8 ans.

Les rendements de l’année 2022, qui seront diffusés à partir de mi-janvier 2023, seront scrutés de près.