La Commission européenne, soutenue par de nombreux gouvernements et parlements, a décidé d’orienter notre continent vers l’utilisation de voitures électriques, excluant ainsi toutes les autres solutions de motorisation. Deux dates clés ont été fixées pour la fin de la production des moteurs thermiques en 2035, et pour l’arrêt de leur circulation en 2050. L’urgence climatique et la lutte contre le réchauffement climatique sont les moteurs de cette décision.
Contester l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre en modifiant notre comportement est devenu difficile. Chaque canicule ou catastrophe naturelle est régulièrement médiatisée comme une punition de la nature pour nos mauvaises actions. Malgré cela, certains essaient de faire entendre leur voix, mais ils ont du mal à être écoutés.
Le pari de Pascal
Pour former mon opinion, j’aime faire un pari de Pascal : “Et si c’était vrai, est-ce que remplacer les voitures thermiques par des voitures électriques en Europe permettrait réellement de réduire les émissions de gaz à effet de serre ?”
Il est important de rappeler que les voitures automobiles ont remplacé les voitures à cheval en imaginant de nombreux modes de propulsion tels que la vapeur (charbon), l’essence (pétrole) et l’électricité. L’essence s’est rapidement imposée grâce à son autonomie, sa légèreté, sa praticité et son coût abordable. Les voitures d’aujourd’hui ont évolué de manière significative en termes de rendement, de sécurité, de confort et d’aides à la conduite. Elles ont quatre roues, un volant et des pédales, mais elles n’ont plus grand-chose à voir avec les premiers modèles. Parallèlement, une concentration industrielle s’est opérée tant au niveau des constructeurs que des composants.
Les émissions polluantes issues de la combustion ont évolué au cours des vingt dernières années chez tous les constructeurs, avec des progrès notables. Cependant, les normes imposées par les États pour répondre aux pressions des populations urbaines ont entraîné une hausse des coûts malgré l’automatisation des chaînes de production et l’introduction du numérique dans les usines. Les constructeurs occidentaux, américains, européens, japonais et coréens ont réussi à maintenir leur excellence dans les véhicules thermiques, jusqu’à l’arrivée de la Chine et de l’Inde qui cherchent à trouver des solutions pour leur propre population.
Le bien commun au détriment des libertés individuelles
L’automobile est devenue en un siècle non seulement un moyen de transport, mais aussi un symbole de liberté et d’épanouissement personnel et familial. Elle a également joué un rôle dans l’aménagement de l’espace avec des résidences en périphérie des villes, des centres commerciaux en dehors des zones urbaines, des lotissements, etc. C’est un mode de vie que nous avons développé, une aspiration à des choix de destinations non programmées. Pour beaucoup, elle représente l’apprentissage de la liberté. Légiférer et réglementer dans ce domaine est clairement dangereux pour la démocratie. Les régimes totalitaires ont toujours exercé un contrôle strict sur l’accès et l’utilisation des véhicules individuels, en accordant des autorisations en fonction d’une vision très hiérarchisée de la société.
La gestion de l’avenir de l’automobile et les choix faits par les pouvoirs publics sont donc liés à la conception et au fonctionnement de la démocratie, c’est-à-dire à la relation entre l’intérêt général et les aspirations individuelles. Les modes de vie actuels se sont développés en utilisant les nouvelles technologies mises à disposition des citoyens. L’intérêt commun doit réguler ces modes de vie, mais jusqu’où peut-on aller dans la contrainte ? Devons-nous bannir la voiture individuelle, comme certains le préconisent ? Beaucoup de partisans de la disparition des moteurs diesel puis des moteurs à essence considèrent les voitures électriques comme une première étape vers la suppression des voitures individuelles, avec un changement radical des modes de vie des cent dernières années, jugés responsables de la destruction de la planète.
Avant d’adopter cette opinion de manière majoritaire, il serait bon d’ouvrir le débat et de ne pas le limiter uniquement aux zones urbaines et à Paris. En effet, les périodes de vacances ou de week-ends montrent un engouement pour l’utilisation de la voiture individuelle. La population française n’a pas encore pleinement conscience de la véritable direction que prennent les “sauveurs de la planète” avec leur concept de sobriété, rapidement transformé en “décroissance”. L’automobile en Europe et en France n’est pas “seulement” un moyen de transport, c’est aussi une aspiration à la liberté.
L’électricité : un défi à relever
La pollution atmosphérique, la qualité de l’air et les embouteillages ont conduit à la législation sur les émissions de polluants, ouvrant la voie à l’idée d’une voiture électrique ne rejetant rien dans les zones urbaines et pouvant ainsi être qualifiée de “propre”. Les constructeurs et les professionnels du secteur, y compris les composants et les garagistes, n’étaient pas favorables à une augmentation de cette nouvelle mode de propulsion. Les associations favorables à cette transition avaient du mal à faire entendre leur voix face à ce qu’elles appelaient les “lobbies”. Cependant, depuis le choc pétrolier de 1973, de nombreux scientifiques ont exploré la possibilité de créer de nouvelles batteries ou des piles à combustible. Le constructeur japonais Toyota a rapidement considéré que la solution idéale pourrait être le véhicule hybride, avec une propulsion électrique en ville et une propulsion thermique à l’extérieur, avec une alimentation électrique continue (faible consommation, émissions très réduites). En ce qui concerne les batteries, le lithium, le métal le plus léger et le plus réactif, a été largement utilisé dans les téléphones portables. Les progrès réalisés dans la maîtrise de ses caractéristiques ont conduit à la création de batteries lithium haute capacité.
Petit retour sur la technique : contrairement à ce que les politiciens et certains commentateurs laissent entendre, l’électricité n’est pas stockée. Il s’agit plutôt de transformer des électrons et de les reproduire lorsqu’ils sont nécessaires. Les piles et les batteries sont utilisées pour cette transformation ; on parle de batteries lorsque l’on peut les “recharger”. Il y a donc un changement d’état et non un “stockage”, ce qui implique une notion de rendement et de pertes. Comparé à un véritable stockage de produits pétroliers ou gaziers, le bilan économique est nécessairement moins favorable.
Les batteries ont connu des avancées significatives, principalement en Asie grâce à des entreprises comme Toyota et Panasonic au Japon, ainsi que Nissan (en collaboration avec Panasonic) pour les voitures électriques (lancement de la LEAF par Carlos Ghosn). Très rapidement, la fabrication et la technologie ont déménagé en Chine, qui a vu dans la voiture électrique une opportunité de dépolluer ses villes. Les industriels européens espéraient que la consommation diminuerait et que la combustion s’améliorerait, ce qui permettrait aux voitures thermiques de résister à la pression de l’écologie politique. Cependant, c’est le diesel qui a été le premier à être abandonné suite au scandale, et naturellement, l’essence a suivi.
Désordre industriel et désastre social
Les constructeurs automobiles se sont retrouvés pris au piège, sans stratégie et incapables de mener une action collective. Nous nous trouvons maintenant confrontés à un plan européen visant à éliminer rapidement les moteurs thermiques et à interdire les véhicules dans certaines villes. L’industrie automobile, déjà critiquée pour ses “mensonges” sur le diesel, est maintenant confrontée à des annonces affirmant que 45 000 décès par an sont dus à la mauvaise qualité de l’air liée à ses véhicules. Partagée sur la direction à prendre, l’industrie ne semble pas anticiper l’”urgence climatique” qui exige qu’elle se sabote sans vraiment résister.
L’industrie automobile avait déjà délocalisé une grande partie de sa production, mais maintenant elle demande aux États de prendre en charge les conséquences sociales des changements à venir, notamment les licenciements, les formations et les nouvelles unités de production qui, espère-t-on, pourront rivaliser avec les entreprises asiatiques. Mais les cent dernières années, au cours desquelles plusieurs générations ont construit des véhicules thermiques de plus en plus sophistiqués à un prix abordable, sont en train de disparaître. Les compétences incontestables des professionnels du secteur, des usines aux garages, ne seront plus utilisées que pour le démantèlement. Pendant ce temps, la moitié du monde, incapable d’accéder rapidement à une électricité abondante, continuera à utiliser et probablement à fabriquer des véhicules thermiques. Avec cette directive européenne, tous nos pays se tirent une balle dans le pied, et l’ampleur des conséquences doit être mesurée.
Changer de mode de vie
En utilisant les voitures actuelles, chaque propriétaire peut décider de partir où il le souhaite sur de longues distances. Il lui suffit d’avoir une voiture en bon état et un réservoir plein. Dans toute l’Europe, il peut facilement faire le plein de carburant en cinq minutes. La principale limite des voitures électriques aujourd’hui réside dans le manque de bornes de recharge, le temps de recharge long et les difficultés à mettre en place un modèle économique rentable pour le déploiement de bornes, sans compter les subventions publiques nécessaires. Il est possible d’imaginer des progrès dans tous les domaines, des métaux utilisés dans les batteries aux puissances de recharge, et cela arrivera certainement. Cependant, aujourd’hui, les voitures électriques sont deux fois plus chères que les voitures thermiques et leur utilisation est limitée par leurs caractéristiques physiques.
C’est la raison de la baisse des ventes de voitures neuves en Europe. Les consommateurs vont devoir changer non seulement de voiture, mais aussi de mode de vie, et cela les rend anxieux face à un avenir qui leur est présenté comme radieux. Ils ne sont ni volontaires ni rassurés ! Par exemple, on comptait sur le prix bas de l’électricité et sa disponibilité universelle, mais les dernières semaines ont montré que c’était une illusion. Il en va de même pour le côté “propre”. La qualité de l’électricité utilisée pour recharger les batteries a un impact sur la propreté du véhicule. En France, la majorité de l’électricité provient du nucléaire, au Québec et en Norvège elle est hydraulique, en Chine elle est issue du charbon, et en Allemagne elle provient du charbon, de la lignite et du gaz. On constate donc que ce sont les problèmes de qualité de l’air qui déterminent la volonté d’utiliser l’électricité, et non la préservation de la planète et de son climat. Le marché évident de l’électrification ne concerne donc qu’une élite aisée, représentée notamment par les propriétaires de Tesla, qui pourront, avec le temps, posséder suffisamment de voitures pour répondre à tous leurs besoins, comme les propriétaires de cabriolets qui ne sortent qu’en été sur des routes pittoresques.
L’heure de la pénurie électrique
Aujourd’hui, le passage obligé à la voiture électrique est une catastrophe économique et sociale pour toute l’Europe. Elle a déjà entraîné des plans sociaux (en commençant par les fonderies devenues inutiles), des départs anticipés à la retraite, des plans de reconversion et l’arrêt de la production sans avoir rentabilisé les investissements, ainsi que la nécessité de réaliser de nouveaux investissements d’urgence, sans réelle expertise et avec des solutions techniques risquées. Pour des politiciens qui ne cessent de parler du principe de précaution, ils semblent l’avoir totalement ignoré cette fois-ci. Ils se sont engagés dans une voie incertaine et, avec la crise énergétique en Europe, le brouillard s’épaissit encore. Il n’y aura pas de pénurie d’essence ou de diesel, mais la pénurie électrique nous guette !
Si la voiture électrique est clairement une solution intéressante en milieu urbain pour réduire les émissions dans l’air, est-elle pour autant une réponse efficace pour améliorer notre bilan carbone, comme le soutiennent les urgents écologistes ? À ce jour, aucune démonstration n’a été présentée pour prouver que l’une des deux solutions en compétition, le moteur thermique ou le moteur électrique, est préférable. Cependant, si nous utilisons des combustibles fossiles pour produire de l’électricité, nous savons déjà que nous sommes dans l’absurdité, ce qui est le cas dans de nombreux pays qui ont abandonné l’énergie nucléaire.
L’électrification ne se fera pas du jour au lendemain
Les énergies renouvelables intermittentes, telles que l’énergie solaire et éolienne, ont besoin d’une source d’énergie pilotable pour répondre à la demande. Pour conclure, il faudrait établir un bilan carbone global de tous les composants, de l’extraction à leur recyclage, et à ce jour, rien n’est certain. Tout dépendra des progrès réalisés dans les deux directions. Il existe tellement de possibilités pour les voitures thermiques, y compris celles qui ont été expérimentées en 1973 lors des crises pétrolières, avec une consommation d’un litre pour cent kilomètres. De nombreuses recherches sont en cours sur des métaux non rares et peu coûteux (autres que le lithium, le cobalt ou le nickel) susceptibles d’être utilisés dans les nouvelles batteries. Ainsi, ceux qui tirent des conclusions aujourd’hui ne peuvent que mentir ou se tromper.
Ce qui est évident, c’est qu’en tenant compte de la croissance démographique rapide dans certains continents, l’électrification mondiale n’est pas pour demain, ni même après-demain. La crise actuelle basée sur l’illusion d’une énergie abondante bon marché provenant du vent et du soleil devrait ouvrir les yeux de tous les responsables gouvernementaux. Le monde a besoin de toutes ses sources d’énergie, d’un mix énergétique variable selon les pays, mais toujours en gardant à l’esprit la souveraineté énergétique pour assurer la tranquillité. L’humanité continuera de vouloir la liberté offerte par la voiture individuelle. Son efficacité actuelle est garantie par l’utilisation de l’essence ou du diesel. Tant qu’aucune alternative de qualité n’aura été trouvée, les gens continueront à utiliser cette technologie. Les villes désireuses de propreté généraliseront des véhicules plus respectueux de l’environnement. Qu’il s’agisse de véhicules électriques, à hydrogène ou de nouvelles générations de véhicules thermiques, personne ne le sait encore. Mais il y aura une cohabitation et un mix énergétique, comme cela a toujours été le cas depuis les débuts de l’humanité sur Terre.
Pour survivre, l’Europe doit revenir à une politique énergétique raisonnable. Si les politiciens n’y parviennent pas, les peuples se révolteront. Les choix qui ont été faits sous la pression de l’écologie politique ont été désastreux et les véritables défenseurs de l’environnement le constatent.