Le business des conventions de stage : entre précarité et recherche d’expérience

Le business des conventions de stage : entre précarité et recherche d’expérience

Enfin, vous y êtes arrivés. Après des années à étudier, vous arrivez au terme de votre cursus et à la récompense ultime : un diplôme. Mazal tov ! Avec un joli cadre, il trônera fièrement dans le salon de Pépé et Mémé. C’est maintenant le moment de trouver un emploi. Cependant, le nez dans les livres, la bière et peut-être un petit boulot en sus, vous n’avez pas pu anticiper le début de votre vie professionnelle. Vous constatez avec désarroi que votre manque d’expérience n’impressionne pas les recruteurs autant que vos grands-parents. Depuis quelques années, de jeunes diplômés dans cette situation ont trouvé un recours précaire et souvent illégal pour mettre un premier pied dans le monde du travail : multiplier les stages grâce à des conventions obtenues via des organismes peu scrupuleux. Le but ? Étoffer le CV et accumuler un maximum d’expérience. Mais quelles sont les conséquences de cette pratique, symptôme d’un marché de l’emploi en berne ? Contribue-t-elle à la précarisation des jeunes ? Quelles sont les alternatives pour trouver un emploi avec un diplôme mais peu d’expérience ? C’est ce que nous allons découvrir.

De jeunes diplômés, précaires, qui “n’ont pas le choix”

En tant qu’étudiant, vous savez à quel point les stages sont précieux pour se faire une place dans le monde du travail. Selon une enquête Ipsos / Sopra steria menée en 2018, 89% des personnes interrogées estiment que les stages sont utiles et 88% recommanderaient à un jeune de leur entourage d’en effectuer. Il n’est donc pas étonnant que nous cherchions à multiplier les stages, même lorsque nos études sont terminées. En effet, de nombreux jeunes diplômés ont du mal à accéder au marché de l’emploi et postulent à des offres de stage pour ne pas rester sans activité. Les moins de 25 ans, même diplômés, sont les plus touchés par le chômage, avec un taux de 17,6% en décembre 2021 selon Eurostat, et la plupart du temps, sans aucune allocation. Dans ce contexte, bon nombre d’entre nous se retrouvent contraints de faire un stage dans l’espoir qu’il débouche sur un emploi stable. “De toute façon, c’était soit payer pour une convention de stage, soit le chômage… Et tout vaut mieux que le chômage”, déclare Rafaël, un jeune diplômé en communication qui a accepté un stage après l’obtention de son diplôme. Mélanie, quant à elle, s’est reconvertie dans les métiers du digital à l’âge de 28 ans. Plusieurs mois après avoir terminé ses études, elle ne trouve pas d’emploi stable à l’horizon. Finalement, elle se résout à accepter une offre de stage dans une entreprise prestigieuse. Pour ces jeunes diplômés, il s’agit souvent d’un choix par défaut.

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La course à la convention de stage : un processus douteux

En théorie, nous ne devrions plus pouvoir bénéficier d’une convention de stage une fois que nous avons quitté les études. En effet, depuis le 10 juillet 2014, une loi encadre et protège les stagiaires, exigeant qu’un stage soit adossé à un cursus pédagogique. Dans le cas contraire, l’entreprise qui accueille le stagiaire risque une amende pouvant aller jusqu’à 2 000 € par stagiaire concerné, voire 4 000 € en cas de récidive dans l’année. Pour contourner cette règle, de nombreux jeunes diplômés se procurent des conventions de stage sur Internet, via des organismes privés moyennant finance. En quelques secondes sur un moteur de recherche, il est possible de trouver des organismes qui proposent d’obtenir des conventions de stage rapidement. Parmi eux, on trouve Be Student Again ou encore Paris Executive Business School.

Un business bien ficelé

La méthode est simple : il suffit de s’inscrire en ligne pour suivre l’une de leurs formations et obtenir ainsi le précieux document, prêt à être rempli par l’entreprise qui vous accueille. Les frais à débourser varient entre 400 € et 600 €, auxquels s’ajoutent les 200 € de sécurité sociale étudiante. Ces sommes sont élevées, mais toujours inférieures aux frais de scolarité d’une école privée, ou au coût du chômage. Beaucoup se laissent donc tenter. L’entourloupe, c’est que ces organismes proposent réellement des formations à distance. Be Student Again se définit même comme une “plateforme d’inscription en ligne à des universités étrangères reconnues internationalement”. En réalité, ce que l’on achète sur leur site, ce n’est pas la convention de stage, mais une inscription dans une université étrangère, ce qui donne droit à tous les avantages liés au statut étudiant. L’obligation de formation est donc respectée, même si dans les faits, aucune vérification n’est effectuée. De nombreux étudiants s’inscrivent donc dans le seul but de recevoir leur convention de stage, sans aucune intention de suivre la formation.

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Une aubaine pour les entreprises

Les entreprises qui accueillent ces stagiaires en tirent tous les bénéfices. Cela leur permet de s’entourer de collaborateurs compétents à moindre coût. Michel, dirigeant d’une PME dans l’événementiel, témoigne : “Entre un stagiaire tout juste diplômé payé 600 € et un salarié débutant qui coûtera au moins 3 000 € à l’entreprise, le choix est vite fait ! Mais je crois surtout qu’un mauvais recrutement coûte très cher. En prenant un candidat en stage, on teste ses compétences sans risque durant quelques mois avant de l’embaucher s’il est compétent.”

Les lourdes conséquences du business des fausses conventions de stage sur le marché de l’emploi

Même si le recours aux conventions de stage payantes peut sembler bénéfique pour les jeunes diplômés à la recherche d’expérience, cette pratique engendre en réalité de nombreuses conséquences néfastes pour leur intégration dans le monde du travail.

Une exclusion des plus défavorisés

Tout le monde n’a malheureusement pas les moyens d’investir dans une convention de stage. Pour un jeune diplômé sans allocation chômage, payer une convention à 400 ou 600 euros pour percevoir un salaire de stage pendant 6 mois n’est pas envisageable par rapport à trouver un emploi rémunérateur et stabilisant. Le problème, c’est que cet emploi ne sera pas forcément en lien avec le métier ou le secteur visé. L’écart se creuse donc entre les jeunes privilégiés qui peuvent se permettre d’acheter une convention de stage et ceux qui ne le peuvent pas.

La disparition des offres d’emploi junior

Plus les jeunes diplômés proposeront aux entreprises de les rejoindre en stage, moins celles-ci embaucheront de jeunes salariés en CDI. En effet, à compétences égales, une entreprise préférera payer un stagiaire au minimum légal plutôt qu’un salarié en CDI. Cette pratique habitue les entreprises à recourir à des stagiaires sous-payés, créant ainsi un cercle vicieux. Mélanie admet : “Je participe à la précarisation de l’emploi des jeunes en ayant recours à de faux stages, alors que c’est justement ce qui m’a poussée à reprendre des études. Mais comment faire quand toutes les entreprises ne proposent que des stages ? Je n’ai vraiment pas l’impression d’avoir le choix.”

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La difficulté pour les “vrais” étudiants de trouver un stage

Ces stagiaires diplômés constituent une concurrence déloyale pour les étudiants qui débutent leur cursus et cherchent à effectuer un “vrai” stage. En effet, pour les entreprises, recruter un stagiaire expérimenté est souvent plus intéressant. Il devient donc de plus en plus difficile pour les étudiants de trouver un stage pour valider leur formation.

Mais alors, quelles alternatives ?

Comment faire quand on est jeune diplômé pour s’insérer dans le monde du travail sans tomber dans le piège des stages payants à répétition ? Voici quelques pistes à explorer :

Les missions locales

Les missions locales peuvent vous aider à décrocher un stage d’une durée maximale de 2 mois, convention à l’appui, sans aucun frais. Elles travaillent avec un réseau d’employeurs qui recrutent en priorité des jeunes inscrits en mission locale. Elles peuvent également vous aider à identifier une formation qui correspond à votre profil ou à créer votre propre activité.

Reprendre de vraies études

Si vous souhaitez effectuer des stages, autant qu’ils soient adossés à un véritable diplôme qui renforcera votre CV et augmentera votre niveau d’expertise. Si vous ne savez pas dans quel secteur vous former, vous pouvez réaliser un bilan de compétences pour identifier vos atouts. Si vous êtes demandeur d’emploi, renseignez-vous auprès de votre conseiller Pôle emploi pour connaître les formations auxquelles vous pouvez prétendre.

Devenir auto-entrepreneur

Le statut d’auto-entrepreneur permet d’exercer une activité indépendante à moindre coût en travaillant avec des indépendants. Les entreprises s’entourent ainsi de collaborateurs compétents sans augmenter leurs charges fixes. Bien que cela ne résolve pas le problème de la précarité, votre rémunération en tant qu’auto-entrepreneur sera plus élevée qu’en stage, et vous pourrez cumuler plusieurs opportunités en parallèle.

Partir à l’étranger

Dans de nombreux pays, il n’est pas nécessaire d’avoir une convention ou de suivre un cursus pédagogique pour effectuer un stage en entreprise. Vous pouvez donc postuler par vous-même dans des entreprises à l’étranger ou vous rapprocher d’organismes spécialisés qui vous accompagneront dans votre recherche de stages rémunérés.

Chercher des VIA ou des VIE

Les contrats de volontariat international en entreprise ou en administration, ainsi que les services civiques en France ou en Europe, offrent également des opportunités intéressantes.

Négocier un CDD

La dernière alternative consiste à chercher spécifiquement des offres d’emploi en CDD ou à négocier directement avec l’entreprise qui vous propose un énième stage.

En conclusion, les conventions de stage payantes peuvent sembler être une solution pour les jeunes diplômés en quête d’expérience, mais elles ont des conséquences néfastes sur leur intégration dans le monde du travail. Il est important de trouver des alternatives et de chercher des solutions plus équilibrées pour favoriser une entrée réussie dans la vie professionnelle.